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Critique d'album

Neil Young


Rust Never Sleeps


(02/07/1979 - Reprise - Monster of rock - Genre : Rock)
Produit par

1- My My, Hey Hey (Out of the Blue) / 2- Thrasher / 3- Ride My Llama / 4- Pocahontas / 5- Sail Away / 6- Powderfinger / 7- Welfare Mothers / 8- Sedan Delivery / 9- Hey Hey, My My (Into the Black)
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Et Neil Young secoua le monde du Rock"
Guillaume , le 02/02/2023
( mots)

Pourtant fertile en augustes cathédrales du rock, la décennie seventies demeure indéniablement une des chasses gardées de Neil Young, tant par la qualité de ses disques que par leur régularité, sans oublier son statut d’égérie hippie pour toute une génération en perte de repères après la désintégration des sixties et de ses idéaux. Elle va également notifier le caractère impétueux et hardi d’un musicien hors normes n’hésitant pas à tout remettre en jeu à chaque album. Sur tous les fronts, le loner va bâtir sa légende en solo, avec le Crazy Horse et avec Crosby, Stills, Nash & Young… Rien que ça ! Il va se donner le luxe d’alterner en fonction de ses envies et de ses brouilles. Cette sainte décade débute pour lui au sein de Crosby, Stills, Nash & Young avec la parution de Déjà vu, maître étalon du rock américain, réalisé par quatre talents d’exception. Après le délicat After the Gold rush arrive le monumental Harvest : best seller country-folk d’un loner maussade, en proie à ses démons personnels qui vont finir par le ronger jusqu’à la moëlle. Cette célébrité inattendue, l’overdose de son guitariste (Danny Whitten), sa fin de relation avec Carrie vont faire plonger Young dans la nuit noire de son âme. 


Mais dépression ne rime pas forcément avec régression puisque cette période reste une des plus abouties de la carrière du loner : Times fade away, On the beach et Tonight the night sont autant d’étoiles noires dont les déflagrations se font encore ressentir ( l’éprouvante "ditch trilogy", la trilogie au fond du trou). Auquel on pourrait rajouter le grandiose Zuma, moins sombre mais certainement là où la guitare de Young atteint des sommets de puissance lyrique. Cet intense pic créatif sera suivi d’une période plus apaisée, imprégnée d’une certaine douceur (malgré le très hendrixien "Like a hurricane"). Fidèle à sa nature fougueuse, Young ne va pas se reposer sur ses lauriers bien longtemps. L’explosion du punk va agir tel un électrochoc sur la chemise à carreaux du vieux Neil. Contrairement à beaucoup de ses contemporains, le loner se remet constamment en question (coucou les Stones !), se montrant particulièrement sensible aux mutations qui bouleversent la géopolitique du rock. L’étincelle se produit sur le tournage de "Human Highway", où les zigotos de Devo "tapent le bœuf" avec Young et se mettent à ânonner l’aphorisme "Rust never sleeps". Sous le choc, le guitariste solitaire s’empare de l’idée qui va donner le titre à son prochain album. Album qui va le replacer sur le toit du rock, loué par une critique unanime.


