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Critique d'album

Pink Floyd


At Pompeii MCMLXXII


(24/05/2025 - - Prog éthéré - Genre : Rock)
Produit par Pink Floyd

Note de 3/5
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Note de 2.5/5 pour cet album
"L’ensevelissement de Pompéi sous les cendres a été un si beau cadeau fait aux archéologues qu’on se demande qui a fait le coup..."
Daniel, le 16/05/2025
( mots)


Du haut de ces pyramides, …

Le rock a d’abord été une actualité brûlante. Un quotidien de vie qui s’écrivait par nature et urgence au jour le jour. Puis, il est devenu une révolution des mœurs . Avant d’être une histoire. Une petite histoire de rien du tout. Puis une  histoire tirée en longueur sur plus de soixante-dix ans.

Et le voici en train de devenir une antiquité.

J’ai toujours été gentiment amusé par l’intérêt que les archéologues portaient à des bouts de cailloux, des fragments d’ossements ou à des pièces de monnaie cabossées. Il m’est difficile de me "projeter" dans une époque en observant une phalange d’orteil dans la vitrine d’un musée. Manque de culture, probablement.

En fait, je n’aime l’archéologie que quand elle est interprétée par Indiana Jones.

Et voilà que débarque At Pompeii MCMLXXII… Un fragment de rock gravé sur l’omoplate d’un dinosaure retrouvé dans la boue d’un marécage ou la lave refroidie d’un volcan. Une pièce inestimable, à ranger dans une vitrine muséale, entre la phalange d’orteil et la pièce de monnaie cabossée.

Malheureusement, avec Steven Wilson en guise d’archéologue, on a convoqué Howard Carter plutôt qu’Indiana Jones. La différence ? Indi porte un Fedora classique emblématique et travaille au fouet de dressage. Howard Carter protège son crâne à l’aide d’un mouchoir à carreaux noué aux quatre coins et est armé d’un pinceau à poils doux pour épousseter ses vertèbres de momies. Et ça, ce n’est pas rock.

Après avoir été une danse idiote qui dévoilait (enfin) des petites culottes jusque là trop sages, le rock est devenu un mouvement, une philosophie de l’instant, un bordel sonore jouissif. Il tend aujourd’hui à être une "culture" au sens chiant du terme. Avec ses règles, ses diktats, ses interdits et son orthodoxie. Or, s’il est bien un concept fatal pour le rock, c’est l’orthodoxie. L’orthodoxie est la kryptonite du binaire. Chaque grand moment de la musique du Diable a été la conséquence d’une fracture, d’un mariage contre nature ou d’un saut risqué (voire suicidaire) dans le vide.

Avec sa petite barbe bien taillée et son regard faussement rêveur, comme égaré derrière ses lunettes carrées, Steven Wilson s’est autoproclamé Maître Absolu de l’Académie. Il distille Sa vérité sonore selon Lui-même. Il range, il étiquette, il catégorise les riffs sur ses étagères muséales et il en arrondi les décibels pour ne pas fissurer le verre de ses précieuses vitrines.

Au secours !

Parce que (et c’est une opinion très subjective que j’assume) ce n’est pas le musée qui fait la civilisation ; ce sont les civilisations disparues qui font les musées.

Et si on faisait un film...

Tous les vieux petits rockers un peu curieux ont vu, en son temps, le téléfilm Pink Floyd : Live At Pompeii d’Adrian Maben, un Ecossais naturalisé Français et surtout connu pour avoir réalisé Soir 3 sur France 3.

Adrian Maben n’est ni David Lynch, ni Stanley Kubrick.

La première version du délire date de 1972. Et c’était un sacré foutoir. Pour ne pas dire un ratage.

L’idée – fumeuse à souhait – était de créer un anti-Woodstock. Le caractère a contrario  rend déjà l’approche artistique douteuse. Le choix de Pompéi ne présentait aucun intérêt particulier en lien avec la musique du groupe. C’était un simple prétexte pour donner un aspect "culturel" (ou savant) au projet.

Et la perspective de capter un concert (que ce soit à Pompéi ou à Tombouctou) sans son essence même, à savoir le public, laisse rêveur. Pour rester poli.

Le tournage sur place n’a pas donné grand-chose de constructif, si ce n’est épuiser le budget alloué par les chaînes de télévision concernées. Le degré d’amateurisme était assez fascinant. A titre d’exemple, c’est après avoir déchargé les vingt tonnes de matériel du groupe que les techniciens se sont rendus compte qu’il n’y avait pas de prise de courant sur le site. C’est fou ce que les Romains antiques étaient imprévoyants. Il a fallu trois jours pour tirer une ligne de secours...


Finalement, la petite troupe s’est prudemment repliée sur Paris, dans les studios Pathé où Adrian Maben avait ses habitudes, pour bricoler des séquences où le groupe évoluait devant un écran neutre sur lequel étaient projetées des images du site antique.

