↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Blue Deal


Can't Kill Me Twice


(24/05/2024 - - - Genre : Autres)
Produit par

1- Short Time Runner / 2- Can't Kill Me Twice / 3- Hard Times / 4- Gilded Cage / 5- Seen to Be Believed / 6- Favorite Mistake / 7- Got 2 Go / 8- Bluecata / 9- 1942 / 10- Stand By / 11- Over
Note de 5/5
Vous aussi, notez cet album ! (8 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.0/5 pour cet album
"Petit chaperon rouge, comme tu es charmante ! Tu es vraiment tout ce qu’un grand méchant loup peut désirer. Wouhouououou ! Ronald Blackwell"
Daniel, le 28/05/2024
( mots)


En extrême résumé (pour ceux et celles qui n’ont pas le temps)

Blue Deal est un quatuor de la Forêt Noire.

Avec ça, tout est dit. Il y a le bleu du blues. Il y a le deal (passé avec le Malin). Il y a quatre musiciens. Et une forêt encore plus sombre qu’il n’y paraît.

Le reste n’est que littérature et est réservé à ceux et celles qui ont cinq minutes à tuer.

Le rouge est mis

La Forêt Noire est le théâtre des pires contes jamais écrits pour terroriser les enfants. Quand ce ne sont pas des sorcières qui dévorent des petits grassouillets, ce sont des loups qui font subir les ultimes outrages à des fillettes prépubères symboliquement costumées de rouge (1).

Il était inévitable qu’un jour ou l’autre un homme chapeauté et vêtu de noir y enseigne les mystères du blues à quatre musiciens égarés. En échange de leurs âmes désormais damnées...

Mais tant d’obscurité se devait d’être allégée par un peu de second degré. C’est qu’il faut être un mort vivant (2) pour titrer son deuxième album Tu ne peux pas me tuer deux fois.

Retour au bleu

A priori, le blues est une musique potentiellement accessible à tous ceux et celles qui savent compter jusqu’à douze (3).

Il faut idéalement penser très fort à une misère particulièrement douloureuse (un vrai blues se pleurniche toujours en "je"). L’étape suivante consiste à choisir une tonalité de base (comme un Mi, le plus classique). Les lyrics débutent lentement par "Je me suis levé.e ce matin" puis se  développent en mode chagrin tout au long des douze mesures réglementaires : Mi / Mi / Mi / Mi / La / La / Mi / Mi / Si / La / Mi / Si.

Quand c’est fini, on reprend au début.

Il reste alors à tricoter des gammes pentatoniques (4) sur les six cordes de sa guitare ou à souffloter des notes rachitiques dans un harmonica accordé à la quinte en La. Idéalement, il est bon d’affecter un air torturé.

Les thèmes récurrents du blues sont "mon amour est parti.e", "mon amour est revenu.e" (ça peut également être une épreuve terrible), "mon chien est mort", "il n’y a plus de bière", "je me casse (en train,  en voiture, à cheval ou à pied)".

Tout ça paraît aussi simple à fouetter qu’une mayonnaise maison, mais le moindre détail peut faire foirer une mayonnaise maison. C’est pour ça que tant de saloperies industrielles encombrent les rayons des supermarchés.

Quatre bluesmen féroces

En tant que musicien très besogneux, je me suis toujours demandé quelle impression ça pouvait bien faire de travailler avec un véritable artiste à la guitare. Un vrai. J’ai croisé une sacrée noria de branleurs de manches qui s’obstinent à réciter éternellement les mêmes sacro-saintes notes. Je pensais être devenu insensible à de nouvelles sonorités bleues.

Tom Vela est un extraterrestre. Je me demande même s’il en a bien conscience. Parce que personne n’expliquera sans doute jamais comment son enveloppe corporelle vit à 8.000 kilomètres du Mississipi, là où sont les racines et l’esprit de son art.

Même quand il en fait un peu trop (5), Tom Vela, en rythmique ou en dérapage solo, conserve une retenue de gentleman, comme s’il ne voulait jamais accaparer l’attention. C’est la marque des grands.

Son toucher de corde est d’une sensibilité qui évoque, sans risque d’erreur, l’immense Stevie Ray Vaughan dans ce qu’il avait de meilleur (6). La parenté est stupéfiante sur "Seen To Be Believed".

Ce qui est fantastique avec Blue Deal, c’est que, sans avoir l’air d’y toucher non plus, la section rythmique (Martin Bürger à la basse et Jürgen Schneckenbürger à la batterie) est absolument sans faille, tant dans les rythmes lents que dans les cavalcades. La route est tracée. Bien droite et sur des fondations solides. Elle inspire confiance et laisse toute liberté au soliste pour exprimer ses délires.

