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Critique d'album

Chuck Prophet


Temple Beautiful


(15/02/2012 - Yep Roc Records - country - Genre : Rock)
Produit par

1- Play That Song Again / 2- Castro Halloween / 3- Temple Beautiful / 4- Museum of Broken Hearts / 5- Willie Mays Is Up At Bat / 6- The Left Hand And The Right Hand / 7- I Felt Like Jesus / 8- Who Shot John / 9- He Came From So Far Away / 10- Little Girl, Little Boy / 11- White Night, Big City / 12- Emperor Norton In The Last Year Of His Life
Note de 3/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le meilleur disque de musique américaine de l'année."
Pierre D, le 28/04/2012
( mots)

Avis aux amateurs de Green On Red s’il en reste (s’ils ont jamais existé ?), Chuck Prophet a sorti un très bon disque. Déjà que Green On Red dans les années 80 ce n’était pas exactement U2 question notoriété, il est clair que les disques de leur guitariste en solo n’intéressent que les fans les plus acharnés (pléonasme). Chuck Prophet donc, a écrit Temple Beautiful comme un hommage à la ville qu’il considère comme l’ayant inspiré toute sa vie : San Francisco. On imagine assez mal le même genre de projet transposé en France, genre "le nouveau disque de Benjamin Biolay en hommage à Lyon", même si ça pourrait être très drôle. Les Américains semblent au contraire assez coutumiers de la chose, cf. le projet fou de Sufjan Stevens d’enregistrer un album en hommage à chaque Etat des Etats-Unis (soit 50, mais on sait aujourd’hui que ce n’était qu’un "commercial gimmick" selon les dires de l’intéressé). Quant aux Britanniques, eh bien ils ont toujours fait et feront toujours de la Britpop, soit un genre musical tout entier tourné vers le nombril de leur propre royaume, une pop insulaire aux thématiques anglo-centrées qui vante les mérites des villes anglaises avec ce qu’il faut d’ironie pour que tout cela ne paraisse pas trop nationaliste.

Temple Beautiful est donc presque un album concept et on pouvait craindre le pire. Paroles crétines, morceaux inutiles, les tares du concept album ne manquent pas, et comme l’affirme Daniel Darc, "les rockeurs ne sont pas si malins que ça et il suffit que le même prénom apparaisse dans 3 chansons d’un disque pour qu’on parle de concept !" Heureusement Chuck Prophet n’est pas un crétin (au moins musicalement parlant) et il ne plombe pas ses compositions avec des paroles lourdingues reliées par un fil narratif bidon qui tournerait autour de San Francisco. Il rend hommage à la ville, à ses lieux et ses protagonistes : les frères Jim et Artie Mitchell dans "The Left Hand And The Right Hand" (réalisateurs et producteurs de films pornographiques, gérants de clubs de strip-tease à San Francisco, pour la petite histoire Jim tuera Artie en 1991), le joueur de baseball Willie May ("Willie May Is Up At Bat") ou la légende selon laquelle les noms des rues de San Francisco correspondent à des gens qui se sont croisés ("Who Shot John"). Et Chuck Prophet est un admirateur avoué de la musique country. Pas uniquement celle des grands raouts à Nashville avec violons dégoulinants et cowboys à paillettes, mais celle presque ancestrale de Hank Williams ("I’m So Lonesome I Could Cry" qui dit mieux?), Johnny Cash et les outlaws (Willie Nelson, Waylon Jennings dont il avait d’ailleurs repris avec Green On Red le définitif "We Had It All"). La country c’est de la musique jouée par des vrais hommes, des durs qui tuent un homme d’un coup de revolver s’il leur a manqué de respect mais qui peuvent aussi passer des nuits entières à pleurer la fille qui les a quittés. La country c’est viril, c’est triste, ça fait craquer les femmes. Et Chuck Prophet vient de là, ce qui lui permet de susurrer "He said this is my face and it covers my disguise" d'une voix grave de crooner country ("He Came From So Far Away").

Cette voix on ne l’aurait jamais attendu de Prophet qui est certes un guitariste génial mais on sait depuis longtemps que les guitaristes de rock géniaux ont souvent des voix passables voire inaudibles (Keith Richards, Jimi Hendrix, Slash). Au contraire l’ex-guitariste de Green On Red possède un baryton absolument fascinant, d’une profondeur inouïe qui donne à ses ballades des couleurs crépusculaires. Pour s’en convaincre il faut écouter sa version du "Are You Sure Hank Done It This Way" sur Dreaming Waylon's Dreams reprenant intégralement l'album Dreaming My Dreams de Waylon Jennings. Sur Temple Beautiful le chant est encore plus surprenant car il abandonne partiellement le côté crooner laid-back (calme et détendu) pour aller vers quelque chose de plus aigu et énergique ("Temple Beautiful"). Chuck Prophet assume aussi les refrains à entonner le sourire aux lèvres "Oh oh oh/play that song again/I can hear it all night long" et ça lui réussit très bien, comme quoi ce type peut tout faire.

Il faut dire qu’on ne parle pas ici de n’importe qui. Question guitare, tant dans la composition que dans la technique, Chuck Prophet est quelqu’un (même si personne ne le sait). Le toucher de Prophet à la guitare fait aujourd'hui encore sonner son instrument comme un couperet, avec un son brillant et parfaitement maîtrisé. Ses riffs incisifs servent des compositions belles comme le jour ("Castro Halloween") et finalement assez anglaises dans leur immédiateté (dans la lignée des Kinks). Mais Chuck Prophet joue avant tout une musique 100% américaine, sous perfusion de tous les genres qui l’ont menée là où elle est aujourd’hui : country, blues, folk, rythm & blues… Jamais les influences ne sont dissimulées mais la musique déployée sur Temple Beautiful vaut plus que l’accumulation de tout cela. C’est le son d’une Amérique fantasmée qui chante les louanges d’une ville américaine. Chuck Prophet ne s’est jamais départi de son amour pour les Rolling Stones (Sticky Fingers, Exile On Main Street), ce groupe d’Anglais qui jouaient une musique idéalisant directement une certaine Amérique. De même l’introduction de "Play That Song Again" rappelle fortement celle de "Country Girl" de Primal Scream sur l’album Riot City Blues où la formation de Bobby Gillespie jouait un rock n’ roll régressif d'outre-Atlantique trempé dans la graisse de fish & chips. Sur ces bases empreintes d'un certain classicisme (Stones, Dylan, Neil Young...) Chuck Prophet, avec "I Felt Like Jesus", nous apprend tout simplement ce que c’est que de jouer de la country en 2012, et c’est vachement bien.

On ne tient pas ici le disque de musique américaine définitive mais il s’agit peut-être du meilleur du genre cette année. Parce que Chuck Prophet vaut mieux que la somme de ses influences (Waylon Jennings, Rolling Stones, Lou Reed de manière criante sur "White Light, Big City"). Parce qu’il est un grand guitariste. Parce qu’il compose des chansons qui, si elles ne sont pas toutes inoubliables, s’écoutent encore et encore avec le même plaisir ("Little Girl, Little Boy", sa rythmique sautillante et ses cuivres merveilleusement inattendus). Pour être clair, un excellent disque.

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