Samedi 27 septembre 2008
Seconde constellation scintillante dans
Les Nuits Electroniques de l'Ososphère, enveloppée de velours et drapée de lourds planchers, la soirée du samedi, chassée de mauvais esprits, pris place au côté des étoiles. Des humains tout entiers parcouraient les allées du dédale comme des archéologues cherchant l'art de prédilection. Beaucoup restèrent scotchés sur l'installation interactive d'Antoine Schmitt : le lumineux fauve artificiel intitulé «Façade Life», d'autres hésitèrent avant de se transposer dans «Hors Temps» de Delfine B. Mais d'autres jubilèrent réellement à l'idée de grimper à bord de la voiture de Sébastien Cabour pour une «Contre Visite».

Enfin, quelque soit la richesse des aventures proposées, la musique remplissait déjà la plupart des salles. Dans La Rocaille, sur un plancher original mais familier, les alsaciens d'Electric Electric jouaient presque à la maison. Désormais trio, suite au renfort d'un clavier, le groupe installa son arsenal noisefloor directement dans les tympans des spectateurs. En montée douce et percussionniste, la première chanson amena les trois jeunes hommes à frapper fertilement sur les fûts. Cette batterie au centre rappelait instinctivement celle de Battles et possédait une certaine emprise sur la dynamique. Et la guitare, pressée jusqu'au torse, calibrait des saturations motrices qui traversaient des coiffures en boucles et parfumaient abondamment la chair des danseurs. Parfois auteur d'un fouillis abstrait à la manière de Shellac ou agitateur de dancefloor branché à la Daft Punk, Electric Electric a progressivement basculé sur la deuxième constante. Le son était bon, fort, audacieux, et les samples de guitares permettaient des improvisations judicieusement élancées. Bref, le groupe s'est émerveillé de remplacer M83, et cela dit au passage, a même essayé de se faire passer pour celui qu'il n'était pas. Un sacré tour de manège ! Au fait, vous suivez ?
... Non, parce que c'est-à-dire que la Lune est encore bien perchée dans le ciel, et qu'elle ne le quittera pas avant d'avoir pu observer toutes les péripéties d'une population encerclée de grillages. Dans un autre quatre murs, un groupe aux retro-projections héroïco-fantastico magnifiques jalonnait un dub rock cadastré de façon si rectiligne que même les plus grands architectes auraient du mal à bâtir. Ah, mais oui ! C'est Ez3kiel !!! Edifiés comme des tours françaises...
Vraiment, si cette année vous avez raté Ez3kiel en concert, c'est que votre lit devait vraiment être rempli d'odeurs réchauffantes et réconfortantes... Enfin, sûrement pas que d'odeurs...

Passons ! Non pas que l'atmosphère semblait déplaisante pour nos oreilles mais Saul Williams était invité au bal masqué des concerts. Qui plus est, il venait présenter son nouvel album
The Inevitable Rise and Liberation of Niggy Tardust! entièrement produit par Monsieur Trent Reznor. La scène est d'abord remplie de musiciens carrément sexy, jugez plutôt : un guitariste disco entiché d'une veste jaune brillant ou un imposant programmateur arborant d'énormes boots qui monte sur sa table de mixage, sampleur en main. Nous avions rêvé apercevoir le cerveau de Nine Inch Nails au clavier, comme l'avait (justement) fait David Bowie lors de la tournée suivant l'extraordinaire
The Idiot d'Iggy Pop. Mais le perfectionniste révolu n'était pas présent, à moins qu'il ne se soit peint la peau en noir et cherché à se dissimuler sous un costume de Dracula et de grosses lunettes d'astronaute. Saul Williams, lui, est plus sobre avec son collier Niggy, sa bague coup de poing américain Tardust et ses plumes bleues sur la tête. Sa performance alterna entre des récits poétiques, menés tambour battant par un spoken word agressif, et des passages déchirant d'urgence sonore où l'artiste bondissait tel une panthère noire en balançant son pied de micro plus loin. Lorsqu'il chantait, sa voix trouvait même un écho dans celle de Trent sans pour autant substituer sa personnalité. Sur le titre "Banged and Blown Through", par exemple, l'interprétation courageuse et sincère parvenait à extirper de profondes émotions dans les organismes. "World on Wheels", plus orienté dancefloor, a su, quant à elle, débloquer les frénétiques danseurs de leur consternante apathie. Et puis, "List of Demands (Reparations)", très attendue par le public, nous a littéralement convaincu à propos du talent de poète-interprète de Saul Williams. Par contre, la reprise de U2 "Sunday Bloody Sunday", a partagé les consciences entre admiration et déception. Quoiqu'il en soit, ce concert aura grandement participé au mélange des cultures. Ambiance hip-hip old school, par le biais de samples des voix de Flavor Flav et Chuck D de Public Enemy sur "Tr(n)igger", ou encore machinisation futuriste d'un son indus, le show complètement renversant n'a pas débordé. Sauf sur les tempes des artistes et des spectateurs !
Après cette furieuse épopée, la french touch d'Etienne De Crecy chargeait la grande salle de la Laiterie dans un bourbier de flottes électroniques aux vapeurs de charbon mixé. Aussi Fumuj, groupe fusion labélisé Jarring Effects, distillait son cocktail rap-metal aux gros accents de déjà-vu, pour le moins fatigant. D'ailleurs, quand la fatigue prend part de tous les prisonniers, qui gravitent dans cet espace de liberté que sont
les Nuits Electroniques de l'Ososphère, c'est toute une foule riche en expériences uniques qui se procure pendant quelques instants des sensations extrêmes et interdites. L'an prochain est encore loin. Mais ce week-end semble se répéter inlassablement... Arrêter de regarder votre calendrier ! Le temps est une illusion !
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