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Chronique Livre

Mods une anthologie - Speed, Vespas & Rhytm'n'Blues


Auteur : Paolo Hewitt
Editeur : RivagesRouge
Date de Sortie : 2 mars 2011


Langue : Français
"Un livre très Rock n' Mod comme il en existe trop peu"
Mathilde, le 21/06/2011
( mots)
Mystérieux le Mod ? Pas qu’un peu. Son nom vient de la l’abréviation de "moderniste", en référence au style de jazz éponyme que ces gamins affectionnaient tant. Ce serait si simple si sa description s’arrêtait là. Seulement voilà, ce mouvement de jeunes a véritablement engendré un style de vie, de musique, de fringues et d’idées particulières à la fin des années 50. C’est toute la culture populaire anglaise qui s’en est trouvée changée. Les nombreux auteurs de ce précieux ouvrage, chacun acteur à leur façon de la scène Mod, apportent leur témoignage pour tenter de reconstituer le puzzle Moderniste (qui est bien plus vaste et bien plus complexe qu’on ne le pense) et brosser le portrait de cette époque mal comprise. La tâche s’annonce d’emblée ardue, la majorité des éditeurs ignorant encore aujourd’hui l’importance de ce mouvement. A ce jour il n’existe que quelques livres d’auteurs qui traitent du sujet, Mods de Richards Barnes en est le plus fameux. Moderniste, y es-tu ? Que fais-tu ? Survis-tu ? sont en quelques mots les questions soulevées par cet ouvrage.

D’un point de vue historique, le Modernisme a touché la jeune génération d’après-guerre, qui a été la première à avoir autant d’argent, et qui décida de le dépenser dans un style de vie hédoniste, résolument tourné vers l’avenir, en opposition directe à la vie rangée de papa-maman. Fruit d’un contexte socio-économique très particulier et de l’explosion du consumérisme, le Modernisme était avant tout un produit de la prospérité britannique. Tels sont les "facteurs d’influence" du mouvement d’après l’auteur Graham Lentz. Selon Nick Cohn, célèbre critique musical britannique, le Mod type avait seize ans, roulait en scooter, avalait des amphets par poignées pour danser jusqu’au bout de la nuit dans des clubs à la mode et était obsédé par tout ce qui était cool. Ou plutôt par tout ce qui pouvait le rendre cool. Complètement absorbé par lui-même, il est (et à tort) surtout connu pour consacrer son temps et son argent à soigner ses fringues, ses cheveux, son apparence. Obsessionnel du look jusqu’aux rétros de sa Vespa, le Mod aspirait à l’élégance et à l’exclusivité. Il devait être parfait, quitte à se changer quatre fois par jour. C’est d’ailleurs cette contradiction qui est soulevée par l’ensemble du livre : le Moderniste, à cette époque, faisait partie d’une subculture tout en s’acharnant à façonner son individualité, son style propre. Cela a eu le mérite d’intriguer quelques journalistes d’outre atlantique, et notamment l’américain Tom Wolfe, qui a observé le mouvement en plein essor lors d’un de ses passages à Londres. Il explique que le style de vie Mod est apparu à la fin des années 50 et a recruté chez les jeunes de familles d’ouvriers qui y ont trouvé un moyen de nier leur origine sociale et de créer un style de vie idéalisée, LEUR style de vie, dont ils étaient les seuls maitres. Cette aisance a créé de l’arrogance et un sentiment de toute puissance de la part de la jeunesse. Vivre dans un éternel présent, repousser l’échéance (inévitable) de l’engagement dans un mode de vie figé et rompre l’uniformité, tels étaient leurs mots d’ordre.

Puis de façon chronologique, le livre balaie par petits chapitre les différents domaines ayant été touchés par la patte Mod. Ainsi, les premières pages décrivent avec forces détails l’attirail vestimentaire Moderniste à travers des récits d’anciens Mods, comme Irish Jack, premier fan des Who. Un véritable cours de fashion. Mieux valait se tenir au courant de la tendance de la semaine, voire du jour. A la fin des années 1950, elle résidait dans un tailleur italien bien évidemment transformé jusqu’à plus soif. Tout y passait : la longueur des fentes de la veste, le nombre et le style des boutons, la taille et la forme du col…Plus tard ce sera le pantalon cigarette et la veste Ivy League qui connaitront leur heure de gloire, avec toujours en ligne de mire cette quête d’originalité sur toile de fond de mode puritaine. " Vous pouvez critiquer mon talent, mais pas mon tailleur". Quelques pages parleront aussi des Mods filles qui, c’est vrai, ne tiennent pas la tête d’affiche dans cette histoire. On l’aura compris, globalement, le Modernisme était une question de bon goût et ce livre n’a pas pu passer à côté de cette quête de l’esthétisme vestimentaire qui a rarement été aussi extrême. Mais ce mouvement n’était rien sans une bonne louche de narcissisme. Ces gamins "avaient tous ce regard, c’était le regard de celui qui était allé quelque part et qui donnait l’impression que la planète Terre était un bled " confie Tony Parson, journaliste au NME. En 1962, les convertis étaient assez nombreux pour créer une secte qui s’est appelée Modernisme. Ensuite le Mod a gagné tout Londres et Shepherds Bush en est devenu le quartier emblématique.

