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Interview : Féloche


Emilie, le 16/10/2013
Initialement Féloche et son titre « Silbo » ne devaient pas siffler jusqu’aux Canaries, qui est pourtant le lieu où tout a pris racine. Ce clin d'oeil qu charmant moyen de communication de l’île de la Gomera est allé plus vite que prévu pour le maître du bayou. Un documentaire ("L'Echo du Silbo") témoigne d'ailleurs du lien entre le musicien, l'île et el Silbo. Deux ans après son dernier passage, Féloche revient aux Bains-Douches de Lignières pour nous régaler de la première date du concert nouvelle formule. Du tout neuf, l'album ne sortant que deux jours après. Nous introduisons nos (futurs longs) échanges en se prévenant l’un à l’autre du caractère brouillon qui risque d’émaner de chaque côté. Féloche m’explique que les réponses ne sont pas encore automatisées, tout comme le concert. « Des fois je me dis tiens je vais aller voir machin, oh merde attends je dois chanter !" Nous discutons de l’album, des nouveaux morceaux, des coups de cœur et des surprises, tout en essayant de donner un sens à l’interview. Finalement c’est une longue discussion qui ressortira de ce moment.


En écoutant Silbo, j’ai eu le sentiment que c’était un album ponctué de réminiscence, ou tout du moins comme si c’était le moment de sortir tout ce que tu avais gardé enfoui. C’est un peu ton album photo, ou ta galerie d’art comme tu le chantes ?"

Féloche : Dans le premier je pense que je cherchais une façon de pouvoir faire de la musique, mes chansons. C’était la création de Féloche, et ça m’a pris quinze ans, parce-que « La Vie Cajun » c’est une chanson qui avait déjà dix ans. Je l’avais enregistré dans ma chambre de bonne, quand tu as les pistes séparées tu entends le bruit du frigo sur la mandoline par exemple. Là, ce n’est pas un best of de dix ans ce deuxième disque, ce qui était le cas dans le premier. J’avais vraiment choisi les choses qui pouvaient m’aider à affronter le public, à jouer, à assumer ma musique. C’était la création du personnage, enfin du personnage … ouais, tel que je me le représente, en ayant envie de chanter sous ce nom ci. Et là, comment continuer pour un deuxième disque ? C’est vrai que, automatiquement tu as des trucs qui remontent. Dans La Vie Cajun c’est assez personnel, mais c’est différemment personnel tu vois ?

Le premier est plus éclectique ...

C’est marrant toi tu dis ça … !

Je trouve oui. En fait dans Silbo, j’ai le sentiment qu’il y a une continuité, ou tout du moins tu tournes autour de ton identité. Comme si c’était un moyen de mettre en mots et en musique, de figer tout ce qui s’est passé avant. Et donc ce qui t’a emmené à ce que tu es aujourd’hui. Je ne l’avais pas vraiment ressenti dans le premier

[Il acquiesce] Hum, le premier était plus scénarisé on va dire. Mais ça me fait plaisir ce que tu dis parce-que moi j’ai mis des doubles sens partout, il y a du sous-texte … « Silbo » par exemple ne devait pas être entendue, elle ne devait pas passer à la radio donc à la base, je ne devais pas raconter l’histoire. Maintenant on la connait, mais je ne la raconte pas en fait, elle m’a juste servie à écrire la chanson. Et dedans, il n’y a pas tous les petits détails de ma vie.

Oui, forcément on écoute la chanson différemment après avoir vu le reportage. Et j’ai sûrement repris tout l’album avec une autre oreille, avec ce versant plus intime et personnel

Mais c’est bien ce que tu me dis parce que je n’ai pas encore eu beaucoup de retours sur le disque. Toi tu le connais, mais il ne sort que lundi (14 octobre) donc peu de gens l’ont, même mes proches ne l’ont pas encore écouté. Donc je ne sais pas ce qui en ressort auprès des autres, tu fais partie des premières à me livrer tes impressions

Je vais peut-être être la seule à avoir ce sentiment tu sais -rires

Mais non en fait ça me fait plaisir, ça me touche que tu aimes bien « Mémoire Vive » par exemple. C’est marrant parce que je me disais « celle là elle ne va peut être pas toucher ». En tous cas moi j’ai fait le disque que je voulais faire, je n’ai eu aucune censure, aucune pression. Je n’ai pas eu de « tu devrais peut être mettre le refrain au début », je n’ai eu que des conseils par exemple sur le son. C’était hyper bienveillant.

