Other Lives

Depuis ses débuts au début des années 2010, le collectif Other Lives emmené par le charismatique Jesse Tabish a considérablement fait évoluer sa musique, agrémentant son folk originel d’une couche d’électronique sur Rituals puis d’une ornementation orchestrale sophistiquée sur le dernier album en date, For Their Love. Une orientation qui se poursuit sur ce cinquième volume qui ne craint pas la démesure des arrangements et qui s’inscrit dans une approche très cinématographique inspirée par la musique des grands espaces d’Ennio Morricone.

Si For Their Love avait été conçu dans l’isolement et la paix de la campagne américaine et faisait ainsi l’éloge de la ruralité, ce nouvel opus a été enregistré dans une église en ruine au centre de Stillwater et déploie une americana symphonique fortement imprégnée de mysticisme. Dans un format très resserré (seulement 30 minutes) et particulièrement dense, ce cinquième album fait immédiatement pleuvoir ses cascades de vents, cordes et bois ainsi que ses chœurs féminins célestes sur l’auditeur avec une entame très réussie. L’introductif "Mystic" propose ainsi une première danse aérienne et romanesque mariant Elbow et les Fleet Foxes avant de céder la place à "Versailles", superbe titre étincelant aux allures de petite cathédrale sonore entêtante. Le groupe fait ainsi preuve d’une réelle inventivité dans son utilisation d’une instrumentation chargée qui peut rapidement être ronflante, en témoigne les ruades énergiques et rafraichissantes de "Cisa Cisa". Malgré tout, l’album déborde parfois un peu de cette abondance d’effets, en particulier à l’écoute de la mélodie surchargée de "One For the Kids", qui nous amène à éprouver un désir de simplicité et de dépouillement que l’on retrouve fort heureusement sur la piste conclusive "The Wake".

Au-delà de ce parti-pris orchestral, la voix trainante et maniérée de Jesse Talbish confère toujours une forte personnalité aux compositions. Son timbre magnétique enveloppe des ballades majestueuses à l’instar des vibrantes "What it’s Gonna Take" et "Show Us Some Love" et se marie parfaitement aux harmonies vocales dessinées par sa femme sur le crépusculaire "Read My Mind". Et lorsque le chanteur américain se tait, l’instrumental "Heading West" prend le relais pour évoquer avec brio la bande-son aventureuse d’un western.

Avec ce cinquième opus, Other Lives poursuit le chemin amorcé sur l’album précédent et radicalise davantage son utilisation des arrangements orchestraux, condensant en 30 minutes l’americana et la musique de chambre. Un équilibre subtil que le groupe parvient encore pour le moment à faire respecter sans égaler leur récital de pop aérienne sorti il y a maintenant 10 ans.