Heliport

Par la faute d’Internet et de son offre musicale démentielle, l’amateur de musique se retrouve bien souvent dans la peau d’un astronome attendant un improbable passage de la comète de Halley. A défaut de trop rares moments extatiques, patience et observation s’imposent rapidement comme des vertus cardinales. Car c’est à force de filtrer quantités de démos, de bouts de morceaux plus ou moins ficelés ou de projets expérimentaux parfois plus foireux que convaincants que notre chercheur d’or tombera, par chance peut-être, sur LA trouvaille, celle qui lui redonnera foi dans son infernale quête du Graal musical. Prenons le cas de Heliport, quintet rennais qui débarque un peu à l’improviste avec Désarroi esthétique, un premier album 8 titres à l’effet aussi immédiat qu’inattendu. Groupe discret, pourtant actif depuis quatre ans déjà, auteur d’un premier split en 2008 avec les excellents Alaska Pipeline, mais qui semble avoir échappé à bon nombre de radars détecteurs de bonne musique. Cherchez l’erreur !

Album post-punk teinté d’influences math-rock et pop, le premier effort discographique du groupe est téléchargeable gratuitement sur BandCamp. Et le micro-label nordiste HipHipHip, pas en reste, marque le coup en publiant Désarroi esthétique en tirage limité (300 exemplaires seulement) sur vinyle 180 grammes et CD. De quoi émoustiller les amateurs du genre les plus teigneux et affoler les collectionneurs de beaux objets.

Car si Heliport ne révolutionnera pas la musique contemporaine avec ces huit titres, force est de constater que le groupe démontre d’emblée un solide potentiel. Les maladies de jeunesse ont été soignées en famille et cette galette radicale et concise marque fameusement le coup en un peu plus de vingt minutes chrono. Réussissant l’exploit de mêler musique rugueuse et compositions sautillantes, porté par un chant savamment balancé et doté d’une production soignée mais pas trop, Heliport offre ici une carte de visite finalement pas si courante dans l’Hexagone (Apes Did Ensemble, Penue...). Les Bretons ont visiblement pris le temps d’affiner leur style, évitant la régurgitation de leurs influences pour mieux développer leur propre griffe. Si l’on peut encore leur reprocher de ne pas toujours donner l’impression de se laisser complètement aller à leurs caprices dans leurs compositions, préférant – et c’est finalement fort logique – assurer plus que de déstabiliser un auditeur qui reste à conquérir, nos Rennais offrent néanmoins déjà quelques compositions du meilleur acabit. L’excellent "Signal To Jersey", dont le tempo punchy et très Fugazi-en ouvre l’album, et le jouissif "Jérôme Kerviel Is A Market Man" (à coup sûr en lice dans la catégorie "meilleur nom de chanson de l’année") en sont la preuve par l’absurde, tant ils s’imposent immédiatement à l’oreille.

Une entrée en matière des plus convaincantes donc. La lecture de cet article vous aura probablement retardé de quelques minutes dans votre quête pour vous procurer Désarroi esthétique. Merci de bien vouloir nous en excuser.