Oui donc tu as eu la liberté d’y mettre ce que tu voulais

Ha ouais, je l’ai entièrement fait à la maison, j’étais assez seul. Bizarrement on croit que c’est un disque du voyage mais 95% du temps j’étais en pyjama et en chaussons quoi –rires. Après tu vas faire un voyage à New-York, tu vas faire un voyage ailleurs, mais c’est un aller-retour. Les gens que tu rencontres c’est intense pendant quelques jours mais c’est tout.

Mais tu en gardes forcément quelque-chose, ta vie n’est plus la même, même à petite échelle. C’est un voyage dans tes souvenirs


Eeh oui, mais oui ... dans les souvenirs. C’est ça, je pense que l’on est à l’écoute de tout quand on fait un disque. De toute façon, de quoi veux tu parler ? Tu écris un livre, tu fais un disque, tu parles des sensations, des sentiments, tu remontes loin et tu es aussi à l’écoute de toi-même, de l’enfant qui est en toi donc il y a des trucs qui remontent … tu recroises toi ado, toi jeune adulte, bref toute ta vie. Mais tu es aussi à l’écoute du monde. Parce que tu deviens mégalo après quand tu choisis la pochette, tu te dis cette photo là, celle là, non en fait plutôt celle là etc. Mais en vrai quand tu fais le disque, tu dois créer pour ton personnage de chanteur on va dire, tu vois ? Et pour faire ça, tu es complètement à l’écoute du monde, tu ne peux pas être que sur toi, sinon t’es bizarre…

Oui c’est comme ça que tu peux rebondir aussi. Mais malgré tout tu pioches dans ton passé, dans tes souvenirs. Tu vas même chercher dans tes « idoles » de jeunesse, avec Roxane Shanté par exemple !

Bah oui… non mais carrément. Je trouve que la musique ça sert à ça. Tu ne peux pas écrire aux gens que tu as adoré, ou dont tu étais fan sinon. Tu réalises des rêves. J’ai la chance de pouvoir voyager si je veux, pour un disque je prends un billet d’avion ! C’est dingue. Il y a eu Dr John dans le premier album, qui est pour moi le plus grand jazzman, bluesman, chanteur américain. Si tu veux on en arrive à ce que, dans les générations, les premiers rappeurs c’est comme les bluesmen pour les Leforestier, Souchon par exemple. Ou les vieux jazzmen tu vois. Eh bien nous maintenant, finalement, les premiers rappeurs sont déjà des pionniers de la musique parce que c’est vraiment un drôle de truc le hip-hop aux Etats-Unis dans les années 80. C’est un mouvement social et artistique, et c’est déjà une autre époque. Enfin voilà, je ne sais pas pourquoi je te dis ça –rires.

Du coup pour ces morceaux tu t’es fait plaisir !

Complètement. Et je trouvais ça intéressant, Roxanne elle est retraitée, elle a eu une vie difficile avec le hip-hop qui était un milieu très macho à son époque, bref elle a arrêté tout ça. Et le fait qu’un petit français lui écrive, je pense que ça l’a faite marrer. Moi j’étais romantique quoi ! –rires. Pour le morceau "T2Ceux" j’avais l’idée, je l’ai écrit avec une copine. On avait « Il y a ceux qui … ceux qui … », donc on a commencé à chercher à partir de ça, mais je trouvais qu’il manquait quelque chose. Donc j’ai envoyé à Roxane Shanté juste la partie hip-hop, et elle m’a dit « Feelooche –rires, hey bab’ », elle me répond en disant « baby » quoi, « come on », on le fait ça me plait ton truc ... « Babe » –rires. Moi j’avais écrit une tartine, super poli, je vous adore depuis que je suis petit, je vous écoutais sur tel titre, j’ai votre voix dans ma tête … un truc énorme comme ça tu vois ! Et elle me répond « Babe » … -rires.

Pas de fioritures -rires. En tout cas elle met un peps incroyable, sans elle le morceau ne devait pas vraiment tenir non ?

Ha mais il ne marchait pas, il n’existait pas. Il ne fonctionnait que s’il y avait une part romantique. Au départ ce n’était que des jeux de mots, et puis tu en trouves des pas biens. « Il y a ceux qui marchent et qui marchandent », ouais bof ça ne marche pas, « qui braillent et qui se débraillent », ça c’est peut-être mieux. Il n’y a que les jeux de mots, donc il faut les sons. Mais il faut donner du sens dans tout, enfin moi j’essaye d'en donner. J’adore le son, parfois un son ça suffit, ça dit tout. Parfois on est trop bavard …

Et d’ailleurs, tu commences un morceau par la musique ou par le texte ?

