The Notwist

Le rock allemand a rarement les faveurs des médias. Hormis Tokio Hotel et Rammstein, peu de groupes germaniques franchissent les frontières avec succès auprès du grand public. Et ceux qui réussissent ont souvent choisi la voix de l'anglophonie pour séduire, n'offrant donc pas plus d'audimat à la langue de Goethe. Mais dans ce cas précis, difficile d'imaginer le rock planant teinté d'électro de The Notwist autrement qu'en anglais, tant les textes parfaitement ciselés de Marcus Acher s'imposent sur chaque accord de guitare. D'une précision rare, la musique de The Notwist est un édifice de verre, une construction délicate où chaque son ricoche sur le précédent, et se glisse dans un petit interstice de silence. Loin des guitares électriques et des rythmes énervés de leurs débuts, les quatre Allemands se sont construits un parcours atypique, mélangeant les influences avec un naturel déconcertant. Ce cheminement a débouché en 2002 sur Neon golden, leur meilleure réalisation. 

Cet album doit beaucoup à Shrink, opus précédent du groupe, qui avait surpris tout le monde par son virage à 90 degrés. Fini le punk-métal, The Notwist s'engageait alors dans une nouvelle voie, celle du rock expérimental, étonnant et perturbant, fait d'innovations et d'idées volées aux quatre coins du monde. Un cocktail ressassé jusqu'à donner Neon Golden, petit bijou ambient-rock, à la fois doux et sournoisement violent. Et en ouvrant l'album avec "One Step Inside Doesn't Mean You Understand", le groupe semble presque donner un avertissement, parce qu'ici, tout a un sens, tout est pensé, tout se connecte et s'entremêle dans un même but. Le titre commence sur quelques accords de guitare qui sembleraient presque improvisés. Pourtant, c'est une mélodie au violon douce et subtile qui vient les couvrir. La voix de Marcus Acher arrive dans les aigus, légèrement cassée, et petit à petit, l'ambiance sombre, le glock marque une pulsation lente et inébranlable, les craquements d'un vinyle ajoute à l'idée de délabrement, et les petits accords lancinants s'étirent vers une fin inéluctable. 

Là, c'est "Pilot" le plus "joyeux" des titres, qui enchaîne. L'auditeur est à nouveau déstabilisé, mais se laisse entraîner par un refrain étonnamment rythmé et entraînant. Evidemment, on n'est pas chez Kaiser Chiefs, n'exagérons rien, mais dans cette ambiance sombre, le titre est un petit éclat de lumière. Il introduit le superbe "Pick Up The Phone" où les riffs graves et saturés marquent un tempo lancinant sur lequel le chant très posé de Marcus construit une vraie unité musicale, toute en émotion retenue. Mais The Notwist aime varier les ambiances, alors le morceau suivant "Trashing Days" commence sur des sonorités presque orientales toutes en cordes. Là encore, on est évidemment loin de Rachid Taha, mais cette base "world" permet de construire un morceau qui joue sur les contradictions, entre ce son lié à une ambiance festive, et un tempo toujours lent presque dépressif. Une idée reprise sur le très bon "Neon Golden". Ainsi, The Notwist intègre styles et influences à des morceaux qui n'ont finalement qu'une seule identité, la leur. Qu'ils se teintent d'électro expérimental ("This Room","Off The Rails"), de trip-hop sombre ("Solitaire"), de pop classe ("One Of The Freaks"), ou virent vers la balade planante "Consequence", les morceaux de The Notwist ne ressemble finalement à aucun autre. 

Certains changements de style sont parfois surprenants et sujets à critiques, surtout quand ils suivent étrangement la tendance. Les Notwist  n'avaient eux jamais eu une aussi bonne idée. Loin d'un punk-métal que tout le monde fait, les quatre Allemands se sont construits un univers personnel à part, loin des standards et des hymnes radiophoniques. Pas forcément accrocheurs ou faciles d'accès, leurs morceaux s'apprécient sur la longueur et méritent d'être réellement appréhendés et compris, loin d'un esprit de consommation rapide qui fait défiler les albums sur la platine.