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Interview Tim Bowness


Nicolas, le 02/07/2008
A l'occasion de la sortie française de Schoolyard Ghosts le mois dernier, Albumrock a souhaité donner la parole à un artiste méconnu du grand public. Tim Bowness, deuxième moitié du groupe No-Man, a accepté de répondre à nos questions en l'absence de son alter ego Steven Wilson, ce dernier étant une fois de plus débordé par ses nombreux projets parallèles. Entretien avec un musicien passionné, perfectionniste mais profondément humain.

No-Man : de 1988 à 2008


AR : Bonjour Tim ! Merci beaucoup de répondre à ces questions, et pardonne mon anglais souvent approximatif...

TB : Ne t'inquiète pas. Ton anglais est très bon et bien meilleur que mon français ! (Rires)

AR : Comme Albumrock est un webzine plutôt généraliste (donc non spécialisé en musique progressive ou expérimentale), pourrais-tu nous présenter No-Man ?

TB : Je pense que No-Man crée quelque chose de plutôt personnel et d'original, une fusion de toutes sortes de genres musicaux allant du post-rock au rock progressif, de l'électro au minimalisme, de l'ambient à la chanson à texte. La musique de No-Man est un hybride de beaucoup de choses, mais je pense en fait qu'elle est avant tout le produit de nos propres expériences et de nos émotions.

AR : Comment Steven Wilson et toi-même vous êtes-vous rencontrés ? Cela vous a-t-il semblé évident de faire de la musique ensemble ?

TB : Après que Steven ait écouté plusieurs titres d'un groupe dans lequel je chantais (Plenty, NDLR), il m'a contacté par téléphone et nous nous sommes rencontrés. Nous avons commencé à composer ensemble en 1987 et le courant est immédiatement bien passé entre nous. Nous avons d'ailleurs réussi à écrire deux chansons très différentes durant les deux premières heures qui ont suivi notre rencontre ! Cette relation qui nous unit toujours fut très alchimique dès le départ, et je crois que Steven apporte encore aujourd'hui une valeur ajoutée unique dans ce que je fais, et vice versa.

AR : Cinq années se sont écoulées depuis la sortie de Together We're Stranger, votre dernier album à tous les deux. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Etait-ce nécessaire pour votre inspiration ? Ou étiez-vous tous les deux trop impliqués dans d'autres projets ?

TB : L'emploi du temps de Steven a été plutôt chargé entre Porcupine Tree et Blackfield depuis 2003, et il lui a donc été difficile de trouver du temps pour No-Man. De mon côté, j'ai également été impliqué dans d'autres projets. Mais pour moi, un long laps de temps entre deux albums peut être bénéfique : on est alors à même d'engranger des expériences personnelles intéressantes, d'absorber de nouvelles influences et, heureusement, de devenir un peu meilleur dans son propre domaine. Je pense que Steven progresse sans cesse en tant que mixeur et en tant que musicien, et j'espère également que je deviens plus déterminé et plus naturel dans ce que je crée.

Schoolyard Ghosts


AR : Dans ce nouvel album, Schoolyard Ghosts, vous avez fait appel à de nombreux musiciens invités. Pourrais-tu nous dire comment vous êtes parvenus à rassembler toutes ces influences ? Ces invités ont-ils également apporté quelques idées dans l'élaboration de la musique ?

TB : Nous aimons le fait que des musiciens invités, lorsqu'ils sont judicieusement choisis, peuvent parfois entraîner la musique dans de nouvelles directions. D'une façon générale, la structure des chansons est déjà élaborée à l'avance, et les musiciens invités bouleversent cette structure pré-existante en y ajoutant de nouvelles couches d'interprétation et d'expression. Nous avons sélectionné les musiciens à partir de personnes que nous connaissions bien - Theo Travis, Collin Edwin etc - et de personnes dont nous pensions qu'elles apporteraient une valeur ajoutée aux chansons. Pour te donner un cas très concret, "Streaming" est un exemple particulièrement représentatif du changement radical apporté à une chanson par un invité. Nous aimions ce morceau, mais nous avions malgré tout l'impression que quelque chose manquait. Aucun arrangement ne nous satisfaisait vraiment, jusqu'à ce que Bruce Kaphan (ex-American Music Club) ajoute une ligne solo à partir d'une étonnante pédale e-bow distordue. Et soudainement, cette chanson est devenue l'une de nos préférées de l'album.

AR : Vous avez demandé au London Session Orchestra de se joindre à vous sur une chanson ("Truenorth"). Est-ce un vieux rêve devenu réalité ? Cela a-t-il été difficile de les persuader de jouer avec vous ?