Par la musique. J’ai tout de suite l’ordi et les boutons autour, je fais tout dans le moment. Très souvent je fais la basse, et tout de suite j’enregistre. Au studio j’ai vraiment un pied qui appuie là, j’ai la main à l’opposé, et c’est tout le boulot dans une pièce. C’est un drôle de truc. C’est un vrai métier en fait –rires. Parce que avant on allait en studio, on était guitariste ou on chantait, mais maintenant on vit dans un studio. On enregistre à la maison la plupart du temps, ou dans un lieu amélioré mais l’idée est là.

Tu te donnes une période de travail ou les morceaux viennent comme ça de temps en temps ? Car ça doit être difficile de s'écarter de toute ça en ayant son studio à portée de main

Oui, c’est une immersion totale dans sa tête, dans son bordel, et des fois il faut s’aérer, voir des êtres humains qui râlent et qui se marrent, des vrais gens –rires. Mais moi je n’arrive pas à faire un disque, je ne sais pas comment on fait douze titres différents. Du coup je faisais quatre-quatre-quatre. J’ai fait trois EP si tu veux. Il y a eu Mythology qui est sorti, c’était le premier, il était sur les mythes…

"Tes" mythes même

Mes mythes, exactement. Après j’ai fait un deuxième qui était plus sur la mandoline, avec « A la légère » et l’orchestre. Cet EP n’est pas sorti, mais pour moi c’était pareil. Et après un troisième, plus introspectif on va dire. C’est un drôle de truc, mais ça a mené à Silbo . C’est une façon de travailler mais sinon c’est angoissant. J’avais besoin de faire résonner des titres par quatre, je comparais ces quatre titres ensemble, je ne bossais que sur ça pendant trois mois. Et entre tous il y a un an, et il y a eu des changements.


Il y a des différences entre les morceaux c’est sûr. Il y en a des très riches en son, en superpositions de pistes, d’autres sont plus épurés mais malgré tout ça forme un ensemble cohérent et identifiable.

C’est cool alors … je me demande comment ça ferait sur quelqu’un d’autre tu vois ? Il n’y a pas de guitare dans mes chansons, jamais, bon à part avec l’orchestre de mandolines (ndlr : sur le morceau « A la légère »), mais sinon je trouve un système de balance, d’équilibre des sons. Il y a la basse, le piano, …

Et les mots !

Alors voilà c’est ça. Donc je me dis comment ça pourrait coller avec quelqu’un d’autre ? Le piège est de vouloir être reconnu, pas connu, mais RE-connu dans ce que l’on fait. Parce-que là on se caricature et on n’est plus dans la création. Ou alors il faut faire des petites citations musicales [il reprend le thème de « la vie Cajun »]–rires.

Justement, je pense que les citations de ce genre pourraient mener à la caricature de ton style, tu vois ? Le clin d’œil trop évident, alors que tu prouves avec Silbo que tu n’as pas besoin de ça pour que l’on te reconnaisse…

Ouais peut-être… en tout cas ça me fait plaisir. Mais je ne sais toujours pas comment on fait, donc à chaque fois ça repart de zéro –rires

Au moins tu sais que tu as la recette ancrée, pas besoin de chercher ni forcer pour « faire » ce que tu « es »

Voilà c’est ça. En fait, je n’arriverais pas à faire autrement. Même si je fais tout pour que ce soit ultra romantique, ce ne sera pas ultra romantique parce-que je me trompe. On me demanderait de faire une bossa nova, je ferais un truc qui n’a rien à voir mais pourtant j’aurais tout fait pour faire une bossa nova

Tu ne sais pas réfléchir en fait

Bah en fait … non. Mais je pense que les défauts, à un moment donné, deviennent des styles –rires. Enfin tu vois, les façons de faire, les trucs que l’on aime bien parce que l'on a une idée au départ. Et ensuite tu deviens instinctif. Tu joues, tu passes des heures à bidouiller, c’est comme un dessin quand tu fais une chanson. Tu peux effacer une ligne qui ne te plait pas puis remodeler.

Je reviens sur la construction de l’album, car tu me disais plus haut que tu l’avais construit en trois parties bien distinctes. J'ai l'impression que tu as présenté comme une boucle fermée, une journée ou une vie. C'est-à-dire avec un éveil, le début de quelque chose avec « Silbo » et une fin très calme, un peu chanson de nuit avec « Mémoire Vive ».