Puis il y a Joe Fischer et sa gueule pas possible d’outlaw qu’aucun shériff n’a pu appréhender. Lui, il a clairement fait les 8.000 bornes à pied et chaque pas a dû lui en coûter (même si, délicate élégance du bluesman, le pli du repassage reste marqué sur les manches de sa chemise blanche). Ses cordes vocales, burinée à la poussière du désert puis rincées au Jack Daniel’s de contrebande excellent dans un registre qui flirte avec un Billy Gibbons en moins paillard ou (si l’on exagère un peu comme savent le faire les attachés de presse) un Paul Rodgers légèrement étouffé. Cerise sur le gâteau, Joe Fisher pratique l’harmonica et les claviers vintage avec un rare sens de l’à-propos.

Qu’il déboule pied au plancher ("Short Time Runner", "Favorite Mistake", "Stand By"), qu’il emprunte des voies plus sinueuses (l’excellent "Hard Times") ou qu’il se pose sur des tempi plus apaisés (la plage titulaire, "Seen To Be Believed" et le sublimement conclusif "Over"), Blue Deal se montre absolument excellent, se permettant même le luxe de réussir, avec "Got 2 Go" (7) un single parfaitement calibré, chargé à la fois d’émotion et de second degré.

J’appréhendais beaucoup "1942" (8) parce que je n’apprécie pas le plus célèbre gaucher de Seattle et encore moins les abominables hommages qui lui sont régulièrement rendus depuis sa retraite anticipée du 18 septembre 1970. Mais j’ai été conquis. Le titre n’est jamais démonstratif ; il est simplement respectueux et absolument imparable. Sans jamais sombrer dans la démonstration gratuite, "1942" souligne finement les diverses évolutions et manies "guitaristiques" du petit maître de Seattle. C’est respectueux, imaginatif et émouvant. Une réécriture remarquable qui ne dérape jamais en exercice de style.
 
Depuis qu’un être humain l’a inventé (Dieu et Diable seuls savent où et quand), le blues interroge les rapports humains et, forcément, l’amour et ses déconvenues. Can’t Kill Me Twice, renvoie à sa manière au Petit Chaperon rouge, à ceci près que c’est le Grand Méchant Loup de la Forêt Noire qui s’en prend le plus souvent plein la gueule. Mais les amateurs de blues peuvent être rassurés : dans les meilleures séries et les meilleurs disques, les "méchants" survivent à toutes les avanies.

Et puis, de toute façon, personne ne peut les tuer deux fois…

Même si Joe Fisher espère sur "Got 2 Go" que l’Aigle ne volera pas trop haut, les quatre de la Forêt Noire planent largement au-dessus du lot. Très largement, même. Et je parie mes derniers biscuits contre des dollars que Can’t Kill Me Twice restera un de mes coups de cœur de 2024.

Alors, on se met en place ! On s’accorde ! On démarre sur un Mi paresseux en haut de manche et on chiale doucement…

It’s a long way to the top if you wanna sing the Blues… Gee !


(1) Il y a aussi des moines fantômes, un cavalier sans tête, un moulin du Diable et un village disparu.

(2) Ou, éventuellement, un Belge bègue. Ceux et celles qui n’ont pas la référence peuvent écrire au bureau du Webzine qui transmettra.

(3) Les moins doués peuvent même décomposer le pattern magique en trois lignes de quatre mesures.

(4) Mal nommées puisqu’il s’agit en réalité de gammes "pentaphoniques".

(5) "Bluecata" frôle la démonstration. Les sémanticiens me diront que le titre est la contraction de Blues et Toccata et qu’une Toccata est, par définition, une démonstration de virtuosité gratuite. Les sémanticiens ont toujours raison.

(6) Il faut réécouter d’urgence "Tin Pan Alley" de SRV.

(7) Le clip est proprement génial. Il y a de la Fender Stratocaster crasseuse, de l’harmonica diabolique, des pompes cirées qui marquent méthodiquement le tempo. « J’espère que l’aigle ne volera pas trop haut… » Puissant !

(8) C’est l’année de naissance de Jimi Hendrix.

Je serais bien le dernier des ingrats si je ne réservais pas deux immenses mercis. Un merci à Xavier (Dixiefrog) pour son intermédiation et sa patience. Un autre merci à mes impitoyables relecteurs (principalement, pour cet album, Alain, Fabienne et Christophe).



 

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !