Acqua Fragile

L’un des principaux intérêts du Rock progressif italien (RPI) vient de ses spécificités locales, qu’il s’agisse de touches esthétiques spécifiques (forte inspiration classique, emprunts aux musiques traditionnelles de la Botte) et surtout de l’utilisation de la langue vernaculaire. Pour percer les marchés européen et américain, certains groupes dont les plus grands (Le Orme, PFM, Banco) ont réalisé des adaptations de leurs albums dans la langue de Shakespeare, la plupart du temps aidés par des professionnels comme Peter Hammill (Le Orme) ou Peter Sinfield (PFM). D’autres ont immédiatement choisi de produire une musique avec un chant anglophone : les plus fameux sont The Trip, mais il existe d’autres exemples comme Acqua Fragile.

Anciennement appelé Gli Immortali, le groupe de Parme devient Acqua Fragile à l’initiative du producteur Franco Mamone quand celui-ci décide de les prendre sous son aile, conseillé par la formation phare de son catalogue, PFM. C’est ainsi qu’en 1973, Acqua Fragile parvient à enregistrer un premier album éponyme.

Non content de chanter anglais, Acqua Fragile est en plus une imitation-medley du rock progressif britannique. On sait que les grands noms de la scène anglaise ont eu une influence décisive sur la production italienne, mais dans le cas présent, l’album est si référencé qu’on peine à trouver la moindre originalité. 

Ainsi, de nombreuses pièces ont pour base Genesis, avec lesquels la ressemblance est facilitée par le chant de Lanzetti qui évoque fortement à celui de Peter Gabriel, à laquelle ils ajoutent quelques touches yessiennes lors de certains passages instrumentaux et ponts mystiques : "Morning Comes", "Song from a Picture", "Education Story" avec une première partie plus Heavy et un pont très inspiré par Yes. C’est chez ces derniers qu’Acqua Fragile est allé chercher la pièce acoustique "Science Fiction Suite", dans la droite lignée d’"I’ve Seen All Good People", bien plus réussie que le douteux "Going Out" où le chant pèche. Le groupe pioche aussi chez Gentle Giant pour proposer une musique plus alambiquée où le contrepoint et le chant hurlé sont rois ("Comic Strips"). Placé en fin d’album, "Three Hands Man' est peut-être la pièce la plus originale et le seul véritable titre à tiroir de l’opus, même si le modèle de Genesis reste prépondérant.

Globalement, c’est plutôt bien fait, notamment les deux titres les plus longs qui encadrent l’album. On saura apprécier la qualité de l’interprétation tout en déplorant son manque, plus que cruel, d’imagination qui leur ouvrit néanmoins les portes de premières parties prestigieuses pour les groupes britanniques qui les ont inspirés. Acqua Fragile peut surtout remercier PFM d’avoir été un chaperon efficace, si bien que le chanteur Bernardo Lanzetti finira par rejoindre le grand nom de la scène italienne entre 1975 et 1977.

À écouter : "Morning Comes", "Three Hands Man"