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Critique d'album

Nick Heywood


ABAC


(07/04/2023 - - Punk - Genre : Rock)
Produit par

1- Not so Alone / 2- Dirty Hands / 3- I Don't Wanna Pray / 4- All Cops Are Brutal / 5- Beast of Sorrow / 6- High on Medecine / 7- Phonecall / 8- Frogs in a Lake / 9- Bright Blue Circle / 10- Bullseye / 11- What I'm Here For
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"L’erreur capitale dans toute démarche artistique est de se prendre au sérieux. Lester Bangs"
Daniel, le 04/10/2023
( mots)

Où il est question des diverses vagues d’une même marée

Années soixante. Une frange extrême de jeunes groupes américains pratiquant un garage rock très primitif inspire à quelques DJ radiophoniques alors influents l’expression "punk rock" (1). Certains de ces groupes connaîtront quelques honneurs futiles dans les charts, comme The Kingsmen, The Trashmen ou 13th Floor Elevator. Le fait de citer ces trois noms démontre à quel point "punk" peut qualifier des réalités incompatibles.

Juillet 1978. Londres. Piccadilly Circus (2). Les bus rouges à impériale sont parés de la pochette du Live And Dangerous de Thin Lizzy. Tout le monde s’en fout. Ce qui importe alors, ce sont les punks qui grouillent en ville. A crête, à morve, à épingle, à chien, à rat, à crachat, à collier, …

Les gentlemen costumés font mine de les ignorer. Pourtant, c’est un phénomène socio-culturel peu banal, un signal de la déliquescence programmée de l’Empire, une manifestation nihiliste et virulente qui répond à une autre violence imbécile, celle de l’écrasante logique capitalistique.

Au même moment, à New-York, les faux-frères Ramones décrochent la timbale avec leur surf-punk instantané tout droit sorti d’un cauchemar trash de Brian Wilson.

Par sa nature, le mouvement punk n’est pas né pour durer. Il semble même être né juste pour mourir. Ce sera un feu de paille, une étincelle sous un crachin nocturne. Bientôt, il sera récupéré par des charognards (3). Puis, les affreuses notes synthétiques et bidouillées de la new-wave occuperont tout le spectre sonore des petits rockers.

Années quatre-vingt-dix. Los Angeles. Venice Beach (4). Rebondissement. Le punk est de retour sur la côte Ouest des USA. Il se déplace en skateboard et a troqué les haillons de Vivienne Westwood contre des shorts corsaires et des Adidas.

Où la machine à explorer le temps fait étape dans le monde contemporain

2023. Wreckless Eric (5) déclare : "La nostalgie punk, c’est désespérant !"  Aujourd’hui exilé aux USA (la boucle est bouclée) Erik a connu l’Angleterre des punks à chiens. C’est un expert.

2023. Paul Simonon, un survivant de The Clash (le groupe qui a écrit les tables du genre avec, par exemple, The Damned, The Jam ou Sham 69) réinvente le concept Nancy & Lee pour célébrer la bête pop des années soixante en duo avec Galen Ayers (la fille de l’autre).

2023. Les Lyonnais de Nick Heywood publient un album punk. En hommage (un peu nostalgique) à l’enfance de leurs années quatre-vingt-dix.

Paradoxes ingérables. Embrouillaminis sans fin.

Où le chroniqueur chronique (enfin)

Nick Heywood est le rejeton d’une frustration liée au confinement. Ça, c’est punk. Il fallait qu’une musique explose après la pandémie. Et cette musique est logiquement une résurgence punk. Pas le punk anglais. Le skate-punk américain qui a bercé le passé des musiciens (6). On en reparlera…

C’est qu’il faut se creuser un peu la cervelle pour bien comprendre leur concept, Nick Heywood est la transcription en sonorité anglaise de "Niquez-vous !". Ca sonne approximativement bien. A ceci près que Nick Heywood existe vraiment. C’est un jockey professionnel australien qui a été mis au ban de sa profession pour consommation de substances illicites. Quel rapport ? Aucun. Si ce n’est que, fidèle à son absence de logique, le groupe choisit alors d’emprunter son visuel au PMU.

C’est punk, le PMU ? Pas vraiment, même si, dans l’univers des Lyonnais, ce sont les chevaux qui parient en buvant des canons et les hommes qui galopent. Et tout ça explique que l’album s’appelle ABAC qui signifie Tabac (comme dans Bar Tabac) mais sans T (7)

Nick Heywood opère en collectif. Ca c’est punk. Alexy (bassiste gaucher) rédige ses manifestes en anglais (8). Bouns (guitare rythmique) propose des riffs urgents. Yo (guitare) enrubanne les titres dans ses interventions en solo. Les trois musiciens alternent le chant lead et les chœurs. Lucas, qui officie à la batterie sur l’album a depuis lors cédé son tabouret à Antho qui participera désormais au processus de composition des nouveaux titres.

