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Critique d'album

JB Dunckel & Jonathan Fitoussi


Mirages II


(07/03/2025 - - Electro Pop Rock - Genre : Pop Rock)
Produit par JB Dunckel & Jonathan Fitoussi

Note de /5
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Note de 2.5/5 pour cet album
"Nous sommes tous des ondes sonores ralenties, un faisceau ambulant de fréquences syntonisées dans le cosmos."
Daniel, le 03/03/2025
( mots)


Préambule

Je compte Le voyage dans la Lune (2012) de Air parmi mes albums de chevet. Quand je discute de terminologie avec un petit rocker, je le prends comme exemple de ce que peut être une musique narrative remarquablement orchestrée.

Fin du préambule.

Art

L’appréciation d’une démarche artistique est vraiment une question de subjectivité ultime.

Gare I

Il y a quelques mois, je me trouvais sur le quai d’une gare de l’architecte fou Santiago Calatrava. J’adore vraiment l’architecture lorsqu’elle pose question. Et, ici, la question reste simple : pourquoi les trains sont-ils autorisés à circuler dans un endroit aussi remarquable et aussi extravagamment coûteux ? Un train, c’est bruyant ; les wagons sont laids, couverts de graffitis et remplis de gens pressés qui ne sont pas contents d’être là.

En résumé, l’œuvre de Santiago Calatrava serait bien plus belle si elle n’était pas raccordée au réseau ferroviaire.

Cerise sur le gâteau, la gare en question avait été confiée aux excellents soins de Daniel Buren. Daniel Buren est également complètement fou. Il avait imaginé ici une installation délirante composée de panneaux vivement colorés apposés sur l’immense verrière faîtière de la station. En fonction des caprices du soleil et des nuages, les quais étaient inondés de couleurs variées aux contours géométriques sans cesse changeants. Abstraction pure.

J’étais perdu dans cette observation qui me laissait bouche bée lorsque j’ai pris conscience du fait que les centaines d’humains qui couraient en tous sens autour de moi n’en avaient strictement rien à battre, occupés qu’ils étaient pour la plupart à se bousculer en surveillant l’écran de leur smartphone.

Subjectivité ultime.

Parce que, parmi ces voyageurs en transit, il devait pourtant y en avoir un grand nombre qui ne rechignerait pas à l’idée de débourser quelques précieux billets pour aller "voir" La Joconde durant quelques secondes dans son musée parisien. Et pour la photographier en cachette avec leur smartphone afin d’enrichir le précieux "fil" de leurs réseaux sociaux préférés (1).

La musique électronique instrumentale pose (à peu près) la même question élémentaire qu’une gare de Santiago Calatrava enluminée par Daniel Buren : pourquoi si peu d’humains l’entendent-ils ?

Mystère rock à nouveau…

Abstraction(s)

On sait que la musique électroacoustique trouve ses origines en France, grâce aux travaux de Pierre Schaeffer. Par contre, on sait aussi que la première œuvre "grand public" reste la bande originale du film Forbidden Planet (1956) du couple américain Louis et Bébé Barron.

Pendant des années, la musique électronique a été assimilée à la modernité ou au "futur".  Lorsque un groupe rock voulait évoquer des mondes à venir ou des explorations intersidérales, il empruntait ce mode d’expression, que ce soit à titre de simples enluminures sonores ou comme principale base créative.

Par conséquent, pratiquer aujourd’hui ce genre de musique "à la Kraftwerk" (pour résumer le plus bêtement possible) relève du futurisme vintage. D’autant plus que Dunkel & Fitoussi recourent également à des instruments physiques (guitare, batterie), ce qui fait que leur style musical est un métissage entre des sons synthétiques rétro-futuristes et des sons "organiques" à l’ancienne (2).

Bref, Mirages II réserve une suite à Mirages (2019).

Sous une pochette qui est absolument parfaite (3), l’album propose, selon le dossier de presse, un "voyage" au gré de huit instrumentaux. Le terme "voyage" est probablement exagéré. Parce qu'il n'y a pas "transport". Il ne faut pas s’attendre à l’exploration de confins interdits ou de galaxies lointaines. Mirages II ressemble plutôt à une petite promenade, comme ces quelques pas comptés dans le jardin que l’on accorde à un parent âgé après un repas de famille. Ce qui peut être agréable.

