J’attends ce disque depuis un moment maintenant. Le label Teenage Menopause ayant la démarche de ne presser que cinq cent exemplaires de chacun de leur premier tirage, j’ai la peur d’arriver après la bataille, peur d’avoir encore raté sur le fil quelque chose que je pouvais sentir devenir gros. Alors je passe mon temps à traîner sur le bandcamp du label à écouter en boucle les boucles de ce disque qui me filent des frissons glacés et me confirment dans l’idée que la boîte à rythme a vraiment un charme qu’aucun batteur ne saurait avoir. A part peut être celui de Bauhaus.
Pout tout dire, j’écoutais le split
Besoin Dead / Jessica 93 il y a de ça quelques semaines en me disant qu’elles étaient quand même vraiment bien ces deux formations de Seine-Saint-Denis. Et forcément un morceau qui porte le nom d’un des meilleurs personnages de série de tous les temps, ça met en bonne condition pour l’écoute - Omar Little de The Wire
pour ceux qui voudraient savoir. Et puis par le biais de la magie du net et tous ces liens qui s’entremêlent, voici qu’on apprend qu’un premier long format de
Jessica 93 vient de sortir des limbes, tout frais, à peine mis sous blister. A peine le temps d’appuyer sur play que "Away" te prend aux tripes sous ses vagues de percussions froides et réverbées et cette guitare anémique et irrésistible. La basse ronfle, t’appelle au déhanché, le coup de
gong
retentit et tu peux être sur que ça ne te lâchera plus le long des 8:23 minutes.
Pas d’accalmie ou le temps de l’intro de "Origines" à la limite, mais la ligne de basse est bien trop vicieuse pour te foutre réellement la paix. Ce chant lancinant qui remue le ventre, les quelques bribes de paroles que tu chopes au passage dans un premier temps puis qui s’inscrivent bien profond dans ton crâne à la longue, tout converge vers ce qui doit invariablement arriver. "Poison", le morceau qui tue, tout bonnement. Pop angoissée, sinueuse et écrasante de tension dans le ton monocorde et suspendu de sa fin de refrain, allumant toute la lumière blafarde que peut encore receler un titre de cold wave en 2013. Ca se diffuse à chaque battement, roule dans tes veines, remonte jusqu’aux tempes et ne s’en ira qu’à la toute fin du disque si jamais tu n’as pas l’envie de le relancer une deuxième fois. Sentiment étrange de cœur serré, déconseillé aux claustrophobes peut être. Et éviter le café avant de l’écouter.
A peine le temps d’en faire le tour, on voit d’un coup le truc vanté partout chez la presse indé’ et tout ça sous un nom évocateur de ce que les blogs ont permis de plus exhibitionniste depuis l’avènement du net plus ultra. Inspiré des brouillards synthétiques des eighties sans même en frôler les écueils du mauvais plagiat et contenu dans une sphère sonore dense où l’on voit souvent les murs se rapprocher, Who Cares est une bombe qui fait son effet et ne présage que du bon, bien loin du « trop poli pour être honnête ». Tu cherchais le disque qui allait enfin te sortir de la mièvrerie estivale, de son trop plein de soleil et de ses couleurs sucrées pour te ramener dans les contrées pluvieuses de l’automne et des clopes fumées sous la capuche et le ciel gris ? Il est là, hypnotique, cardiaque et tamponné du label « disque de l’année », sans broncher. Et il est déjà sold out.
En tournée de octobre à novembre à travers l’Hexagone. Allez jeter un œil aux dates.
Jessica 93 - Away