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Critique d'album

Peter Gabriel


I/o


(01/12/2023 - - Rock - Genre : Rock)
Produit par

1- Panopticom / 2- Playing For Time / 3- The Court / 4- Four Kinds of Horses / 5- i/o / 6- Love Can Heal / 7- Road To Joy / 8- So Much / 9- Olive Tree / 10- This is Home / 11- And Still / 12- Live and Let Live
Note de 4.5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
" I/O est à classer dans la catégorie du Grand Art. Docteur Futurity"
Daniel, le 04/12/2023
( mots)

Où le chroniqueur en perd sa Lune

Quand on partage sa vie avec une légumière qui confie son précieux potager aux cycles lunaires, on prend l’habitude de calculer le temps qui passe en huit phases (1) harmonieuses qui complètent un cycle vital et naturel de 29 jours, 12 heures et 44 minutes.

En 2023, chaque pleine Lune (la cinquième phase du cycle de huit) aura vu ma légumière trouver difficilement le sommeil et Peter Gabriel éditer un titre de I/O. Si fait que c’est la première fois de ma vie que je découvre un album que je connais déjà par bribes et presque par cœur. C’est d’autant plus déroutant que, lors de sa récente tournée, l’Archange a déjà régalé ses spectateurs privilégiés en interprétant sur les scènes du monde l’essentiel de son nouveau répertoire.

Mais ce sentiment de "connaissance" n’était qu’une illusion. Parce que l’écoute de l’album redevient une découverte. Lors d’un spectacle de magie, on sait tous et toutes qu’il y a un lapin caché dans le chapeau mais on crie toujours "Oh !" quand le lapin apparaît.

Ici, c’est un très (très) gros "Oh !" parce que le lapin est de dimension stellaire.

I/O est une tuerie absolue. Absolue mais aussi abstruse puisque l’Archange n’a pu choisir son mixage final. Le coffret contient deux fois les mêmes titres mixés de deux façons différentes (2). Il y a le "Bright-Side Mix" de l’Anglais Mark Stent (3), un sculpteur qui s’empare de la matière (faite de son et d’émotions) pour construire un voyage et le "Dark-Side Mix" de l’Américain Tchad Blake (4) un peintre assembleur d’images soniques.

La musique de Peter Gabriel est devenue plurivoque… et définitivement universelle.

Ainsi, par la grâce de l’Archange, le rock, réalisant le plus grand écart qui soit en 68 années d’existence, est passé du statut de musique de danse pour Honky-tonk bouseux de Nashville à celui d’expression totale qui englobe tout le spectre sonore connu (et audible).

Où il faut se farcir une parenthèse historique comme les aiment les vieux chroniqueurs

Tout ça, c’est la faute de Marion Keisker. C’est elle qui a présenté Elvis Presley à son patron, Sam Cornelius Philips. Marion Keisker. Une brunette, féministe militante avant la lettre. Le 18 juillet 1953, en phase de lune croissante, elle a eu une "intuition" lorsqu’un gamin – Elvis Presley – est entré dans le petit bureau de la firme Sun.

Douze mois plus tard, le 5 juillet 1954, en phase de Lune croissante à nouveau, une étincelle a jailli entre un drumming trop binaire, une guitare électrique trop énervée et une voix qui hésitera longtemps entre ténor et baryton. Le rock était né. A cause (ou par la grâce) de Marion Keisker.

Et, soixante-dix ans plus tard, I/O débarque dans nos vies de rockers. Comme une parenthèse qui se ferme. Ou une parenthèse qui s’ouvre…

Où l’on apprend que nous sommes tous et toutes une joyeuse parcelle du Grand Tout

En guise de "chapeau" éditorial, Peter Gabriel a choisi de mettre en exergue sur I/O la sentence "Just A Part Of Everything" qui résume magnifiquement l’essence de son dixième album personnel (en 46 ans de carrière solo). L’opus est fait d’optimisme, d’amour, d’humanité (en ce qu’elle comprend des parts d’ombre et de lumière), de justice et d’injustice, de temps qui passe, de mort et d’espoir… Surtout d’espoir, un ingrédient qui nous manque cruellement en ce début de siècle qui prend souvent des allures de fin de cycle civilisationnel (on revient toujours aux cycles).

C’est que nous sommes tout sauf éternels ; chaque instant qui passe est par conséquent une édition strictement limitée. Alors, Carpe Diem, frères et sœurs !

Toujours dans l’esprit du grand écart rock, la musique de I/O est totalement intemporelle tout en étant à la pointe actuelle de la technique sonique. Tous les musiciens et musiciennes (classiques, électriques, électroniques, ethniques, …) sont beaux et belles. Je sais que ce n’est pas un critère sonore mais, interprétée comme elle l’est ici, cette musique rend tout qui l’entend, la comprend ou la joue meilleur et beau. Peut-être même plus intelligent.

