Kanadia

Pas évident de marcher dans l'ombre du géant Radiohead lorsqu'on est originaire de la ville d'Oxford et que l'on se revendique d'une scène rock alternative. Après deux bons albums qui ont permis à Kanadia de se tailler une solide réputation sur la scène locale (et de gagner une importante fanbase au Mexique !), il restait encore à confirmer avec un opus majeur. Est-ce chose faite avec ce troisième album toujours emmené par les qualités vocales de James Bettis et s'adjoignant les services d'un nouveau bassiste ?

Premièrement, le quatuor d'Oxford semble toujours avoir du mal à trancher entre les hymnes taillés pour les stades et les titres plus intimistes servant de déversoir mélancolique à leur mal-être. Il subsiste ainsi parfois une impression de curseur mal réglé là où d'autres groupes ont réussi à ajuster la mire sur leur dernière production (on pense particulièrement à l'excellent dernier album des Black Foxxes, avec lequel Kanadia a partagé une tournée). Ensuite, malgré toute la qualité des compositions, Kanadia reste sur une route mainstream très empruntée avec des difficultés à se démarquer d’autres groupes qui officient dans le même registre.

Le groupe offre pourtant un début d'album très prometteur avec un beau crescendo introductif sur "I'm Falling", classique dans sa construction mais particulièrement bien amené, l’atmosphère se chargeant progressivement de soufre jusqu'à l'explosion finale. Dans la foulée, "The Ways" remplit son office rageur avec des lignes de guitares qui dégoulinent de fuzz, rejoint plus tard par la saturation presque grunge de "Hey" et l'énergie débordante et communicative de "Wired".

Difficile de ne pas reconnaître au groupe un talent certain pour trousser des petits hymnes pop rock fédérateurs comme ce "Too Late Now" élancé et aérien ou "Going Nowhere" qui lorgne du côté des mélodies universelles chères à U2. Dans le même esprit, la ligne de guitare en slide et la prestance impressionnante de James Bettis font de "Slide Off the Earth" le titre incontournable de cet album et un véritable petit plaisir coupable à réécouter. L'émotion affleure également dès que l’atmosphère se fait plus éthérée comme sur le cristallin "Over Again" suivi de la ballade au piano larmoyante "So Divided", deux titres dont la sensibilité évoquent la délicatesse des excellents canadiens de Half Moon Run.

Certes, quelques titres manquent un peu d'aspérité ou de maturité : malgré sa sensibilité la ballade adolescente "How Do You Sleep" s'avère ainsi un brin trop mièvre tandis que les inspirations forcées de James Bettis donnent à "I Can't Feel the Sunlight" un faux air agaçant à la Kings of Leon. Fort heureusement, fidèle à son entame soignée, le groupe réussit également sa sortie avec un titre éponyme intense reflétant les luttes intérieures traversées par le groupe. Vous l'aurez donc compris, malgré ces quelques légers écueils liés à des formats un peu trop calibrés, on vous invite à passer sans retenue la frontière Kanadienne pour découvrir ce troisième album très réussi.