Helmet
Seeing Eye Dog
Produit par
1- So Long / 2- Seeing Eye Dog / 3- Welcome to Algiers / 4- LA Water / 5- In Person / 6- Morphing / 7- White City / 8- And Your Bird Can Sing / 9- Miserable / 10- She's lost
Catapulté sur le devant de la scène dès ses débuts, Helmet avait marqué les années 90 grâce à sa griffe sonore très particulière, mélangeant allègrement métal lourd et sonorités plus classiques du rock alternatif et du punk U.S. Le chant très singulier de Page Hamilton complétait avec brio ce cocktail détonnant. Quand, à la fin de la décennie, le groupe new-yorkais décide de déposer les armes, le bilan s’avère largement positif. Betty et Aftertaste font, à leur manière, partie intégrante de la discographie de leur époque, et le jouissif single "Just Another Victim", en duo avec House of Pain, aurait mérité une bien plus grande reconnaissance que celle qu’avait pu lui offrir le terrible navet Judgement Night, sur la bande originale duquel ce petit bijou avait atterri.
Mais cinq ans plus tard, le combo, désormais californien, décide de s’offrir une second jeunesse. Le line-up largement modifié accouche du fort peu mémorable Size Matters, rapidement suivi d’un Monochrome qui ne convainc lui non plus pas grand monde. Le guitariste Christ Traynor décide alors de quitter l’aventure, et Hamilton se retrouve seul survivant du groupe originel. On se dit l’histoire terminée pour de bon cette fois, mais voilà qu’un vicieux vent d’automne nous amène Seeing Eye Dog, septième opus du groupe. L’album est avant tout l’œuvre de Page Hamilton himself : chanteur, auteur, guitariste, producteur, backing vocals ou instruments extras : l’homme est partout et rend ses nouveaux complices presque anecdotiques. C’est même Work Song, le label du manager de Hamilton, qui sort cette nouvelle galette.
Seeing Eye Dog débute dans le plus pur style Helmet avec "So Long": les guitares s’emballent d’emblée mais déjà, la voix d’Hamilton, bien qu’assez présente dans les aigus, semble avoir perdu de sa force. Une question d’âge sans doute, mais un morceau pas franchement mémorable. On enchaîne directement avec la plage titulaire, "Seeing Eye Dog". Un excellent choix tant ce titre rappelle le Helmet de la grande époque, couillu et nerveux. La machine enfin lancée, voici "Welcome to Algiers" et son tempo endiablé. On se reprend à rêver à une totale renaissance du Helmet grand cru quand tombe un solo de fin franchement prétentieux dont on aurait préféré se passer. Brutal retour sur terre malgré une rythmique barrée stop and go du meilleur effet. S’en suit la première franche platitude de l’album, un "LA Water" qui laisse les coudées franches au nouveau bassiste, Dave Case, qui n’en profite pas vraiment. Certes, la production semble plus orchestrée qu’à l’habitude, elle n’en casse pas pour autant trois pattes à un canard.
"In Person" permet au groupe de reprendre un peu de poil de la bête. Le ton rageur du chant est (enfin) de retour et s’avère nécessaire pour cette éruption de colère qui s’en prend bille en tête aux poseurs, wannabes et autres frimeurs. Une bouffée d’air frais. Malheureusement, Seeing Eye Dog s’abîme ensuite dans une monotonie assez crasse : "Morphing" respire la mauvaise tentative de musique d’ambiance. Un titre franchement pas très rock, sans paroles, qui se veut émouvant et se retrouve finalement totalement à côté de la plaque. Les choses ne s’arrangent pas avec "White City", un autre morceau au tempo assez lent, flanqué cette fois d’un choeur relativement mélodique mais assez peu efficace. On commence franchement à s’ennuyer et c’est le moment choisi par nos quatre lascars pour tuer net tout sentiment sympathique à leur égard: une effroyable reprise du "And Your Bird Can Sing"des Beatles. Le résultat est assommant : ni du Beatles, ni du Helmet et un massacre qui ferait même rougir de honte un groupe débutant. Au secours ! Les deux derniers morceaux sauvent un tant soit peu la mise : "Miserable" est taillé pour la scène et on retiendra surtout le déchaînement sonore surprise après 60 secondes de montée rythmique plombée. "She's Lost" clôture le disque en force, lorgnant par son mur de guitares vers des poids lourds tels que Nailbomb et Snapcase.
Au final, un bilan très mitigé donc. Ni emo, ni metal, ni hardcore, ce nouvel opus sonne parfois plus comme du mauvais Korn que comme du véritable Helmet. L’âge a malheureusement marqué la voix de Hamilton, lui enlevant sa tonalité particulière qui en faisait, il y a plus de dix ans déjà, un vocaliste à part. Même si Seeing Eye Dog n’est pas un mauvais album en soi, il sonne vieillot et ne convaincra que les fans les plus endurcis. Helmet n’est visiblement plus en mesure de recréer la magie qui en avait jadis fait un groupe si audacieux. De manière crue, il faudra donc s’avouer que Seeing Eye Dog ne propose absolument rien de novateur dans un registre qui a déjà été exploré de la cave au grenier. Hamilton lui-même n’est plus très convaincu que le quatuor ait encore un avenir et les rumeurs de fin de règne vont déjà bon train. C’est dire…. On notera néanmoins que, dans certaines versions en import, Seeing Eye Dog est fourni avec un deuxième disque, capturé en live à San Francisco lors du U.S. Warped Tour 2006 aux Etats-Unis. Un bon concert, nerveux et plaisant, qui est sans doute la seule vraie bonne raison de se procurer Seeing Eye Dog. Une page se tourne après ce énième rappel du potentiel (passé) du groupe, il vaudrait sans doute mieux en rester là.