Tagada Jones
L'envers du décor
Produit par
1- ['d^blju :] / 2- A gauche comme à droite / 3- Ecowar / 4- Un Kulte / 5- S.O.S. / 6- Les Cobayes / 7- Reality Show / 8- Contre Courant / 9- Apocalypse / 10- Euthanasie / 11- Star System / 12- Cash / 13- S.O.S. Dub
Laissez tomber les références puériles, car en dépit de son nom, Tagada Jones n'a rien, mais alors vraiment rien à voir avec les fraises du même nom, ni avec un certain pélican aviateur de bandes dessinées. Le ton est en effet loin d'être léger ou enjoué chez ce gang de Bretons enragés, qui pratiquent depuis 1993 un Punk Hardcore aussi bourrin que militant.
"Pas de fioriture, pas de défilé de mode ni même de compromis" : c'est ainsi que la bio du groupe présente leur dernière production en date, L'envers du décor, qui syncrétise un peu tous les courants contestaires et altermondialistes : écologiste, antilibéral, anticapitaliste, antireligieux, antipolitique, anti-télé pourrie, anti-malbouffe... Bref, presque anti-tout. Tagada Jones est donc de tous les combats, et a choisi pour se faire entendre, d'asséner son discours à grands coups de beuglantes, de riffs pas compliqués et de mauvaise humeur communicative.
Le premier à en faire les frais, c'est évidemment le chef d'état qu'on adore détester en ce moment : Georges W. Bush. La politique de ce dernier semble en effet n'être que très modérément appréciée par Tagada Jones : "Je veux te voir à genoux, je veux te voir à genoux, te traîner dans la boue. Je veux te voir à genoux, je veux te voir à genoux, puis prendre des coups" ("['d^blju:]"). Tsss... Sont-ce des manières de s'adresser à un président en exercice ? Pauvre Deubeulyou... La vindicte de nos bretons se poursuit aussi à l'égard de la classe dirigeante française, à laquelle Tagada reproche, dans "A gauche comme à droite", son manque de renouvellement et son origine sociale trop homogène : "Tous assis sur les mêmes bancs d'écoles, en cols blanc et au premier rang, s'est formée l'élite du gouvernement (...) A gauche comme à droite, on vient de l'aristocratie, de la noblesse et des beaux quartiers de Paris (...)". Autres cibles privilégiées : le Medef et la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle dans "Contre Courant".
A l'écoute d'"Ecowar" et de "S.O.S.", l'écologie et la lutte contre le productivisme agro-alimentaire représentent le deuxième cheval de bataille de Tagada Jones : "Pas de soucis, je veux bien payer le prix, car la planète vaut plus que l'économie. Pas de soucis, je veux bien payer le prix, mais pas les marges astronomiques de notre industrie." ("Ecowar"). Sur le plan éthique, Tagada prend aussi position : en dénonçant les dérives de la science et de la génétique ("Les Cobayes") ou en refusant l'acharnement thérapeutique, comme dans "Euthanasie".
L'économie libérale débridée ("Cash"), le sensationnalisme télévisuel à visée politique ("Reality Show") et la variété pourrie ("Star System") fournissent d'autres bonnes raisons de s'énerver. Morceaux choisis, dans "Star System" : "Maintenant que l'étoile brille, qu'elle est au firmament, Je ne vous dis pas la merde qu'elle nous balance impunément (...)". Pas très finaud, mais tellement vrai !
Et la musique dans tout ça ? Je ne vous cache pas qu'elle est un brin sommaire et dénuée de "fioritures" comme ils aiment à le dire. Un bon gros punk hardcore des familles dans l'ensemble, à forte consonnance métallique parfois ("S.O.S.") ou même techno-métal, façon Mass Hysteria, dans "Contre Courant". Le chanteur me rappelle Reuno de Lofofora, avec cependant une tendance à scander violemment plutôt qu'à rapper. Si L'envers du décor est bien produit et cohérent musicalement, on peut reprocher à Tagada Jones un manque d'originalité et de nuances, ainsi que certaines maladresses, comme dans "Un Kulte", diatribe antireligieuse, où ils font l'amalgame (volontaire ?) entre le sionisme et le judaïsme : "Je ne veux pas que mes enfants subissent l'appartenance au culte méthodiste, chrétien, musulman, (...) sioniste...".
Bien qu'ils aient tendance à enfoncer des portes ouvertes, et à manquer singulièrement d'humour et de second degré dans leurs paroles (un petit jeu de mot, même pourri, ça fait du bien de temps de temps !), on peut reconnaître à Tagada Jones leur authenticité, au sens ou personne ne peut les taxer de poseurs, de groupe engagé juste pour être dans le mouv'.