Mais qu’est ce qu’un Mod sans la musique ? Le voyage continue avec Harry Shapiro qui s’est intéressé aux nuits Londoniennes et qui en dénonce les qualités et les travers sans vergogne. Avec l’explosion de la société de consommation, chaque week-end, des centaines d’ados quittaient les banlieues de Londres pour venir dans les clubs du West End. Le 2i, le Flamingo, le Marquee ou le Scene étaient les plus célèbres et illustraient la vogue du Rn’ B dans la capitale. Ils renfermaient dans leurs sous-sol cradingues, "des Mods, des noctambules, des étudiants, des jamaïcains et des soldats noirs […] qui amenaient avec eux les dernières danses venues du nouveau continent". Au début il n’y avait pas vraiment de groupes Mod, mais plutôt de la musique que les Mods aimaient écouter. "Mais si un groupe a réussi à exprimer la colère, la frustration, l’insolence et l’arrogance des Mods, c’étaient les Who" explique Shapiro. Le groupe n’était d’ailleurs absolument pas Mod à la base puisque c’est leur manager Peter Meaden qui a décidé d’habiller Daltrey comme un "face" (leader d’un groupe Mod) et les autres comme des "tickets" (les non-leader d’un groupe Mod). Il les a appelé les "High Numbers" (types très à la mode) avant de les rebaptiser les Who. Les Mods dansaient sur les chansons idéalistes de la Motown, défoncés au speed pour tenir debout durant les soirées "allnighters" qui duraient toute la nuit. Au milieu des 60's, la musique noire (soul, blue beat, ska qui s’est transformé en reggae) commençait à être appréciée, mais ne rencontrait pas un franc succès. Les journaux préféraient les plus corrects Beatles et autre Rolling Stones. A ce sujet, l’auteur Kevin Pearce s’empresse de citer les oubliés des charts tels The Eyes, The Creation ou The Action qui n’avaient, selon lui, rien à envier au talent des Who. Mais c’est ces derniers qui interprétèrent ce qui devint l’hymne Mod, "My Generation", alors que le mouvement était à son apogée au milieu de l’année 1964, et qu’ils jouaient tous les mardi soirs au Marquee.

Nick Cohn raconte qu’au même moment les médias ont commencé à s’intéresser au Modernisme et que c’est ainsi que le mouvement a commencé à se faire la malle : "Dans les mains des publicitaires, le terme est devenu un terme fourre-tout […] qui pouvait très bien s’appliquer aux groupes Pop, aux Corn Flakes ou à la bouffe pour chien ". Et Paolo Hewitt, journaliste au NME et à l’origine de cette anthologie, de rétablir la vérité sur la fin de ce mouvement qui a été nourrie de moultes légendes et aberrations. Au fil des pages, on apprend que le premier affrontement entre les Mods et leurs ennemis les Rockers, opposés entre eux en tous points, ne s’est pas déroulé à Brighton et que les Mods qui y participaient n’en étaient pas vraiment. Selon Cohn c’étaient juste des gamins paumés et pas franchement au point quant aux principes de base du mouvement. Car les vrais Mods dédaignaient la violence –ils étaient bien trop affairés à leur petite personne- et trouvaient stupides ceux qui y participaient. En 1965, le Modernisme avait perdu tout son sens. Ces bagarres ont provoqué une crise identitaire Mod, achevée par de trop nombreux reportages et documentaires. C’en était trop, l’authentique mouvement Mod était popularisé –pire, vulgarisé- il n’en fallait pas plus pour qu’il tire sa révérence. Les dernières pages contiennent d’autres scoops quant à l’origine des Rockers, et démontrent comment le hooliganisme du football a fait passer les Mods pour des racistes alors qu’il ne s’agissait déjà plus d’eux. Une brève description des années menant aux hippies, puis on a droit à une vieille interview complètement ravagée du défunt –et tout aussi ravagé- Peter Meaden. Elle permet de confirmer la valeur inestimable de cette époque pour ceux qui l’ont vécue : "C’était la vie, c’était la vie la plus incroyable que tu puisses t’imaginer, c’était tellement fabuleux".

Nous livrer toute la vérité, rien que la vérité, même si elle s’avère moins glorieuse que prévue, c’est là la grande force de cet ouvrage. Cette anthologie expose les faits bruts, nus, avec une objectivité rendue possible par l’équilibre entre les témoignages enflammés d’anciens Mods et les observations pondérées de journalistes et autres auteurs. Les récits sont riches et nous rendent véritablement spectateurs de bribes de vie intimistes, et ont pour point commun un élan de nostalgie palpable envers cette époque hors du temps, absolument intense, qui en a fatigué et même tué plus d’un. Reste à la fin de la lecture un petit goût d’inachevé. C’est certain, le bouquin apporte un lot considérable d’informations concrètes concernant les fringues, la musique et le speed qui va avec, mais finalement le concept Mod reste flou, comme insaisissable. Après 1964, on a vu apparaitre les Skinheads puis les Suedeheads, mais qu'en est-il de l'héritage Mod aujourd'hui ? "Le Modernisme a continué, mais sous des formes et des apparences différentes. Mais c’est une autre histoire et une autre époque". Il faudra s’en contenter. A trop vouloir viser l’objectivité et démontrer ce qui est manifeste, cet ouvrage oublie aussi de poser des questions plus profondes quant au malaise qui poussait ces jeunes à vivre à cent à l’heure, à se droguer pour s’empêcher de dormir et fuir toute responsabilité. Le traumatisme de la guerre, toute proche, avait forcément fragilisé cette jeunesse, pourtant ce livre fait preuve d’une grande pudeur à ce sujet. En même temps, n’est-ce pas là l’essence même du Modernisme que de susciter le mystère ?


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