TB : On les a payé, donc ils ont joué ! (Rires) Plus sérieusement, j'ai toujours voulu travailler avec un orchestre, c'est quelque chose qui me tenait vraiment à coeur depuis un bon bout de temps.

AR : Est-ce aussi difficile qu'à tes débuts d'écrire des chansons ?

TB : Le début du processus créatif n'est pas particulièrement difficile à mon sens. La partie ardue réside plutôt dans l'arrangement et le mixage, afin que les chansons aillent précisément dans le sens que tu veux qu'elles prennent.

AR : L'album est vraiment très bon, mais la première chanson, "All Sweet Things", est particulièrement brillante à mon sens, à la fois mélancolique et optimiste. Dans quel état d'esprit étais-tu quand tu as écrit cette chanson, et plus généralement pour le reste de l'album ?

TB : Je pense que tu as tapé dans le mile à propos de cet album, c'est-à-dire qu'il est mélancolique, mais aussi optimiste. Il existe vraiment une continuité émotionnelle sur ce disque, comme c'était le cas avec Together We're Stranger. Les thèmes principaux concernent des personnes qui ont réussi à survivre à des circonstances extrêmes, ou à des peines personnelles, qui s'en sont sorties, et qui se sont retrouvées elles-mêmes comme elles étaient auparavant. En d'autres termes, elles ont trouvé la lumière à la fin d'un tunnel très sombre. "All Sweet Things", "Mixtaped" et "Truenorth" sont peut-être les meilleurs exemples de ce concept lyrique.

AR : Au début de "Pigeon Drummer", on retrouve de surprenantes et formidables décharges sonores qui contrastent fortement avec le reste du titre, beaucoup plus calme. Et j'ai pu également entendre quelques notes très aiguës (presque des ultrasons) sur d'autres parties chantées au cours des titres suivants. Aviez-vous l'intention de briser l'atmosphère douce de l'album, et pourquoi ? Quelle sorte de sentiment vouliez-vous engendrer chez l'auditeur ?

TB : "Pigeon Drummer" est en fait issu d'une chanson que j'avais proposée à Steven pour l'album, qui s'appelait "The City Sounds". Steven a adoré ces contrastes extrêmes et dynamiques, et a souhaité porter ces particularités encore plus loin, ce qui donne ce résultat tantôt apaisé, tantôt furieux. Même si nous apprécions la beauté et les atmosphères planantes, nous sommes également ouverts à l'étrange ainsi qu'aux bruits purs et inaltérés. Pour nous, et cela reste vrai pour le reste de l'album, ces choix sonores sont un reflet de nos goûts et de notre instinct. Et parfois, cet instinct nous dicte de secouer la matière présente !

AR : Es-tu fier de cet album ? Est-ce qu'il a été difficile à réaliser ?

TB : Je pense qu'il exprime l'essence particulière du groupe tout en l'entraînant vers quelque chose de nouveau. Mon sentiment est qu'il s'agit peut-être de la collection de chansons la plus réussie que nous ayons jamais réalisée, et Steven est d'accord sur ce point. Les albums se définissent souvent sur un plan émotionnel et conceptuel, les artistes ayant alors un rôle d'observation et de façonnage vis-à-vis du résultat. Schoolyard Ghosts semble néanmoins avoir eu un continuum artistique très positif dès la toute première session de travail. Je pense que chaque album de No-Man s'inscrit dans une continuité autant que dans quelque chose de nouveau, et Schoolyard Ghosts n'échappe pas à la règle.

AR : Et dans le même ordre d'idée, cet album est-il ton favori de No-Man ? Ou bien peut-être le meilleur est-il encore à venir !

TB : Schoolyard Ghosts est certainement l'album de No-Man que je préfère en ce moment, mais ça peut bien sûr changer à l'avenir. On espère toujours que le meilleur est à venir... (Pensif) J'aime également beaucoup Together We're Stranger pour son sentiment de plénitude, ainsi que Returning Jesus parce qu'il contient certaines de mes chansons favorites.

AR : Vous avez effectué la production de l'album tous les deux, une fois encore. Avez-vous changé votre manière de procéder ? Avez-vous essayé des procédés dont vous ne vous sentiez pas capables avant ?

TB : Nous avons effectivement réalisé la production de Schoolyard Ghosts à deux, mais c'est Steven qui l'a ensuite mixé seul. Et effectivement, les choses ont été assez différentes de d'habitude puisque toutes les démos étaient de moi à l'origine. Il y avait donc plus de travail de production derrière à effectuer. Mais pour autant, nous n’avons pas cherché à expérimenter de nouveaux procédés.

Une tournée... française ?


