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Critique d'album

Katatonia


Sky Void of Stars


(20/01/2023 - Nuclear Blast - Doom-detah, puis metal prog - Genre : Hard / Métal)
Produit par Dan Swanö

1- Austerity / 2- Colossal Shade / 3- Opaline / 4- Birds / 5- Drab Moon / 6- Author / 7- Impermanence / 8- Sclera / 9- Atrium / 10- No Beacon to Illuminate Our Fall / 11- Absconder
Note de 3/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Encore un disque splendide de la part des papes du metal mélancolique"
Nicolas, le 06/02/2023
( mots)

Si souvent la question de l’affiliation d’un groupe à un genre musical donné peut sembler verser dans une sorte de masturbation intellectuelle pour rock critic paresseux, elle peut parfois s’imposer de but en blanc quand il s’agit de positionner - et donc de comprendre, et par là même d’apprécier - un acteur tout à fait singulier. A ce titre, un petit coup d’œil dans le rétroviseur de Katatonia n’a rien de facultatif. Voilà un groupe qui, derrière des oripeaux de métalleux suédois tout à fait cliché - il n’y a qu’à voir la dégaine de Jonas Renkse pour s’en convaincre à tort -, a su développer une personnalité à nulle autre pareille.


Quand Kevin a brossé le tableau de Katatonia pour son approche de The Great Cold Distance il y a de cela quelques années, il a tapé juste, à deux détails prêts. D’abord Renkse n’a pas abandonné le chant grawlé pour raison de santé, c’était avant tout un prétexte pour vaguement s’excuser de quitter les rivages du metal extrême et faire basculer le doom-death morbide de sa formation vers un metal progressif baigné de la mélancolie la plus exquise par le truchement d’un chant clair habité que l’on n’aurait même pas soupçonné auparavant. Il s’agissait donc d’un choix mûrement réfléchi et par la suite pleinement assumé (assez vite, au demeurant), ouvrant par là la porte à un certain Mikael Akerfeldt, son grand ami qui lui a servi de faire-valoir grogneur sur le schizophrène Brave Murder Day et qui a mis près de douze ans avant de sauter lui aussi le pas au sein d’Opeth en délaissant le Death Metal à partir d’Heritage. Retournement de veste qui, soit dit en passant, a failli sceller le glas de leur supergroupe commun Bloodbath qui n’a pu surnager qu’en finissant par remplacer le félon Akerfeldt par Nick Holmes de Paradise Lost au micro, mais ne nous éloignons pas du sujet et poursuivons l’analyse.


L’autre item à prendre en considération est que Katatonia est un groupe de metal qui a progressivement incorporé des éléments progressifs dans sa musique (structures, alternances, technique, longueur, subtilités, douceur etc) quand Porcupine Tree a fait tout l’inverse (musculation du son à grands renforts de riffs fortement distordus). Deux groupes estampillés “metal progressif” mais qui, de par leur histoire et leur évolution, délivrent une musique au rendu diamétralement opposé. Et Opeth, dans tout ça ? Opeth qui, comme Katatonia, a progressivement élagué toute violence de son vocabulaire pour un rendu finalement assez proche des derniers émoluments du Steven Wilson band ? Oui, sauf qu’Opeth n’est incarné que par son leader Akerfeldt, seul membre permanent, seul décisionnaire et seul maître à bord. C’est là qu’entre en jeu l’autre âme du groupe qui nous intéresse ici, à savoir Anders Nyström, et c’est là que je m’inscris une seconde fois en faux vis-à-vis de ce qu’a écrit Kevin. Loin de se résumer au seul Jonas Renkse, Katatonia bâtit aussi tout ou partie de son écriture dans les riffs puissants de son guitariste et surtout dans ses emballantes contributions solistes. Et si Mikael Akerfeldt ne jure désormais plus que par les formations classic rock 70’s les plus obscures, le couple Renkse - Nyström puise encore et toujours son inspiration dans la scène métallique extrême de Scandinavie, ancienne ou actuelle, du death le plus sépulcral au black le plus carnassier, extirpant de ces horribles atours des teintes glauques d’une confondante émotion, équarrissant de leur musique toute forme de monstruosité pour n’en extraire que la douleur la plus crue. Ainsi en va-t-il notamment des paroles de Renkse, délestées de tout envahissant background fantastico-occulte pour ne privilégier que la souffrance de l’être humain confronté à sa solitude et au désespoir face à son trépas qu’il sait inévitable. Un programme guère réjouissant dans lequel on se surprend pourtant à replonger à chaque fois avec délice.


