Jethro Tull
Broadsword and the Beast
Produit par Paul Samwell Smith
1- Beastie / 2- Clasp / 3- Fallen on Hard Times / 4- Flying Colours / 5- Slow Marching Band / 6- Broadsword / 7- Pussy Willow / 8- Watching Me Watching You / 9- Seal Driver / 10- Cheerio
Il y avait longtemps que Jethro Tull n’avait pas proposé une aussi belle pochette, parole d’un amateur particulièrement attaché à cet aspect quand il aborde un album. On envisage déjà le petit monde des korrigans et autres farfadets avec un Ian Anderson transposé en fée maléfique et lourdement armée, derrière une mer déchainée et encadré par des runes issues de l’univers de Tolkien.
Après un A (1980) qui mettait en avant les synthés, le hard-rock, sans complétement abandonner la touche tullienne, on aurait pu croire à un retour aux sources folkloriques et progressives, un voyage au milieu des contes féériques et des forets mystérieuses …
Hélas, ce ne fut pas la direction que le duo Anderson/Barre comptait emprunter … Accompagnés par Dave Pegg à la basse, Peter John-Vettese aux claviers et Gerry Conway à la batterie, ils enregistrent un Broadsword and the Beast, quatorzième album studio, dans la lignée de son prédécesseur, baignant encore et toujours dans les années 1980 les moins raffinées.
En voulant épargner le bébé avant de siphonner l’eau du bain (référence à la fée Anderson et à la Manche en arrière-fond sur la pochette), on s’appliquera à sauver quelques compositions du naufrage. Malgré l’affluence de synthés et les "Beastie" un peu lourds sur le refrain, "Beastie" est un titre hard-rock plutôt attachant avec des mélodies typiques du groupe (par certains aspects, surtout grâce à son très bon solo, "Seal Driver" est du même acabit). "Fallen on Hard Times" parvient à associer sons synthétiques et folk tullien de façon plutôt convaincante, de même que l’introduction du bon "Pussy Willow" sur lequel on notera un jeu à la Knopfler avant l’heure (et surtout avant les albums de la fin des 1980’s qui feront souvent penser à Dire Straits). Plus encore, "Broadsword" est vraiment épique avec ses nappes de synthés et sa rythmique militaire, Anderson y fait une belle prestation au chant, tandis que Barre pousse des lignes de guitare pour appuyer la montée en puissance. Le final - très bref - "Cheerio", est agréable et referme bien l’opus.
Siphonnons maintenant. Les premiers remous arrivent avec "Claps" qui veut mélanger folk et claviers avec des effets invasifs, mais on est loin d’un "Flying Colours" complétement FM et sans âme – là on se rapproche de la compromission … Le délire complétement synthétique de "Watching Me Watching You" prouve que cette nouvelle esthétique n’était pas une bonne idée (même si ce n’est pas un désastre), mais la solution ne se trouve du côté de l’excès de mièvrerie ("Slow Marching Band").
Broadsword and The Beast ne répond donc pas aux attentes que laissait espérer sa pochette. Dans la lignée synthétique de son prédécesseur, il propose quelques titres honnêtes sans être bouleversants, et aligne des moments de perdition. Mais ne soyons pas trop sévère, le pire est bel et bien à venir et se tapit dans l’ombre, emmitouflé …
P.S. De façon complétement incongrue, les meilleurs morceaux se trouvent en bonus dans l’édition de 2005 et nous conseillerons d’écouter l’excellent titre celtique "Mayhem Maybe" ainsi que le folk mélancolique "Jack A Lynn". Du Jethro Tull flamboyant.
A écouter : "Broadsword", "Fallen on Hard Times", "Pussy Willow"