Je pense que ça c’est plus après, quand tu fais l’ordre. Tu te retrouves avec des chansons, tu dois choisir dans quel ordre les mettre et c’est très bizarre car il faut que ça raconte encore une histoire. Par exemple, mettre « T2Ceux » le morceau avec Roxanne Shanté puis juste après celui avec Rona Hartner « Mythologie », ça fait deux morceaux l’un après l’autre avec un featuring. Moi je les voyais là, comme ça, parce que ça commençait fort. Mais après on me disait que c’était peut être trop d’un coup. Tu vois la réalité de la cuisine ? Tu écoutes et réécoutes avec des ordres différents, selon ton humeur, bref c’est un drôle de truc l’ordre du disque. Mais je n'ai pas mis de sens vraiment… à part si, terminer par « Mémoire vive ». Et commencer par « Silbo » car c’était important. C’est quand même la chanson qui m’a accompagné tout le long de la fabrication du disque, parce que le morceau était déjà sorti. J’étais presque piégé ! Le morceau passait à la radio, je me disais «merde attendez-moi » -rires


En fait, comment "Silbo" s’est retrouvé à la radio sans que tu ne le contrôles vraiment ?

En fait, j’ai sorti un premier EP il y a un avec Ya Basta mais sans Parlophone (le label). Personne n’en a entendu parler vraiment, mais Nova l’a eu. Et Nova l’a passé. Donc il a été entendu, France Inter l’a diffusé également, Parlophone a demandé à prendre l’album en licence, et là je me suis dit « faut que je le termine » -rires. Normalement quand tu as un titre qui passe comme ça en radio, ça veut dire que l’album arrive dans les trois mois. Moi je n’avais rien, il m’en fallait huit ce qui n’est pas fou non plus, mais ça prend du temps. En fait l’album je l’ai terminé en avril-mai 2013 mais les à-côtés prennent du temps.

Quel a été ton ressenti une fois l’album vraiment bouclé ?

Déjà, finir un disque ce n’est vraiment pas la même sensation que finir une chanson. Quand j’ai eu terminé l’album je me suis dit « oh non… merde ! J’ai encore des chansons, j’ai encore des trucs à dire». Je m’étais promis de ne pas m’arrêter, de continuer à écrire. Sauf que là on bosse le live. Mais tout de suite après, tu es encore dedans, ton cerveau est dans ce rythme et tes oreilles sont hyper affûtées. J’entendais tout, je savais où couper, comment travailler un morceau, comment mixer ma voix. Sauf que après tu passes à autre chose, c’est la photo, le clip, tu prépares la sortie, le live… Donc je n’ai pas eu le temps de faire d’autres morceaux alors que je me l’étais promis.

Et le passage sur scène, comment vous le préparez ? Car il y a eu des petites modifications

Oui en effet car Léa Bulle n’est plus avec nous. C'est un peu en décousu mais c’est une autre façon de faire qui peut marcher aussi. On verra –rires. On verra déjà ce soir car c’est la première date. Ce n’est pas la pression, c’est toujours important les passages comme celui ci. Et un concert comme ce soir va nous permettre de fixer des choses. Tout le ressenti est important. Je corrigerai ce qui m’a dérangé, mais ça tu le ressens beaucoup plus parce que tu as du public devant toi.

Chose importante tant dans l’album que sur scène, ta mandoline. Tu as capté le potentiel émotion de cet instrument ?

Ouaiiis parce que tu vois … en fait mes mandolines, elles sont complètement fausses. Enfin elles sont dures à régler, c’est un combat permanent, elles se rebellent vraiment. Elles n’ont pas été re-réglées depuis la tournée d’avant, et quand j’ai enregistré je me suis dit « merde elles ne sont pas passées par le luthier ! ». Alors peut être que l’émotion passe par le fait qu’elles soient un peu déglinguées –rires. Mais en tout cas j’aime la jouer, ça c’est sûr. Heureusement il y a les musiciens autour qui sont extrêmement justes.



Emilie L.


--
Un grand merci à Féloche pour avoir retardé son dîner à cause de nos bavardages.
Ainsi qu'à Fanta et toute l'équipe du bayou live, Caroline, David et Christophe !


Site officiel
La page facebook de Féloche

Pour en savoir un peu plus sur "Silbo", retrouvez le documentaire de Féloche à l'île de la Gomera :


FELOCHE - L’Echo du Silbo (documentaire à La... par FelocheOfficiel
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