Et, bien évidemment la plus fidèle phalange de Gabriel se tient à ses côtés en formation de combat : David Rhodes (guitare), Tony Levin et Manu Katche, le meilleur batteur- percussionniste du monde. L’étrange mais élégant Brian Eno n’intervient pour sa part que sur quatre titres.

L’Archange est au sommet absolu de son art.  De son art de composition et de son art d’interprétation. Sa voix prend mille visages (pour paraphraser Gene Simmons sur son premier album solo) en fonction des nombreuses émotions véhiculées. Cette virtuosité nous rappelle que, durant la période la plus productive de Genesis, Gabriel pouvait déjà interpréter "naturellement" (et parfois même au sein d’un même titre) un ahurissant catalogue de personnages plus invraisemblables les uns que les autres.

Mes préférences vont à (dans l’ordre) "And Still" (5), "Playing For Time" (6), "The Court", "Love Can Heal", "Panopticom" et "This Is Home". Mais il s’agit d’un choix éminément subjectif parmi vingt-quatre titres (deux fois douze) qui représentent notre magnifique héritage d’un des plus merveilleux artistes engendrés par la musique du Diable.

Il est inutile d’attendre une prochaine pleine Lune pour écrire que nous tenons ici l’opus le plus abouti de toute la carrière de Peter Gabriel et, probablement, l’un des plus remarquables objets d’art de ces anxiogènes années vingt.

Où l’on parle (brièvement) d’Art Majeur

Cité au début de la chronique, l’énigmatique Docteur Futurity parle rarement de Grand Art. Mais l’expression est ici bien choisie (raison pour laquelle je l’ai accaparée). I/O évolue au-delà de la "chose musicale".

On y voit du cinéma. On y entend de la danse. On y ressent des paysages. On y distingue des peintures. L’album, déjà paré d’un artwork intrigant, contient en bonus un livret où sont reproduites douze œuvres d’artistes d’horizons très divers qui forment un superbe patchwork d’inspirations contemporaines (7).

Où il ne faut surtout pas poser un choix

Certains cercles mondains bruisseront probablement de conversations passionnées, entre deux Fernet Branca, au sujet du meilleur choix à opérer entre la version "Bright" ou la version "Dark" de I/O.

En réalité, le petit rocker (qui préfère de toute façon le houblon au Fernet Branca) n’a pas de choix à opérer. Les deux versions sont une part essentielle du Tout.

A titre strictement personnel, j’écoute plus volontiers la version "Dark-Side Mix" parce que j’y retrouve ces petites aspérités que j’apprécie en musique.

Il en ira de l’humeur de chacun et chacune.

Humeur à sculpter ou Humeur à peindre.

Dans l’ordre ou Dans le désordre.

Parfois bright, Parfois dark

Parfois oui, Parfois non.

Parfois I, Parfois O.

I/O.


(1) Nouvelle lune - Premier croissant - Premier quartier - Gibbeuse croissante - Pleine lune - Gibbeuse décroissante - Dernier quartier - Dernier croissant

(2) Le coffret deluxe contient une troisième version "In-Side Mix" de Hans-Martin Buff.

(3) Il a collaboré avec Madonna, Paul McCartney, Lady Gaga, U2, Depeche Mode,  Coldplay, Muse, Oasis, Keane et Massive Attack…

(4) Il a travaillé avec Arctic Monkeys, Bonnie Raitt, Crowded House, Elvis Costello, Pearl Jam, Sheryl Crow, Suzanne Vega, T-Bone Burnett, The Bangles, The Black Keys, The Dandy Warhols, The Pretenders, Tom Waits, Tracy Chapman et U2…

(5) La partie orchestrale de ce titre est la pièce de musique dite "classique" la plus sensible que j’aie entendue depuis… très longtemps. Cette partie a été composée en hommage à Edith Irene, la maman de l’Archange (car les Archanges ne naissent pas de la simple volonté des Dieux de la musique).

(6) Comme "Four Kind Of Horses", cette composition nous rappelle que Peter Gabriel, après avoir hésité entre le chant et le cinéma, a composé plusieurs musiques de films.

(7) Sauf erreur de ma part, la paternité de cette association "image et son" reviendrait à Brian Eno et Peter Schmidt (album Before And After Science en 1977). Pour I/O, Peter Gabriel a fait appel à douze artistes différents qui ont illustré un titre. "Soundsuit", la contribution de Nick Cave est assez exceptionnelle. "Red Gravity" de David Spriggs, "Colour Experiment n°114" de Olaffur Eliason, "A Small Painting Of What I Think Love Looks Like" de Antony Micallef et "And Still (Time)" de Megan Rooney valent aussi le déplacement. 