AR : Si mes informations sont exactes, vous préparez une tournée avec No-Man, et cela n'était pas arrivé depuis 1993. C'est vraiment une très bonne nouvelle ! Peux-tu nous en dire plus ? Es-tu impatient d'être de nouveau sur la route ?

TB : Oui, vraiment. En fait, pour être exact, nous avons donné un mini concert de trois chansons en 2006, et nous avons vraiment ressenti quelque chose de très particulier à ce moment. Nous avons hâte de voir si le live va permettre à ces nouvelles compositions d'aller encore plus loin.

AR : Avez-vous l'intention de donner quelques concerts en France ?

TB : Je l'espère bien.

AR : Et une dernière question à propos de cette tournée : certains invités seront-ils avec vous sur scène, comme un orchestre par exemple ?

TB : On ne pourrait certainement pas se permettre d'employer un orchestre en live. C'est une décision qui a ruiné plus d'un groupe ! Mais il y aura d'autres musiciens que Steven et moi sur scène, en effet.

Méthode de travail


AR : Est-ce que tu écoutes tes anciens albums, ou bien appartiennent-ils définitivement au passé ?

TB : Quand je suis impliqué dans un processus de création musicale, j'écoute toujours ce que j'ai déjà composé auparavant. En partie pour vérifier que je ne me répète pas moi-même, et en partie pour avoir une base de référence. Au delà de cet aspect technique, j'ai toujours eu l'intime conviction que l'on ne devrait réaliser uniquement que des albums que l'on voudrait soi-même acheter, que l'on prendrait soi-même un immense plaisir à écouter. Et donc, fatalement, il m'arrive de réécouter ce que j'ai fait auparavant, par plaisir, en dehors de tout contexte "professionnel".

AR : Dans vos travaux à venir, allez-vous changer votre façon de créer ? Par exemple, est-ce que Steven prendra part au songwriting ou au chant ? A l'inverse, as-tu l'intention d'écrire pour Porcupine Tree ou d'intervenir comme invité sur une de leur prochaine réalisation ?

TB : J'écris toujours les paroles et les lignes mélodiques pour No-Man, et Steven fait de même pour Porcupine Tree. Donc cet aspect, qui à mon sens fait toute la différence entre les deux groupes, ne changera pas à l'avenir. Maintenant, il est vrai que notre manière de travailler est toujours flexible, et Schoolyard Ghosts a d'ailleurs été réalisé différemment des précédents albums. La musique peut être écrite par moi-même ou par Steven en solo, ou par nous deux ensembles, mais tout est toujours sujet à ré-évaluation et à ré-interprétation par notre duo. Sur les albums précédents, l'équilibre était représenté de la manière suivante : je proposais deux démos, Steven en proposait quatre ou cinq, et ensuite on en rajoutait deux issues d'une séance de songwriting en commun. Sur Schoolyard Ghosts, presque tous les points de départ sont venus de démos que j'ai proposées, et cette matière a ensuite été amplifiée et étendue par Steven. Par la suite, nous avons comme d'habitude retravaillé toutes les chansons en commun.

AR : Tu as réalisé un album solo il y a quelques années, intitulé My Hotel Year. Peux-tu nous parler de cette expérience ? Et j'ai également entendu dire que Steven préparait aussi un projet solo : as-tu des conseils à lui donner ?

TB : Effectivement, My Hotel Year a été réalisé en 2004. Rétrospectivement, bien que ce soit un album qui m'ait apporté beaucoup de satisfactions, et un album que j'aime vraiment, encore aujourd'hui, je le trouve un peu trop rude à mon goût. En fait, j'ai toujours préféré mon travail au sein de No-Man. Quant à Steven, je suis certain qu'il n'a besoin d'aucun de mes conseils pour sa nouvelle aventure solo !

Collaborations passées et à venir


AR : Pourrais-tu nous parler de tes travaux en cours ?

TB : Je travaille actuellement sur un album avec Giancarlo Erra, de Nosound, auquel participent également Peter Hamill et Colin Edwin (de Porcupine Tree) entre autres. D'une certaine façon, il s'agit d'une poursuite intéressante des idées explorées par Schoolyard Ghosts.

AR : Vous avez tous les deux travaillé avec des artistes étrangers : Alice, Nosound (Italie), Centrozoon (Allemagne) et The Opium Cartel (Norvège) en ce qui te concerne, Opeth (Suède), Orphaned Land, Aviv Geffen avec Blackfield (Israël), VidnaObama (Belgique) and Dream Theater (USA) en ce qui concerne Steven. Est-ce un besoin pour vous de travailler avec des personnes si différentes, issues de cultures si diverses ? Penses-tu que cela vous a aidé à devenir meilleurs, en tant qu'hommes et en tant que musiciens ?

