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Critique d'album

Black Sabbath


Sabotage


(28/07/1975 - Warner Bros. Records - Classical Heavy - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- Hole In The Sky / 2- Don't Start (Too Late) / 3- Symptom Of The Universe / 4- Meglomania / 5- The Thrill Of It All / 6- Supertzar / 7- Am I Going Insane (Radio) / 8- The Writ
Note de 4.5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Le début de la fin pour le Sab', certes, mais de grandes choses encore."
Pierre D, le 24/05/2013
( mots)

Comment aborder Sabotage en 2013? Loué à sa sortie en 1975, il est aujourd'hui considéré par beaucoup comme le début de la fin pour Black Sabbath. On parle tout de même d'un groupe qui vient de poser à lui tout seul les jalons d'un genre musical: le metal. Alors forcément, la première baisse de régime apparaît rétrospectivement comme fatale, d'autant qu'effectivement, Black Sabbath ne se relèvera jamais vraiment et ne produira plus de nouveau chef-d'œuvre (et les premiers extraits de 13 ne semblent pas contredire ce constat). Alors on en fait quoi de ce mal-aimé Sabotage?

Il faut d'abord se souvenir que Black Sabbath n'a de toute manière jamais bénéficié du soutien de la critique à l'époque. Même Lester Bangs (qu'il serait bon de réévaluer à la baisse, mais c'est une autre histoire) n'entend pas grand-chose d'émoustillant lorsqu'il se charge de Black Sabbath pour Rolling Stone: "recitations of Cream clichés that sound like the musicians learned them out of a book, grinding on and on with dogged persistence". Aujourd'hui encore le groupe n'est pas vraiment la tasse de thé des esthètes. Led Zeppelin paraît malin et violent tandis que le Sab' passe pour une bande d'analphabètes juste bons à dégueuler un satanisme encore plus misérable que les élucubrations de Jimmy Page à propos d'Aleister Crowley. Pour autant, le succès commercial est au rendez-vous dès le premier album homonyme et c'est aujourd'hui à l'aune du heavy metal, un courant qu'il a forgé, qu'on évalue l'œuvre de Black Sabbath.
En 1975 la clique de Tony Iommi est sur le toit du monde. Des ventes considérables, beaucoup de drogues, et même les critiques s'enthousiasment un tant soit peu pour Sabbath Bloody Sabbath, ce qui permet au groupe de se lancer dans une tournée mondiale où il côtoie Deep Purple, Eagles ou encore Emerson, Lake And Palmer (autres temps, autres mœurs). Et Iommi a un plan, comme toujours. Inutile de croire qu'un groupe de rock peut durer sans avoir dans ses rangs une personne disposant d'une réelle vision à long terme permettant de garder le cap du navire autrement coulé par ses camarades de jeu. Les Mick Jagger, Tony Iommi et Lars Ulrich de ce monde permettent aux formations de s'inscrire dans la durée. Pour le guitariste amputé, pas question de continuer à aller plus loin dans la sophistication en étoffant le son du groupe à grands renforts de claviers et de technicité, il considère avoir fait le tour de la question avec Sabbath Bloody Sabbath (sur lequel joue Rick Wakeman, claviériste du groupe de rock progressif Yes). "We took a look at ourselves, and we wanted to do a rock album – "Sabbath, Bloody Sabbath" wasn't a rock album, really".

Et pour un tel retour aux fondamentaux, Black Sabbath balance d'entrée de jeu sa parodie grinçante du "Immigrant Song" de Led Zeppelin sorti 5 ans plus tôt. Le riff principal de "Hole In The Sky" est pompé sans vergogne sur la chanson du Zeppelin mais qu'à cela ne tienne, le tempo a ralenti et le ton conquérant de l'hymne au Marteau des Dieux a été remplacé par les terreurs du bassiste Geezer Butler braillées par Ozzy Osbourne. Contrairement à ce que semble avoir retenu la frange la moins futée du heavy metal, l'univers de Black Sabbath n'est pas fait de satanisme (en concert Iommi arbore une croix des plus visibles autour du cou), de sacrifices de colombes ou d'adoration occulte. Black Sabbath c'est avant tout une paranoïa qui suinte au travers de la gorge d'Osbourne. "War Pigs" c'est la terreur devant le bourbier vietnamien. "Hole In The Sky" reprend les accents bibliques des porcs de guerre et expose des visions apocalyptiques pas si éloignées de celle de Bob Dylan sur "A Hard Rain's-Gonna-A-Fall": "I've watched the dogs of war enjoying their feast/I've seen the western world go down in the east". Les hurlements d'Ozzy, ce n'est pas un petit Anglais aux cheveux trop longs qui joue à faire peur à sa grand-mère, c'est la peur primale face au monde.
Car en 1975 les temps ne sont plus en train de changer, c'est déjà fait, du moins à l'échelle microscopique de la pop. Sauf que les choses ne sont pas si simples. On a coutume de marquer la fin de l'idylle sixties avec Altamont et Charles Manson en 1969. Là, apparemment, tout changerait. Les drogues, les gens, la musique, les...vibrations. Grâce à ce paradigme commode, chacun peut se dire que Black Sabbath n'est que le rejeton dégénéré de la pureté blues zeppelinienne, une horde de décérébrés qui plaisent aux garçons qui ne rencontrent pas assez de filles. Mais le Sab' est au contraire un pur produit des années 60 et de l'ère hippie en particulier. Il suffit de voir Tony Iommi jouer avec Jethro Tull sur la vidéo du show télévisé The Rolling Stones Rock and Roll Circus pour se dire que le grand maître de la lourdeur métallique se rêvait peut-être en suiveur du joueur de flûte. Ecouter Black Sabbath c'est se prendre dans la tronche des soli et des changements de rythmes qui structurent des compositions alambiquées finalement très proches du rock progressif. "Iron Man" sur Paranoid enchaîne les breaks, les soli et les ponts à une vitesse folle et la seule chose qui différencie alors Black Sabbath des autres groupes officiant dans ce qu'on appellera bientôt le hard rock, c'est un son. Le groupe invente le son du metal et pour cela il est à jamais banni des encyclopédies du bon goût.