"Rust never sleeps" ("la rouille ne dort jamais"), ce mantra absurde va devenir un mode de vie dans la bouche de Neil : la nécessité constante de se battre contre la décrépitude intellectuelle et se montrer pertinent malgré le poids des années. Ce slogan prend d’autant plus de sens qu’il est fredonné par Neil Young, considéré comme un de ces "fossiles" du rock tant décriés par la jeunesse punk. Tirée de la burlesque tournée du même nom, la majeure partie des morceaux de l’album ont été enregistrés en plein direct, accompagnés d’overdubs rajoutés en studio. Armé de sa seule guitare folk et de son harmonica, le loner commence par entonner le manifeste "Hey hey my my". Chanson-introspection sur sa place de rock star dans le monde actuel, le canadien ose édifier une passerelle entre cette jeune tête à claques de Johnny Rotten et Elvis Presley fraîchement décédé ("The king is gone but he's not forgotten this is the story of Johnny Rotten", "Le roi est parti mais on ne l’a pas oublié, voici l’histoire de Johnny Rotten"). Il fallait être sacrément téméraire pour se risquer à une telle comparaison ! Et dans le même temps, Young adoube le punk ("It's better to burn out than it is to rust", "il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu", formule réutilisée par Cobain dans sa lettre de suicide), l’intronise comme évolution naturelle du rock ("Rock and roll can never die") et l’enterre symboliquement. Cette prise de conscience de la part d’un des dinosaures du rock clôt définitivement le débat sur la mutation du rock. Bien décidé à fermer des bouches, "Thrasher" pointe du doigt les parvenus du rock : allusion à peine voilée, destinée à ses vieux compagnons Crosby, Stills et Nash ("They were just dead weight to me, better down the road without that load", "Ils étaient juste un poids mort pour moi, mieux vaut descendre la route sans cette charge"). Le coup porté fait très mal, Young donne l’impression de se justifier d’avoir abandonné ses compères à plusieurs reprises. La mélodie du titre n’en reste pas moins mémorable. Avec Dylan, Young peut se targuer d’être un des rares musiciens à pouvoir terrasser une salle pleine uniquement muni de sa guitare acoustique. Farouche défenseur de la cause indienne et pourfendeur des comportements brutaux des blancs à leurs égards, Young se fend des lumineux "Ride my llama" et "Pocahontas". Avec Rust never sleeps, le canadien atteint une sorte d’épure extatique tant au niveau de ses compositions - elles n’ont jamais été aussi simples mais elles n’ont jamais été aussi puissantes également - que par sa voix qui agit à la façon d'un baume cicatrisant sur nos blessures à vif, lui qui a tout traversé pour venir se poser en Christ thaumaturge prompt à guérir ses fidèles. La rêveuse "Sail away" est une invitation au voyage vers des contrées plus clémentes. La guitare du maître, Les douces harmonies mêlées et l’harmonica chaleureux consolent les âmes tourmentées.


Neil Young étant Neil Young, les guitares électriques et le Crazy Horse font leur fracassante apparition sur "Powderfinger", tragique épopée d’un jeune homme qui trépasse pour défendre son village ("would fade away so young", "qu’il serait parti si jeune", écho à "Hey hey my my"). Le Crazy Horse tient admirablement la baraque pour le solo incendiaire de Young. Ces décharges électriques rageuses, débraillées, trouveront une flamboyante résonance une dizaine d’années plus tard au sein de Nirvana. Dopé par ce regain d'énergie, le canadien retrouve l’énergie primale du rock et part dans un trip bruitiste (quand même traversé par quelques fulgurances mélodiques, notamment sur "Sedan delivery") histoire de montrer que les années passent sur lui comme la pluie sur les plumes du proverbial canard. Cette odyssée au pays du bruit blanc ne pouvait s’achever que d’une seule manière : "Hey hey my my" (into the black), adaptation pachydermique du titre d’ouverture. Ce son de guitare gargantuesque, gorgé de fuzz, invente le grunge en direct avec 10 ans d’avance. En dépit de ses égarements et de la bronca de la jeune piétaille rock, et au cas où on l’aurait pas compris, Young assène de nouveau que le rock ne mourra jamais. Formule prenant toute son épaisseur dans ce maelstrom d'électricité.


Album crucial dans la Geste du rock, Rust never sleeps transmet l’illustre flambeau du rock aux nouvelles générations et remet au centre des débats le sens du mot artiste : faire preuve de créativité, se renouveler constamment, continuer à avancer et ouvrir la voie pour les tendances à venir. Cet album au propos novateur accomplit le tour de force de placer le rock face à son démon le plus intime : le nombrilisme. Hélas, cet élan triomphal ne durera pas et les eighties se révèleront être un passage très épineux pour Neil Young. Mais coutumier du fait, il reviendra. Et de merveilleuse façon. Neil Young ne mourra jamais.


A écouter : "Hey hey, my my", "Thrasher", "Sail away", "Powderfinger"

Commentaires
Sebastien, le 02/02/2023 à 15:07
Neil Young, c'est le lien entre l'ère hippie, le punk et le grunge, trois des plus grandes périodes du rock. Le lien entre Jimi Hendrix, Johnny Rotten et Kurt Cobain.
SpiritOfSummer, le 02/02/2023 à 08:11
Superbe chronique pour un album légendaire !