En résulte une œuvre complexe sous des abords de prime abord balisés, en particulier pour toutes celles et ceux qui sont familiers des mœurs métalliques. Pour autant, il n’est pas si aisé que cela de pénétrer dans l’univers de Katatonia. À la relative simplicité des motifs mélodiques s’oppose une incroyable complexité dans leur juxtaposition, faite de décalages rythmiques, introductions successives erratiques, répétitions sous des formes différentes et j’en passe. Au premier abord, la musique de Katatonia fait soulever un sourcil : le métalleux y distingue tous les éléments qu’il apprécie mais se retrouve incapable de leur donner du sens, et il s’en faudra de moult écoutes pour se laisser progressivement habiter par ces riffs déstructurés qui ne sont là que pour servir d’écrin à des compositions subtiles où l’héroïsme du guerrier laisse poindre les fêlures de l’âme en peine. Ce douzième album, Sky Void Of Stars, sous des travers un peu plus robustes et un peu moins expérimentaux et progressifs que ses trois prédécesseurs, n’en est que l’exemple le plus brillant. Sibyllin en première écoute, il ne cesse de nous héler avec insistance pour que nous revenions à lui, de sorte que l’on finit par ne plus le lâcher.


Ne surtout pas s’arrêter à l’hermétisme mystique d’“Austerity” dont la puissante rugosité déchiquetée ne cesse de nous plonger dans des affres de perplexité de longues écoutes durant, car il ne s’agit clairement pas d’une entrée en matière évidente. Les saccades rythmiques cisaillent une mélodie grave scandée avec solennité par un Jonas Renkse impérial tandis que les soli lyriques ne nous offrent que de bien brèves respirations. Un nœud gordien que l’on finit par trancher bien des jours plus tard pour se rendre compte de l’ingéniosité de cette pièce aussi obscure dans ses sonorités que dans sa délivrance. Rien de semblable avec le plus martial et cadencé “Colossal Shade” qui, lui, sait comment nous prendre par la main et nous ramener par des chemins détournés sur le droit chemin, un chemin qui estomaque par les visions qu’il procure, servies par une majestueuse distorsion et une rythmique implacable. Si la complexité règne en maîtresse, parfois il s’en faut de bien peu pour tisser de magnifiques tapisseries, un petit gimmick de synthé en intro qui se voit recouvert d’une armure en airain au fil du titre (“Opaline”, attachant) ou même un simple arpège de guitare magique qui porte à bout de bras le clou de l’album (“Atrium”, pour le coup fabuleux de simplicité et d’accessibilité).


Autre particularité de Katatonia, d’où l’importance cruciale de Nyström, c’est souvent la guitare soliste qui ouvre les morceaux. On pense au splendide “Behind The Blood” de l’opus précédent, on songe ici à l’épatant “Birds”, plus pêchu et tendu, servi par des vrilles de fer aussi vicieuses qu’implacables sur chaque refrain alors que les couplets paraissent faussement aguicheurs. La six-cordes peut donc se faire technique et précieuse, mais elle sait aussi s’effacer jusqu’à se réduire à de simples notes suspendues dans les cieux au rythme d’une frappe sèche très typée 80’s (“Sclera”, évident) pour ensuite asséner ses riffs effrayants avec une violence à peine contenue (“No Beacon To Illuminate Our Fall”). Sur cette matrice insaisissable, la voix assurée de Jonas Renkse transforme le plomb en or, aussi à l’aise dans tous les registres et toutes les tonalités, métamorphe jusqu’à s'immiscer dans le registre de Joel Ekelöf (“Impermanence” qui ferait bien de l’ombre à Soen). Bien que n’ayant rien d’exceptionnel sur le simple plan du spectre auditif, elle laisse transparaître un vécu, un pathos qui touche et qui ébranle. À d’autres moments, Katatonia ne renie pas le côté plus vaporeux et onirique de certaines de ses plus récentes compositions métalliques (“Drab Moon” qui ne dépareillerait pas sur City Burials) quand ailleurs il tâche de dissimuler ses armes derrière un abord inoffensif avant de nous saisir sournoisement à la gorge à grands coups de médiators asymétriques et de morceaux de bravoure solistes (“Author” qui déplore ce fameux “ciel dépourvu d’étoiles”). Avec pour constantes la finesse, l’intelligence et l’excellence jamais prises en défaut.


