Karfagen
Land of Green and Gold
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Aucun album de Karfagen en 2021, une surprise pour un groupe qui depuis 2019 nous avait habitué à en sortir au minimum un par an. Cette remarque est d’une réelle mauvaise foi car l’homme derrière ce projet, l’hyperactif et virtuose Antony Kalugin, a mis à profit ses talents de compositeur pour expédier une trilogie sous son propre nom (Marshamallow Moondust – 2020, Stellar Gardener – 2021, Chameleon Shapeshifter - 2021) et les deux derniers albums de Karfagen encadrent l’année 2021 de façon resserrée, entre décembre de l’année précédente (Principles and Theory of Spektra) et janvier de la suivante pour Land of Green and Gold.
Cet apport quantitatif à la scène progressive symphonique répond à la qualité indéniable de l’œuvre d’un groupe/musicien ukrainien devenu une référence du genre. Comme un écho à In the Land of Grey and Pink par son titre, Land of Green and Gold offre une fresque en trois chapitres (le dernier sous forme de faux-bonus intitulé "Land of Jazz") qui confirmera le statut de Kalugin et Karfagen.
S’ouvrant sur une belle pièce acoustico-symphonique ("Kingfisher and Dragonfly part 3"), le premier chapitre de ce nouvel opus est à la fois enraciné dans l’esthétique de Karfagen et tente des renouvellements salutaires. "Land of Green Part 1" est de prime abord assez typique du rock progressif symphonique instrumental de Karfagen, avec une guitare virtuose louvoyant entre Camel, The Flower Kings, le rock néo-progressif aérien et le Metal progressif très technique, mais le groupe se permet des divagations du côté de King Crimson (une nouveauté) ou des passages plus jazzy, encore plus marqués sur le tamisé "Land of Green Part 2" (également remarquable pour son contraste original entre l’accordéon et le solo incandescent). Le papillonnage ne s’arrête pas là, volant du côté de Saint-Saëns sur "Solis Festum" ou dans dans des contrées funky sur "Land of Green (part 3)" (auquel nous adhérons moins).
Le second mouvement, Land of Gold, commence sur un "Garden of Hope (part1)" dont les premières minutes sont beaucoup plus jazzy dans les interventions de guitare (ou parfois proches d’un Knopfler) et la rythmique chaloupée, rendant un peu plus limpide la référence à l’Ecole de Canterbury. La seconde moitié du titre est plus proche du style Karfagen traditionnel, de même que "Land of Gold" au sein duquel les touches jazzy sont plutôt à chercher du côté d’un jazz-rock-fusion type Return to Forever et consorts (qui irriguent également le "Land of Jazz" en bonus). Il s’agit du titre le plus long et le plus réussi ; il alterne des ambiances variées et propose des moments d’une grande intensité, avec de nombreux passages symphoniques tantôt modernes, tantôt marqués par Camel ou Jethro Tull, avec la fantaisie propre au groupe. Il nous embarquera même dans un univers féérique sur "Garden of Hope (part 2)", à proximité de l’ile au dragon.
Le parallèle n’est pas anodin : Karfagen propose peut-être l’album le plus réussi depuis Echoes from Within the Dragon Island (2019), un peu moins redonnant et atmosphérique que ses prédécesseurs. Les nouvelles influences puisées vers le jazz ainsi que les belles constructions dans les pièces aventureuses permettent d’aboutir à Land of Green and Gold placé au rang des meilleurs albums du groupe.
A écouter : "Land of Gold", "Land of Green Part 1"