Commentaires
Benoît Gab, le 18/12/2023 à 09:04
Album magnifique. L'attente en valait la peine.L'Archange est au sommet de son art. Plusieurs morceaux sont des bombes d'émotions (je pense à Four Kinds..., And Still, Playing et j'en passe). Deux bémols: l'effet de surprise n'est plus là vu la démarche de PG de sortir un single à chaque pleine lune et d'autre part, pourquoi avoir sorti deux disques ? Personnellement, je n'en vois pas l'utilité. Chef-d'oeuvre absolu. Merci Peter pour ce grand moment d'émotions.
DanielAR, le 15/12/2023 à 12:40
Merci pour ce témoignage qui me donne très envie de commander les vinyles au Père Noël... Ca fait longtemps que je n'avais plus autant lu l'expression "album de l'année" pour un même disque. Et, à force de l'écouter, il m'arrive de me demander si, en ce qui me concerne, ce n'est pas actuellement le meilleur disque rock du XXIème siècle.
Did35, le 14/12/2023 à 19:09
Magnifique album.Je possède la version "Bright" et je ne me lasse pas de l'écouter. Les arrangements sont au top.Le vinyle est très bon et le livret d’accompagnement illustré avec différents artistes est de très belle qualité.Un sans faute pour moi.L'album de l'année.
DanielAR, le 14/12/2023 à 15:54
Nicolas, j'aime bien ton expression "éclairage". L'expérience (et cet album est une sacrée expérience) est une lanterne qui n'éclaire d'ordinaire que celui qui la porte. Mais ça fait vraiment plaisir de partager un peu de clarté avec des petits rockers à l'esprit ouvert et libre !
NicolasAR, le 14/12/2023 à 09:39
Hello Daniel. Pas très connaisseur de PG à la base - j'ai écouté So comme tout le monde, mais bon... - je me suis laissé enthousiasmer par cette critique. L'album n'est clairement pas ma cible, mais il est très bon, aucun doute. Le potentiel de "chef-d'oeuvritude" est là. Il donne envie d'y revenir et je ne doute pas que je me pencherais dessus avec attention dans les prochaines semaines. Merci pour ce bel éclairage !
DanielAR, le 13/12/2023 à 18:36
Et merci de publier ce témoignage sur le webzine. Je me sens moins coupable de "forcer des mains" quand le disque est d'une qualité aussi remarquable. Je pense que I/O pourrait "passer à la postérité". Et j'espère que ce ne sera pas le testament de Gabriel parce qu'au rythme où il publie ses nouveautés, ce ne sont pas ses CD qui vont encombrer nos étagères...
Alexx, le 13/12/2023 à 09:46
Assez fan de Genesis, sa carrière solo ne m'a pas pourtant pas vraiment émoustillé bien que j'ai toujours respecté l'artiste. Cet album est donc pour moi une véritable révélation. Quel bijou de la première minute jusqu'à la dernière. Ce violon sur la fin de Playing for a time ! Je penche plutôt pour le bright side. Merci de m'avoir forcé la main avec cette critique !
DanielAR, le 10/12/2023 à 13:28
D'accord sans aucune réserve avec la première phrase de Fisc06 ! Le petit monde du rock a beaucoup de chance de compter quelques "génies" artistiques qui apportent des lettres de noblesse à un style musical qui, à l'origine, n'avait pour autre vocation que d'inviter les teenagers à la danse.
Fisc06, le 08/12/2023 à 20:57
Peter Gabriel est un génie. Tous ses albums m'ont procuré beaucoup de plaisir et d'emoi. Celui-ci est magnifique, certes, mais pour autant je suis resté sur ma faim, peut-être faut-il que j'approfondisse un peu plus. Tout est très beau mais rien ne m'a surpris. J'aurai aimé un titre qui sorte du cadre.
DanielAR, le 08/12/2023 à 16:06
Merci à Diane pour ce retour aimable et pertinent. Vous soulignez un point fort important à mes yeux : en 2023, je n'attendais plus vraiment un (très) "bon" album de Peter Gabriel. Beaucoup de ses contemporains se satisfont aujourd'hui de disques "génériques" (ce qui est déjà de bon aloi) ou, malheureusement, de productions "nostalgiques" mais dépourvues d'âme. Je me dis que ça valait la peine d'attendre...
diane, le 06/12/2023 à 20:51
Eloges méritées 21 ans d attente et de frustration . Alors oui l emotion est là, avec "and still", exceptionel ! et dans une moindre mesure "love can heal " plus cosmique, super! Mais treve de plaisaenteries nous avons aussi ,l hymne avec "four kinds of horses" genial ! "road to joy" et "playing for time" en dark ,yes! Une seule veritable fausse note ,non ,est ce possible? et oui ! l oubliable " live and let live". Mr Peter Gabriel vous etes la preuve que le talent existe, meme si vous en etiez un peu" avare "ces 20 dernieres annees .4,5 etoiles pour la prod ,4 étoiles pour la voix ,3,5 étoiles pour les compositions .un bon 4 étoiles pour un bon album.