Wishbone Ash
Number the Brave
Produit par Nigel Gray
1- Get Ready / 2- Where Is the Love / 3- That's That / 4- Roller Coaster / 5- Number the Brave / 6- Loaded / 7- Underground / 8- Rainstorm / 9- Kicks on the Street / 10- Open Road
Number the Brave est un album un peu polémique au sein de la discographie fleuve de Wishbone Ash. Premièrement, il marque le départ de Martin Turner, membre historique du groupe, qui est néanmoins remplacé à la basse et au chant par un nom prestigieux du rock, John Wetton, issu de King Crimson et d’Uriah Heep. Deuxièmement parce qu’il annonce, et ce beaucoup plus que l’exceptionnel Just Testing, l’entrée du groupe dans les années 1980 – entendez les écueils esthétiques des années 1980.
Malgré tout, et surtout malgré le désamour qu’il peut subir, Number the Brave réussit bien son objectif et parvient à se montrer convaincant dans la mutation dont il est l'illustration. "Underground" par exemple, un morceau en définitive très pop, séduit par sa belle mélodie, son chant parfaitement adapté et les interventions de guitare d’une justesse admirable. De même, "Number the Brave", comme un renouvellement du heavy-prog’ par les sonorités des années 1980, est plein de surprises et surtout d’une énergie épique et torrentielle – il nous prend sans délai dans son flot ininterrompu. Deux excellents titres qui suffisent à rendre l'opus digne d'intérêt.
Il est clair que la touche funky de "Loaded", rehaussée de chœurs à la pertinence discutable et d’un refrain à la Aerosmith, peut interroger plus d’un auditeur au moment où il lancera la galette. Le blues-rock sautillant de "Where Is the Love" est moins convaincant que les ornements d’un somme toute classique "Kicks on the Street" ou de "Open Road" pouvant parfois évoquer "Rest in Peace" lorsque le picking s’affirme. Dans son entreprise de séduction, Wishbone Ash ne manque pas d’engouement : "That’s That" est ainsi revigorant et accrocheur. Bien sûr, tout n’est pas forcément de la première inspiration, si l’on pense à "Get Ready", une reprise de Smokey Robinson de laquelle résulte un hard-rock convenu au refrain trop calibré, ou à "Roller Coaster" assez lassant jusqu’à ce que le solo arrive. Mais dans l'ensemble, on peut estimer le résultat suffisament solide pour en apprécier l'écoute.
Certes, ceux qui chercheront ici le Wishbone Ash d’Argus seront forcément déçus, même si Powell et compagnie proposent souvent de jolis plans de guitare et de belles mélodies, avec les duels jumeaux incontournables, tandis que le nouveau venu, Wetton, délivre de beaux passages de basse. Number the Brave est moins inspiré, plus passe-partout et grand-public, assez convenu en comparaison avec l’originalité et la splendeur passées du groupe. Ces limites méritent-elles qu’on ne lui reconnaisse pas quelques moments brillants et le fait d'être un album relativement honorable au regard du contexte ? Il semble qu’on puisse s’y arrêter le temps d’une écoute, sans crier au génie mais sans perdre son temps non plus.
A écouter : "Number the Brave", "Underground"