Banco Del Mutuo Soccorso

Banco del Mutuo Soccorso devait marquer au fer rouge l’année 2022. En effet, les pionniers du rock progressif italien fêtaient les cinquante ans de leur premier album éponyme, un opus aussi excellent qu’historique qui se hisse parmi les plus grandes œuvres produites dans la Botte. Comme son prédécesseur paru en 2019, le très recommandable Transiberiana, Orlando: Le Forme dell’Amore reprend la tirelire (ou salvadanaio) sur sa pochette et l’ambition de produire un concept-album. Cette fois-ci, c’est un poème épique du XVIème siècle écrit par Ludovico Ariosto, Orlando Furioso, qui sert de base à leur album. Une histoire d’amour impossible sous fond de conflits entre Francs et Sarrasins qui sert de prétexte pour déployer des variations autour du thème de l’amour et une réflexion plus profonde sur les violences de nos sociétés dont la Méditerranée est le théâtre séculaire.

La fresque nous accueille tendrement avec "Proemio" qui bascule sur le plus inattendu "La Pianura Rossa", titre progressif à cheval entre le jazz, le hard-rock, le prog’ typé ELP et la Zeuhl. Il témoigne de l’extrême diversité de l’album qui parvient pourtant à dérouler un récit cohérent et bien articulé, et de la qualité du chant de Tony d’Alessio dont la puissance et la maitrise de registres variés parviennent à atténuer les regrets de l’absence de feu Di Giacomo. Le chanteur n’est pas le seul à briller tant les musiciens affichent un niveau et une inspiration remarquables. On évoquera les quelques démonstrations de virtuosité dignes du Metal progressif sur "Il Paladino", la finesse du final au piano de "La Maldicenza", le saxophone hurleur de "Non Credere Alla Luna", ou la seule longue pièce de l’album, "Moon Suite", qui prouve que la formation est encore capable d’un tel exercice.

Comme sur Transiberiana, Banco n’a pas hésité à moderniser son propos, même sur les titres lez plus calibrés RPI ("Le Anime Deserte del Mondo", "Cadere O Volare") ou néo-progressifs  ("Cosa Vuol Dire Per Sempre"). L’adoption de sonorités électroniques ("Non Serve Tremare"), d’un minimalisme et des modifications vocales ("L’Isola Felice"), puis leur association avec une instrumentation plus classique sont réalisées avec brio et le groupe parvient ainsi à donner une cure de jouvence à sa musique.

De plus, la longueur de l’opus est très bien gérée grâce aux pérégrinations esthétiques entreprises au court du récit : on notera le pont funky de "Cadere O Volare", la ballade mélancolique "L’Amore Accade", et le magistral tango progressif développé sur le couple "Serve Orlando Adesso"/"Non Mi Spaventa Più l’Amore" qui maintient pourtant la touche RPI.

Parmi les vétérans de la scène progressive italienne, Banco del Mutuo Soccorso est probablement la plus inventive, l’une des rares capables à mettre au monde des albums d’une telle qualité. Cinquante ans après l’âge d’or du RPI, la flamme reste vivace et les fondateurs demeurent des bâtisseurs.

À écouter : "Serve Orlando Adesso"/"Non Mi Spaventa Più l’Amore", "Non Serve Tremare", "Non Credere Alla Luna", "Cosa Vuol Dire Per Sempre"