TB : Nous avons toujours eu un grand intérêt pour les artistes non-britanniques, et par chance cet intérêt a souvent été réciproque. Par contre, nous n'avons jamais décidé consciemment de travailler avec des musiciens étrangers, mais nous avons toujours soit initié, soit répondu à toutes les collaborations qui nous semblaient intéressantes.

AR : Avez-vous l'intention de collaborer avec des artistes français ?

TB : Mais c'est déjà fait, en ce qui me concerne ! J'ai apporté une contribution en tant que chanteur et musicien sur trois titres du prochain album du groupe Rajna, Duality. Des gens vraiment adorables, et un album intéressant, je pense. Sinon, j'attends toujours un coup de fil d'Air, M83, Alain Bashung ou encore Brigitte Fontaine ! (Rires)

Divers : Internet, industrie du disque, Porcupine Tree, goûts musicaux...


AR : Comment te positionnes-tu vis-à-vis d'Internet ? A propos du piratage bien sûr, mais également en ce qui concerne la génération MySpace ? Es-tu plutôt optimiste ou pessimiste en ce qui concerne le futur de l'industrie musicale, et plus largement en ce qui concerne le futur d'une musique grâce à laquelle les artistes peuvent subsister ?

TB : Internet est à la fois une bénédiction et une calamité. La possibilité de contrôler totalement la sortie de ton travail sur le plan artistique et d'atteindre les gens directement, dans l'immédiateté, n'a jamais été aussi énorme. Pourtant le piratage affecte les entrées d'argent générées par la musique, et donc affecte potentiellement la qualité des sorties. Dans le cas de No-Man, nous avons payé intégralement de notre poche la totalité de cet album, et nous avons même refusé une avance de notre maison de disque. Donc quand les gens téléchargent notre album gratuitement, cela nous affecte directement, personnellement, et cela a forcément de l'influence sur l'investissement financier qui sera réalisé dans nos projets futurs. Sinon, bien que j'aie été un temps très attaché à mon iPod, je préfère encore le support physique au téléchargement. Au bout du compte, en tant qu'artiste, je pense qu'il est essentiel de poursuivre, et idéalement d'adapter, ses passions et sa vision personnelle en fonction du climat musical ou de la nature des formats de diffusion, c'est inévitable.

AR : Steven est très impliqué dans Porcupine Tree, et ce groupe obtient un succès de plus en plus important. Comment te situes-tu par rapport à cela ? Penses-tu que le succès de Porcupine Tree peut aider No-Man à mieux se faire connaître partout dans le monde ?

TB : Les deux groupes ont émergé de façon simultanée, et tous les membres de Porcupine Tree ont travaillé à un moment ou à un autre avec No-Man. D'ailleurs Richard Barbieri a été partie intégrante de No-Man lors de la tournée de 1992. Donc je les connais aussi bien en tant qu'amis qu'en tant que musiciens. Je suis très heureux du succès rencontré par Porcupine Tree, et je pense qu'ils le méritent sincèrement. Ils ont réalisé un boulot énorme avec ce groupe, et ils en ont ressorti des musiques vraiment intéressantes tout au long de leur carrière. Evidemment, il n'y a aucun doute que le succès de Porcupine Tree apporte plus d'auditeurs à No-Man. Une bonne chose, d'autant que je suis le premier concerné ! (Rires)

AR : Quel type de musique as-tu écouté, disons, ces deux dernières semaines ? Dans le même ordre d'idée, est-ce que la musique que tu écoutes influence tes propres compositions ?

TB : Alors, je regarde mon iTunes, et celui-ci me dit que j'ai écouté Portishead, Nick Lowe, Nick Drake, Elbow, Alain Bashung, David Bowie, Cocteau Twins, Procol Harum, Scott Walker, Lonnie Liston Smith, et pas mal d'autres choses dans les deux dernières semaines. En fait, certains musiciens peuvent peut-être me pousser à essayer des expérimentations ou des styles nouveaux, mais je n'irai pas jusqu'à dire qu'un artiste quelconque ait véritablement une influence sur ce que je fais. Mes émotions ont toujours exercé une influence plus importante sur mon travail que la musique d'autres artistes.

AR : En conclusion de cette très longue interview (désolé !), as-tu un message pour les fans français de No-Man ?

TB : Merci beaucoup de nous suivre ! Nous espérons vraiment avoir l'occasion de nous produire en France et de rencontrer certains d'entre vous en personne, un de ces jours.

AR : Merci Tim !

TB : Ce fut un plaisir !
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