Dimanche 6 juillet 2008

Pour ce dimanche et dernier jour de la vingtième édition des
Eurockéennes de Belfort, la pluie s'était invitée à la fête. Il était donc plus que logique de s'entasser sous le chapiteau pour admirer la jeune et belle chanteuse française Rosemary et ses partenaires multi-nationaux. Tirant leur nom en hommage au héros Dean Moriarty du chef d'œuvre littéraire de la beat generation
Sur la route de Jack Kerouac, le groupe avait déjà de quoi se faire remarquer. Ce n'était alors que justice, lorsque le public applaudissait farouchement les compositions des cinq artistes. Car, dans une ambiance cabaret,
Moriarty imprègne une folk teintée de jazz et de blues à la douceur mélancolique. Malgré les nombreux instruments utilisés (guitare, piano, batterie, contrebasse, harmonica, parmi d'autres), l'ensemble est agréablement minimaliste et souffle l'auditeur par sa cohérence et sa précision. Interprétant le très réussi premier album
Gee Whiz But This Is a Lonesome Town ainsi qu'une reprise du "Enjoy the Silence" des
Depeche Mode,
Moriarty a convaincu la majeure partie des spectateurs.
Nash
Nash, jeune rappeuse d'origine ivoirienne, a fait preuve d'une grosse volonté devant les quelques festivaliers qui bradaient les gouttes d'eau pour l'encourager. Son hip-hop léché de musique traditionnelle africaine, avec l'apport de djembés, ainsi que son flow où l'espoir se confond à la rage, sont parvenus à décomplexer le Club Deville. Elle et son acolyte, habillés en vert-blanc-orange jusqu'aux sandales, ont chassés la pluie d'un courage qui forçait le respect. Bravo !
MGMT

Le duo new-yorkais âgé de 25 ans n'est peut-être pas le groupe que l'on attendait le plus. Pourtant, sans faire beaucoup de bruit, tout en bénéficiant d'un soutient médiatique particulier, MGMT possède une aura mélodique originale. Ben Goldwasser et Andrew VanWyngarden, qui s'attachent les services de trois autres musiciens pour les besoins du live, ont fait surfer Malsaucy sur une vague psychédélique, par leur post-pop déviant par instants vers l'électro. Sans forcément chercher le tube accrocheur, ni tomber dans une facilité apparente, MGMT nous a questionné sur l'avenir de la pop music. Peut-être moins sur celui du rock indépendant... On attend la suite !
Seasick Steve

Steve a peut-être le mal de mer mais lorsqu'il s'agit de faire revivre le blues traditionnel qui perfora le milieu du vingtième siècle, il se jette à l'eau. Il ne quitte jamais le port sans sa guitare, et slide aisément sur le manche. Manche retroussée, barbe et casquette de rigueur, le californien avait embarqué ses guitares personnalisées pour nous transporter au temps où la télévision n'existait pas. Le blues lui, existait déjà, et il vit toujours.
Future of the Left

Ce trio guitare-basse-batterie originaire du Pays de Galle jouait en fin de soirée à la Loggia. Il a poussé haut et fort son noise-rock pendant que
Cali s'offrait une nouvelle fois la grande scène. Les amoureux de riffs déstructurés et de chant enragé ont trouvé leur compte dans ce bruyant concert. Les titres frais, secs et courts de Future of the Left s'enchaînaient comme de sains obus lachés sur une foule demandeuse. On s'y précipite gaiement !
La rock-star la voilà ! Véritable top-model des magazines et coqueluche du revival rock british, Pete Doherty était présent pour souffler les vingt bougies des
Eurockéennes. Et c'est dire si l'on y croyait ! En effet, les multiples annulations (dont plusieurs festivals), suite aux frasques de l'artiste, devenaient trop fréquentes. Deux jours avant leur concert aux
Eurocks,
Babyshambles avait oublié de se pointer au légendaire
Werchter. Mais Pete et ses sbires ont répondu, cette fois-ci, au rendez-vous fixé. Le show a parcouru la carrière artistique de Pete Doherty, saisissant les plus beaux morceaux composés par le nouveau poète du rock. Ainsi les chansons "Killamangiro", "A'rebours", l'inimaginable "Albion" ou les convaincantes "Pipedown" et "Fuck Forever" du premier opus ont été précipitées dans les "There She Goes" et "French Dog Blues" du second travail studio. Costard cravate, chapeau rond et guitare électrique en mains, Pete s'est montré talentueux, chantant juste et avec passion sans pour autant créer l'apocalypse. L'esprit punk allié aux mélodiques poésies font de Pete Doherty un personnage essentiel à la scène pop-rock.
Gnarls Barkley

Propulsé sur le devant de la scène, suite au tube interplanétaire "Crazy", Gnarls Barkley venait défendre un tout nouvel album
The Odd Couple, sous le chapiteau de Malsaucy. On voyait très bien l'imposant Cee-Lo, bouche près du micro, en train d'assurer son flow hip-hop soul. Derrière, les musiciens s'amusaient tant à la guitare qu'à la basse ou qu'à la contrebasse. L'énigmatique Danger Mouse siégeait, quant à lui, devant son clavier, lunettes noires sur les yeux, et bougeait la tête au rythme du beat. Gnarls Barkley n'est sûrement pas le meilleur projet de la dangereuse souris, mais il permet au public de passer un agréable moment. Producteur inspiré et artiste charismatique, Danger Mouse nous surprendra t-il encore ?
Battles
Après trois jours de musique et de fête, Battles était le groupe destiné à réveiller les morts. Et quel réveil ! Même si la Loggia n'était de loin pas remplie, les téméraires festivaliers dansaient et dansaient toujours plus vite, symétriquement aux déferlantes montées des quatre new-yorkais. Vraiment surchauffés, Ian Williams et Tyondai Braxton (fils de l'avant gardiste jazz Anthony Braxton) se déchaînaient sur leurs matériels. Jouant guitare à hauteur poitrine, main gauche sur le manche et l'autre, sur les notes du clavier, ils ont fait preuve d'une maîtrise incroyable créant une fraîche multiplicité de sons. Les amplis frissonnèrent à chaque nouvel artifice balancé comme un additionnement de particules détachées qui se regroupent dans une progressive fusion. Battles a déjà remporté une première victoire. Y aura t-il un prochain succès ?
La fermeture de ces trois jours de festival revient à Moby sur la grande scène, et aux tourangeaux dEz3kiel qui vont déverser leur electro-dub sur la plage. Le premier a déjà commencé à faire danser un public présent en grand nombre (?) depuis une trentaine de minutes, lorsqu'Ez3kiel monte enfin sur scène. Le concert se déroulera, comme habituellement, dans la pénombre, éclaircie sporadiquement de flashs stroboscopiques, le groupe jouant sur fond de vidéos enivrantes, propices à un voyage mental nécessaire pour oublier la fatigue qui commence à se faire plus que ressentir.
Malheureusement, cet apport visuel contraint le groupe à s'enfermer dans des sets calés au millimètre. Pour toutes personnes les ayant déjà vu cette année, il faut avouer que le charme opère dans une bien moindre mesure.
Mais la musique et les concerts d'Ez3kiel n'en restent pas moins impressionnants, et c'est ce soir là une très belle clôture qui s'offre aux festivaliers venus en grand nombre sur la plage. Un regret d'ailleurs pour cette scène dont l'accès a été, comme chaque année, très difficile.