Nick Heywood pratique le Do It Yourself. Ca, c’est punk. Tous les potes sont sollicités pour donner un coup de main. Chacun apporte son petit savoir-faire, depuis l’imagerie jusqu’à la production sonore.

La musique de Nick Heywood est libre et le téléchargement reste gratuit. Ca, c’est plus que punk et très généreux (9).

Justement la musique. A l’exception de "Bullseye" qui évolue dans un univers hard un peu décalé, Nick Heywood pratique un punk mélodique, choral et pressé qui correspond bien aux marqueurs du style. A ce titre, on peut estimer que le groupe flirte plus avec le punk britannique (10) qu’avec le skate-punk.

Les notes de guitare en solo apportent une légèreté bienvenue (parfois très décalée mélodiquement) qui soulage l’implacable rouleau compresseur de la section rythmique.

Le propos en revanche s’écarte des marqueurs traditionnels. Même si certains titres se montrent revendicatifs ("All Cops Are Brutal", "Dirty Hands"), il arrive fréquemment à Nick Heywood de quitter les sentiers de l’orthodoxie. Pour chanter une certaine joie de vivre ("Frogs In A Lake") et célébrer les plaisirs d’une existence indolente (comblée par quelques frites, un peu de vin, beaucoup de bière et des vapeurs de Weed). Ou encore pour poser des questions existentialistes ("What I’m Here For") plus baba cool que nihilistes.

Avec une phrase comme "Je me demande ce que je fous là si ce n’est pour l’amour", on s’éloigne de "Je veux être ton chien", "Je veux une émeute, une révolution blanche" ou "Je ne voulais pas crever dans cette bagarre" … Chacun sa bible et Dieu pour tous…

La question fondamentale reste : est-ce que l’urgence punk a encore du sens en 2023 ? Plus que jamais. Dans un monde toujours plus pauvre, plus malmené, plus injuste et plus près de son implosion, le "No Future" résonne avec une pertinence nouvelle.

Niquons joyeusement tout ça avant qu’il ne pleuve ! Surtout que les prochaines pluies pourraient être acides !

Et si le seul remède est l’amour, alors je veux bien renaître punk. A ce propos, je me demande où j’ai fourré ma veste noire en simili mité, mes Dr Martens de contrebande, mon rat apprivoisé, et mes épingles à nourrice…


(1) Comme on ne prête qu’aux riches, les encyclopédistes (qui sont aussi des rétro-contorsionnistes de première) attribueront ultérieurement la paternité de l’appellation à Lester Bangs qui a utilisé le terme dans une de ses méchantes chroniques de 1969 où il démolissait un album de MC5. Le punk des années soixante sera alors rebaptisé proto-punk pour assurer un minimum de cohérence à la temporalité rock.

(2) Je le sais bien, j’y étais. Mon premier voyage en voiture chez les gars qui roulent à gauche. J’ai visité compulsivement tous les disquaires de la capitale. Une ruine.

(3) J’abomine Malcolm McLaren.

(4) Je le sais bien, j’y étais aussi. Et j’avais été surpris de découvrir qu’au pays de la libre initiative et dans l’état même du skate-punk, les rues en pente des cités étaient déjà interdites aux skateboards. Le système comprend vite et frappe toujours là où ça fait mal.

(5) On ne peut pas taxer le gentil Eric Goulden de mauvaise foi. Il était là, à Londres, en 1977, à éructer "Reconnez Chérie" dans son petit micro. Pour Stiff Records ! Le titre compte aujourd’hui 276 pouces levés sur YouTube. Tout de même, ça fait une moyenne de six pouces levés par an… Et un type qui tripotait une Rickenbacker ne peut pas être un mauvais bougre ni un menteur. Même qu’il vient de sortir Leisureland, un album un peu garage qui évoque un quatuor formé par John, Paul, George et… Alan. Conceptuel ? Ou simplement sardonique…

(6) Ce qui laisse à penser que les quatre ne sont pas des perdreaux du jour.

(7) Les plus fragiles estimeront peut-être que le moment est bien choisi pour goûter une tisane à la passiflore. J’abonde.

(8) Toute ma vie je penserai que le recours à une langue que l’on maîtrise peu et que le public de sa cité ne comprend pas bien n’est pas la meilleure manière de diffuser son art et ses convictions.

(9) Les groupes punks encourageaient leurs fans à voler les disques dans les magasins. La gratuité épargne le risque de se faire pincer par un vigile acariâtre.

(10) Dont la maîtresse-formule était alors "Voici trois accords, il ne vous reste plus qu’à former un groupe !"

Mille mercis pour ses avis et conseils à Gabriel Buendia-Aulet, l’incollable mage punk du Hameau de Rauret ! Gabba Gabba Hey, people !


 

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