Dunkel & Fitoussi pratiquent un art conceptuel minimaliste (par instant, certains sons sont même très surannés) et caractérisé par une absence un peu dérangeante de prise de risque.

Brian Eno, que l’on ne peut taxer d’incompétence quand on évoque la musique dite "ambient", expliquait que celle-ci devait être certes "discrète" (la case est bien cochée) mais aussi "intéressante" (ici, la case n’est pas vraiment cochée).  

Évidemment, on en revient toujours à ces querelles interpellantes si bien mises en mots par Yasmina Reza. Est-ce qu’une peinture d’un blanc monochrome est une peinture ? Est-ce que le tableau est à l’endroit ou à l’envers ? Est-ce qu’il a un prix ? Est-ce ou non de l’Art ?

Roulement de tambour.

Je n’en sais rien du tout...

A titre strictement personnel – et en revendiquant mon statut d’ignare vaguement "gonzo" –,  j’aurais ici tendance à me rallier à l’avis de ceux qui attendent d’une œuvre musicale qu’à tout le moins elle "interpelle", qu’elle "interroge", qu’elle fasse montre d’une "intention".

Qu’elle soit "intéressante", pour en revenir à Brian Eno.

A défaut, et malgré mon immense intérêt pour la musique électronique, on entre dans la logique du Général George Owen Squier qui, au départ des mots "musique" et "Kodak", avait conçu la Muzak en 1920. Dans l’esprit du militaire (et il a fait florès), la Muzak était une association fonctionnelle de notes et de mélodies rassurantes (souvent des standards réarrangés), mais sans potentiel émotionnel ni finalité artistique ou narrative.

Sans émotion. Sans art.

Mais, sans émotion, pas d’art ?

Au même titre qu’une peinture sans peinture peut être considérée comme une forme d’art (4), une musique simplement fonctionnelle peut évidemment s’avérer intrigante ou agréable. Dans cette optique, s’ils sont sortis de leur contexte, deux jolis titres de Mirages II, comme le sont "Ghost Town" et "Atlantica", ont certainement leur part d’intérêt et de mystère. Mais ils sont un peu perdus dans un ensemble qui ressemble souvent à un électroencéphalogramme de sommeil  profond.

Il y a "activité" (ralentie) mais il n’y a pas d’émotion(s) sensible(s).

Ceci dit, sachant qu’un mirage n’est qu’une simple illusion, il y a tout de même une forme de cohérence entre mon ressenti et le titre de l’album. Mais il me coûte vraiment d’écrire à quel point Mirages II m’a déçu. Comme une gare de Santiago Calatrava sans les couleurs de Daniel Buren. Ou les couleurs de Daniel Buren sans la lumière du soleil pour éclabousser les quais de la gare de Santiago Calatrava.

Chacun trouvera la formule qui lui sied.

Gare II

Quant au voyageur pressé, il filera d’un quai à un autre quai, à la recherche d’un train qui, sans émotion, produira un bruit sans finalité artistique en tractant des wagons enlaidis par des tags pourris.

Putain de vie…

Sniff.

 
(1) Et les centaines d’amis virtuels répondront par "pouce levé", "sourire", "cœur avec les doigts", "Wow", "WTF", "OMG !" ou autre avant de passer vite à autre activités encore plus intéressante.

(2) Le procédé n’est vraiment pas neuf. Un bel exemple dont je conseille l’écoute est l’album tardif Cyclone (1978) de Tangerine Dream.

(3) Officier de l’ordre des Arts et des Lettres, Xavier Veilhan est un artiste phénoménal. Je ne suis pas jaloux par nature mais j’envie la France d’avoir des gugusses pareils dans son hexagone. C’est dit. Bon, la Belgique a Eddy Merckx...

(4) Et je radote avec plaisir en rappelant à quel point j’adore l’art pauvre. Viva Manzoni ! 

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