Mais comme le bon goût c'est chiant, rien n'empêche d'apprécier Sabotage pour ce qu'il a à offrir, soit moins que les précédents disques du Sab'. Si l'opprobre n'est pas justifiée, on trouve tout de même moins à se satisfaire là-dessus qu'avec un Masters Of Reality. La faute d'abord à des synthétiseurs baveux sur "Thrill Of It All". Iommi parlait d'un retour à ses fondamentaux rock mais il y a ici des choses assez laides, des claviers épiques un peu crasseux dans lesquels s'embourbe le titre, faute d'ossature assez solide fournie, au hasard, par un riff plus accrocheur que celui-ci.
En réalité la totalité de la 2e face de Sabotage est ratée. Paresse? Manque d'inspiration? Surplus de dope ramollissant la cervelle? Toujours est-il que "Supertzar", en plus d'un titre complètement débile, porte le fardeau d'une trop grande confiance en soi de Tony Iommi, principal architecte des chansons du groupe. L'idée de départ n'était pas stupide: faire s'accoupler les riffs d'outre-tombe du Sab' rehaussés par quelques crissement de cymbales avec la chorale English Chamber Choir pour un résultat très flippant où les voix sortent d'un cercueil. Sauf que cette bonne idée en reste à son postulat et n'est jamais développée. Et le pauvre "Supertzar" tourne tout entier autour de ce mince fil. Décevant, de la part de gens qui, 2 ans plus tôt, pondaient "A National Acrobat". Dans l'excès inverse "The Writ" étale la musicalité si particulière du groupe sur 8 min 45 et c'est assurément trop. La chanson se perd dans ses propres méandres, incapable qu'elle est de maintenir une cohérence entre les envolées lyriques sur fond de guitare acoustique, avec Ozzy qui drague l'auditeur comme il n'oserait même pas aborder une groupie à 7h du matin, et les tentatives d'agressivité qui tombent à plat.

Que reste-t-il alors? Des choses fondatrices. Contrairement aux légendes des années 60, les étoiles seventies ont pâli plutôt lentement. Impossible d'écouter The Kinks passé Arthur (Or the Decline and Fall of the British Empire) ou The Who dès Tommy. Dans les années 70 les carrières sont plus longues, peut-être cherche-t-on à moins s'essouffler, en tous cas Sabotage, bien que largement en-deçà de ses prédécesseurs, recèle des joyaux. On a déjà parlé de "Hole In The Sky", il faut aussi citer "Megalomania" qui signe la réapparition de Geezer Butler dans les esgourdes des auditeurs. Passé Black Sabbath et son "N.I.B." fondateur de la basse telle qu'elle se pratiquera dans n'importe quel genre alliant lourdeur et groove, on n'avait plus eu de nouvelles du génial bassiste. Capable de suivre les accordages de Tony Iommi sans se départir d'une élasticité en parfait contrepoint à la rigidité du toucher du guitariste, Butler s'était retrouvé enterré dans la production des albums allant de Paranoid à Sabbath Bloody Sabbath. Il resplendit ici à nouveau, faisant la nique à toute la production métallique à venir où la compression maximum du son sera de mise, pour un rendu souvent sec et brouillon. Sur "Megalomania" les graves respirent à leur aise. La voix d'Ozzy sort du brouillard, triturée à l'écho et tordue par les effets de production. Loin du purisme blues dont bénéficie Robert Plant, l'organe d'Osbourne est traité comme il le mérite, à savoir comme un simple instrument qu'on peut distordre, malaxer et recracher, toujours au service de la chanson. Le Sab' prend son temps pendant 3 longues minutes avant de dégainer un riff ultime comme il en a sorti plusieurs dans sa carrière. Le riff mégalomane en question, nul doute que Metallica l'a potassé pour écrire la 2e partie de "Fade To Black". Osbourne vomit un timbre rauque qu'on ne lui connaissait pas tandis que Bill Ward martèle le temps sans génie mais avec une implacabilité glaçante. Le riff tranchant se fait de plus en plus gluant au fur et à mesure que le titre avance et vire à l'obsessionnel avant de s'éteindre en se traînant.
"Symptom Of The Universe" appartient à la grande œuvre de Black Sabbath. Il y a là une richesse telle qu'un groupe lambda aurait besoin d'un album pour dire ce que Black Sabbath exprime ici en 6 minutes. Ça débute comme une charge de mammouth où la basse de Butler gronde comme jamais. Ozzy éructe comme un damné, la bave aux lèvres, entre deux breaks de batterie surpuissants avant que la guitare sonne la charge avec un riff supersonique (pour du Black Sabbath s'entend) totalement surprenant par sa vitesse, d'une vélocité insoupçonnable chez Iommi. Tout s'emballe et un solo plus tard l'heure est déjà aux entrelacs de guitares acoustiques cristallines. Puissant et subtil, terrifiant et apaisant, Black Sabbath dans toute sa splendeur.

Même sur cet album qui marque le début de la fin pour le groupe, il reste de grandes choses qui nourriront le heavy metal alors en gestation. Mais pour une fois on ne conseillera pas le vinyle, la faute à une pochette immonde, comme à peu près toutes les illustrations de Black Sabbath, à la possible exception du premier album qui se tient dans le genre gothique pré pubère.

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