Les deux messages que l’on voudrait faire passer ici sont les suivants : 1) ne vous arrêtez pas à la dégaine de Renkse et de sa clique, ne vous arrêtez pas à ce son très metal suédois, ne vous arrêtez pas à des clichés : Katatonia, c’est bien plus que cela, surtout quand on sait que l’une des sources d’inspiration favorite du frontman n’est autre que… Bruce Soord et The Pineapple Thief. Etonnant, non ? Et 2) par pitié, donnez sa chance à Sky Void Of Stars, ne l’écoutez pas d’une oreille distraite en dilettante, laissez-vous fasciner par ses bizarreries comme par ses apparentes incongruités, laissez-vous habiter par cette musique qu’il serait bien cuistre de réduire à du metal progressif. Car une fois percée l’armure, vous pénétrerez en profondeur dans l’âme et le cœur de ce monstre de douleur. Pas sûr du tout que vous en ressortiez indemne…


À écouter : "Atrium", "Colossal Shade", "Opaline", "No Beacons To Illuminate Our Fall"

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Commentaires
NicolasAR, le 26/02/2023 à 19:02
Merci Etienne ! Je constate aux notes des auditeurs que ce disque ne trouve pas une oreille très favorable, et j'en suis le premier peiné. En effet je pense que trois écoutes c'est trop faible pour laisser parler cet album. Et bizarrement, je n'ai pas réellement accroché à Dead End Kings, alors que City Burials m'a laissé une très forte impression. Quant à Riverside, la critique arrive bientôt (après celle de Klone), mais j'ai peur qu'elle ne soit pas dithyrambique... même si j'ai plutôt aimé.
Etienne, le 16/02/2023 à 17:29
Belle chronique, merci Nicolas ! J'avoue que celui-ci m'ennuie un peu plus que les précédents (Dead End King et Fall Of Hearts, quels disques ! City, bof je n'y suis jamais trop revenu, malgré quelques très beaux titres). Peut-être devrais-je lui laisser sa chance mais 3 écoutes n'y ont rien fait pour le moment... En l'état je trouve que Jonas tourne un peu en rond ! PS: Contrairement à Riverside, dont j'ai adoré le dernier disque, bien plus intéressant que Wasteland d'ailleurs (qui est le seul disque que je n'aime pas dans leur disco). Les goûts et les couleurs...
FrancoisAR, le 08/02/2023 à 15:53
J’ai écouté l’intégralité de l’album et même les passages moins pop sont assez lassants, même s’il y a toujours quelques bons moments. Pour Riverside, j’ai seulement accroché à Wasteland et je suis moins convaincu par le reste, même si en effet, paradoxalement, je trouve que sur le dernier en date, ils sont plutôt pertinents quand ils jouent à fond la carte pop FM… j’ai pas d’explication plus solide à te donner hélas … mais j’avoue que globalement, la scène prog moderne de la veine Wilsonienne (je vois très large, du new-prog en passant par tout un courant metal aux contours accessibles) me procure peu d’enthousiasme.
NicolasAR, le 08/02/2023 à 12:14
C'est bizarre car autant je comprends que cet aspect "pop" puisse gêner avec Steven Wilson, autant ici le chant de Jonas Renkse se montre tout de même moins balisé, avec une palette vocale très diverse et pas forcément claire ou mainstream. Si tu t'arrêtes à "Atrium", oui il y a de la pop là-dedans, aucun doute. Mais dès qu'on passe à "Colossal Shade" ou "No Beacons To Illuminate Our Fall", ce n'est plus du tout le même son de cloche. D'ailleurs c'est étrange que le côté pop ne te gêne pas avec Riverside. Pour le coup, les polonais sont nettement plus catchy et radio friendly que les suédois. Non ? Enfin bref Katatonia c'est de la balle, et la disco du groupe vaut vraiment le détour.
FrancoisAR, le 08/02/2023 à 07:57
Un album (et un groupe) que j'aimerais aimer sans y parvenir ... Le côté mélancolique rend l'approche presque "pop", comme chez beaucoup de groupes prog' du XXIème siècle qui flirtent d'ailleurs avec le Metal (comme tu le soulignes), et pour moi c'est rédhibitoire, aussi bien mélodiquement qu'à cause de la baisse d'énergie que cela cause par trop d'introspection. Tant pis.