Coldplay
Mylo Xyloto
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1- Mylo Xyloto / 2- Hurts Like Heaven / 3- Paradise / 4- Charlie Brown / 5- Us Against the World / 6- M.M.I.X. / 7- Every Teardrop Is a Waterfall / 8- Major Minus / 9- U.F.O. / 10- Princess of China / 11- Up in Flames / 12- A Hopeful Transmission / 13- Don't Let It Break Your Heart / 14- Up with the Birds
On ne va pas se voiler la face : la sortie de Mylo Xyloto devait être l'occasion, pour l'auteur de ces lignes, de régler ses comptes avec la bande à Chris Martin. Pourtant, une fois de plus, l'indulgence prédominera et la note ne se révèlera pas aussi impitoyable qu'elle aurait dû l'être. Le phénomène s'avère difficile à expliquer, à moins que derrière tout contempteur de Coldplay se cache en fait un amateur en souffrance ?
Ce cinquième album studio devait être celui de la réconciliation, celui du retour au source, de l'intimité et de l'émotion. Au début du projet, Martin ne cachait pas son envie de revenir à une certaine forme de simplicité, et il avait d'ailleurs débuté les sessions d'enregistrement de cet opus dans une chapelle, mû par une approche essentiellement acoustique. Le vieux fan frissonnait alors : Coldplay allait-il enfin tourner le dos à la pop bouffie et surproduite de Viva La Vida ? Allait-on enfin avoir la chance d'écouter le digne fils spirituel de Parachutes ? Las, l'enthousiasme ne dura qu'un temps alors que l'on annonçait le retour du patchworker Brian Eno aux manettes de l'engin ; puis ce furent les singles lancés en pâture aux médias à la fin de l'été qui ruinèrent définitivement les derniers espoirs mis dans ce soi-disant concept-album intimiste. Le résultat final, comme le reconnaît d'ailleurs Martin lui-même, est un disque singulièrement schizophrène, tiraillé entre un projet initial pudique et l'utilisation outrancière d'éléments de marketing musical dans le but évident de réitérer le succès de VLV. Le nom Mylo Xyloto, de l'aveu même des anglais, n'a aucune sorte de signification (et c'est dommage : ça ferait un sacré bon score au Scrabble)... eh bien l'album est à cette image : il n'a pas d'âme, pas de personnalité. Pire : il ose souvent se fourvoyer dans des travers mainstreams grossiers. "Je pense que Kayne West est en train de modifier notre façon d'écouter de la musique", voilà ce qu'a affirmé Chris Martin au NME le 18 octobre dernier. Ça veut tout dire.
Avec ce disque, Coldplay s'est rendu coupable de deux bassesses vraiment lamentables : celle de la médiocrité culturelle, et celle de la compromission artistique. La première s'est effectuée au travers du ridicule "Every Teardrop Is A Waterfall", salmigondi désincarné de salsa brésilienne ("Ritmo De La Noche", ça vous dit quelque chose ?) enflé d'une batterie d'arrangements grand-guignols et tape à l’œil. On cherchait le pire morceau de l'année ? On l'a trouvé, et sans contestation possible. L'autre crime du groupe a été d'intégrer un morceau de Rihanna, cette popstituée asservie au tube calibré pour plèbe débilitante, dans sa playlist ("Princess Of China"). Comment qualifier la chose autrement alors que le soi-disant featuring de la tigresse noire se transforme en bouillie électro putassière sur laquelle l'intéressée chante quasiment trois fois plus que Chris Martin ? Quelle crédibilité peut-il encore rester à Coldplay après deux titres de cet acabit ? Le constat est encore plus amer quand on envisage le reste de l'album et les nombreuses compositions boursoufflées par la même production obèse que celle de Viva La Vida. L’écœurement est très vite atteint avec l'intenable "Hurts Like Heaven" blindé de "ohohoh !" jusqu'à l'overdose, et il se poursuit malheureusement sur des pièces du même tonneau qui allient ritournelle naïve et chape sonore farcie à la guimauve ("Charlie Brown", "Major Minus" et plus encore "Don't Let It Break Your Heart"). On admettra néanmoins que, malgré les défauts pré-cités, l'ensemble de l'album se laisse écouter sans trop de désagrément. Ca ne vole pas haut, mais ça vole avec une certaine force de conviction. C'est aussi ça, la talent de Coldplay : celui de nous faire passer ses vessies pour des lanternes.
Et puis c'est au moment où on l'attend le moins que le vieux jeu froid resurgit du passé, tel le fantôme d'un être aimé à jamais disparu. Dans ce registre nostalgique, le groupe frappe fort avec le très beau "Up In Flames" qu'on jurerait presque échappé de Parachutes. Tout y est : voix sensible et chaleureuse, piano tranquille, arrangements softs (avec, c'est vrai, une boîte à rythme un peu trop rutilante). En écoutant un morceau de cette trempe, on éprouve encore plus de regrets quant à l'évolution de ce groupe qui a clairement vendu son âme au diable, celui du pognon facile et du succès. Le spectre de l'album à la mappemonde dorée rode régulièrement tout au long de Mylo Xyloto, parfois avec bonheur ("Us Against The World", impeccable dans son dépouillement acoustique, ou à la rigueur "Up With The Birds"), parfois avec un sale arrière goût en bouche ("U.F.O." qui commence en beauté et qui se retrouve écrabouillé sous des synthés odieux, un peu comme si Brian Eno avait voulu nous signifier : "Attention, c'est là, oui, maintenant, que ça devient émouvant"). Etrangement, l'artillerie lourde dudit Eno parvient de temps à autre à accoucher de quelque chose de joli, de vraiment joli, on pense notamment à "Paradise" et à ses vagues vocales en flux et reflux qui naviguent sur des nappes synthétiques plutôt gracieuses. Un miracle, assurément.
Pour conclure cette triste revue d'arme, on ne peut s'empêcher de vous faire un petit best-of des blagues pitoyables que Chris Martin a égrenées à longueur d'une promotion tout simplement grotesque. Attention, préparez vos boyaux, et imaginez qu'entre chaque tirade on vous passe des rires enregistrés de série américaine pour ado pré-pubère. C'est parti : "Quand j'ai demandé à Rihanna s'il y avait une chance pour qu'elle accepte de chanter sur l'album, j'avais la tronche de Hugh Grant et je bafouillais sans arrêt" NME, 12 septembre 2011 ; "Maintenant on est en compétition avec Justin Bieber et Adele, et ils sont beaucoup plus jeunes. Nous, on dépense beaucoup plus d'énergie qu'eux à écrire de bonnes chansons" NME, 16 octobre 2011 ; "Je sais bien que les paroles de nos chansons sont un peu merdiques, mais celles de "Charlie Brown", je les aime bien" NME, 21 octobre 2011 ; "Je ne me soucie plus du tout d'être pertinent. Si certaines personnes veulent apprécier notre musique, on les aime et on les accueille à bras ouvert. Mais dans quel sens on s'accorde à eux ? Je m'en fiche." NME, 22 septembre 2011.
Et on finira sur un éclair de lucidité du même Martin : "Certaines personnes accusent notre groupe de n'être qu'un projet commercial. Ils se posent des questions sur notre sentimentalité juste parce qu'on a du succès. (...) J'ai toujours l'impression que le grand méchant monde extérieur nous hait." NME, 31 octobre 2011. Ah vraiment ?