Ah, Wolfmother. Cet enfant bâtard de
Led Zeppelin et de
Black Sabbath. Certains s'accordent même à dire que ce pauvre enfant illégitime a été élevé dans un ménage à trois avec
Deep Purple. Au moins, les trois parents ont su lui insuffler leurs meilleurs éléments : riffs tantôt lancinants, tantôt couillus, mouillés dans un clavier baveux tout aussi couillu, avec une voix alliant le timbre de Robert Plant à la texture de celle d’Ozzy Osbourne. Franchement ? Ça avait clairement de la gueule. Et en plus, ça marchait ! Ce rejeton du hard se payait des diffusions incessantes du clip de "Joker & the Thief" sur MTV et a écoulé plus de 350.000 copies de son premier album en Australie. Piston parental ou pas, Wolfmother est entré directement dans la cour des grands, sans passer par la case
underground.
Seulement, les bâtards ne sont jamais vus d’un bon oeil dans les grandes familles. Leur vie n’est clairement pas facile, et tout commença à partir en vrille quand le groupe, en raison de tensions évidentes entre
Stockdale et ses sous-fifres, splitta en 2008. Un genou à terre, l’homme à la chevelure touffue décida néanmoins de continuer à perpétuer l’héritage parental et engagea de nouveaux musiciens pour raviver la flamme Wolfmother. Ce nouvel effectif accouche en 2009 de
Cosmic Egg, très bon album néanmoins grandement en-deça de son prédécesseur et qui ne rencontre clairement pas le même succès. S’en suivent un jeu de chaises musicales au sein du groupe (on croirait revivre la saga
Guns N’ Roses) et, finalement, malgré un troisième album en préparation, la mort de Wolfmother en avril 2013 : la formation continuera de tourner sous le nom de son leader despotique qui apparaît aussi sur la pochette de ce troisième album devenu
Keep Moving.
Puis finalement, quelques mois plus tard, Wolfmother se paye un baroud d’honneur et se reforme en tant que trio, comme au bon vieux temps. On en est maintenant à ce qui aurait dû être le point de départ : en 2014, Wolfmother est devenu le groupe underground qu’il n’a pas été en 2006. Sans maison de disques, jouant désormais dans des clubs de capacité réduite, Stockdale en est réduit à sortir le troisième/quatrième album (tout dépend de comment vous comptez) de sa formation sur Bandcamp, en format digital uniquement. Wolfmother balance un nouvel album sur le net du jour au lendemain, sans aucune promotion, à la manière de
Radiohead avec
The King of Limbs.
New Crown est le nom de ce nouvel album, aussi vous proposé-je que nous le décortiquions ensemble.
Avant tout, il convient de mettre en avant les lacunes inhérentes à
Cosmic Egg et
Keep Moving par rapport à l’éponyme : bien que comportant des morceaux plus travaillés dans l’écriture et la composition ("Far Away" ou "Black Swan" pour ne citer que ceux-ci), manquait cruellement à ces deux opus la lourdeur qui avait rendu le premier album aussi attrayant et efficace. Il suffit par exemple de balancer un gros "Colossal" pour se prendre en pleine face le duo guitare-clavier qui écrase tout sur son passage sans pour autant sonner pataud ou brouillon. Le clavier s’est malheureusement vu relayé au second plan par la suite, pointant seulement le bout de son nez pour quelques pianotages (l’intro de "In the Castle" en est l’exemple parfait). Sur ce point,
New Crown ne déçoit pas : Deep Purple a enfin recouvré ses droits, et le clavier retrouve l’ampleur qui lui manquait auparavant ("Enemy Is in Your Mind", "Heavy Weight", "New Crown"). Peres s’autorise mêmes quelques escapades psychédéliques comme sur le pont hypnotique et très crimsonien de "Tall Ships", assurément l’un des points d’orgue de l’album avec "My Tangerine Dream" et son final à la sauce
Johnny Cash sous LSD.
En plus du clavier, Peres assure toujours autant sur sa basse, frappant les cordes de son instrument comme jamais (le pont de "New Crown" groove comme pas permis), parfois à la manière d’un Geezer énervé ("Enemy Is in Your Mind", "Heavy Weight", encore ces deux-là). Il est d’ailleurs impossible de passer à côté de la veine sabbathienne de New Crown, que ce soit dans le pont de "How Many Times" ou dans les riffs de "Enemy Is in Your Mind" ou de "Radio". Il serait cependant réducteur de penser que Wolfmother fait du Black Sabbath à sa propre sauce : Wolfmother fait du Wolfmother, certains morceaux s’exemptant totalement de toute forme d’influence à proprement parler ("She Got It", qui aurait pu figurer sur Cosmic Egg, ou encore "I Ain’t Got No").
New Crown se veut donc plus proche de l’éponyme que de ses prédécesseurs, même s’il sonne différemment : tant sur le visuel (la pochette n’est pas sans rappeler les 45 tours des 60’s et des 70’s) que sur le sonore (les arrangements s’ancrent dans la même période que celle évoquée par la pochette : la voix n’est pas en avant, la batterie est très sèche, et le tout est volontairement opaque et étouffé, lui conférant ainsi un son moins défini mais loin d’être dégueulasse), New Crown a été pensé vintage. Plus brut et moins fignolé que ses grands frères, il se veut plus direct et renoue ainsi avec la spontanéité qu’avait su proposer l’éponyme. Le bâtard peut être fier de sa dernière production, même si on sait déjà qu’elle disparaîtra de la circulation aussi vite qu’elle est apparue. Et c’est bien dommage.