Il n’y a que trois titres qui ont été filmés en Italie ce qui fait du film est un fichu bricolage dans la mesure où le look des musiciens n’est pas le même dans les scènes en décor naturel que dans les scènes captées en studio. Les barbes poussent puis disparaissent joyeusement tandis que les vêtements évoluent de plan en plan. Comme des séquences entières tournées en Italie ont été égarées (ça ne s’invente pas non plus), Nick Mason se retrouve étrangement seul au monde dans la scène épique où il perd une baguette en pleine descente de toms (1).

D’une certaine manière, l’approche "antique" d’Adrian Maben n’est pas sans rappeler l’adorable épisode de Stonehenge dans Spinal Tap. A ceci près que, pour ceux qui l’ignoreraient encore, Spinal Tap jouait volontairement la carte du pastiche et du second degré.

Ce dont je me souviens, c’est qu’en son temps les petits rockers que nous étions alors ont tous beaucoup ri en visionnant le désastre qui manquait clairement d’un storyboard et d’une direction. Les versions suivantes, sans cesse réinventées (et allongées), ont inclus des scènes anglaises montrant le groupe en train de préparer Dark Side Of The Moon puis des images "spatiales" supposées illustrer l’aspect merveilleusement cosmique de la musique floydienne. Un grand n’importe quoi qui n’est supportable qu’après un spif qui fait rire, une purge au Fernet Brancat ou un panier de champignons hallucinogènes.

Et la musique, Oncle Dan ?

Sans réécrire l’histoire, on sait qu’à l’origine Pink Floyd ne comptait en ses rangs qu’un seul immense génie créatif. La désintégration en plein vol de Syd Barrett aurait dû porter un coup fatal au groupe. Mais les gaillards ont eu le mérite de continuer à porter le projet avec les moyens du bord. Entre 1969 et 1972, ils bidouillaient une musique qui, à défaut d’autre terme, sera poliment qualifiée d’"expérimentale".

Avec des bonheurs divers mais sans vraiment rencontrer le succès commercial, Pink Floyd deuxième génération s’est beaucoup cherché, proposant des titres faits de bric et de broc, alternant les compositions parfois inspirées, les "expérimentations" chiantes et les désastres soniques (2).

Nick Mason expliquera, avec la malice dont il est coutumier, que Pink Floyd avait été séduit par le stupide concept d’un concert sans public d’Adrian Maben parce que le groupe évoluait d’ordinaire devant moins de cent-cinquante personnes et que ça ne changeait pas grand-chose à l’affaire.

Les titres proposés aujourd’hui, vaguement époussetés par Steven Wilson, alternent des moments forts et des expérimentations bruitistes, difficilement supportables. Chacun placera le curseur là où bon lui semble en fonction de sa sensibilité auditive et de ses allergies.

Il faut évidemment écouter cette musique avec une oreille pré Dark Side Of The Moon, l’album qui a définitivement requalifié Pink Floyd pour lui conférer un statut d’intouchable.

A cette condition, et en ce qui me concerne très égoïstement et très subjectivement, j’écoute encore avec plaisir la sublime version brute de "Echoes" (titre ici scindé en deux parties disposées en intro et outro) ou le très habité "One Of These Days".

Les autres interprétations n’apportent aucune plus value aux originaux ; le "document" oscille entre l’historiquement intéressant et l’emmerdement maximum (3), démontrant pour autant que ce soit vraiment nécessaire qu’il est difficile de capter une excitation live sans un public pour porter le groupe vers des sommets.

Assez pesant dans son ensemble, l’album est un peu allégé par cette merveilleuse petite touche de dérision qu’est "Mademoiselle Nobs" (en Français dans le texte) enregistré en l’absence de Nick Mason. Mademoiselle Nobs était le lévrier barzoï de Madona Bouglione (alors directrice artistique du cirque du même nom). Le chien s’offre un bref duo ahurissant avec David Gilmour (la basse a été ajoutée par la suite et Richard Wright tient le micro) sur un remake instrumental de "Seamus" (4).

En résumé, la musique sans l’image n’est pas vraiment intéressante et l’image, malgré la musique, tient plus du film de vacances que du documentaire signé National Geographic.

Épargnez vos petits sous pour vous payer une vraie place de concert. Dans une vraie salle. Avec un vrai groupe vivant qui vous fera transpirer !

Vous aurez ensuite la vie devant vous pour – plus tard – visiter des musées.


(1) C’est probablement la scène-clé du film car le batteur parvient théâtralement à récupérer une autre baguette pour terminer la séquence plus ou moins dans les temps. Ces quelques images ont fichu des complexes à tous les batteurs débutants…

(2) Selon David Gilmour, le pire exemple reste Atom Heart Mother que le groupe a carrément retiré de certaines de ses "intégrales". Curieusement, je suis fan absolu de cet album mais je dois bien convenir du fait que la plage titulaire est plus que rythmiquement bancale.

(3) Les versions de "A Saucerful Of Secrets" et "Set The Controls For The Heart Of The Sun" sont assez pénibles à supporter.

(4) "Mademoiselle Nobs" est souvent cité comme étant le pire titre jamais enregistré par Pink Floyd, ce qui n’est guère aimable pour le lévrier qui tient joliment la note.


 

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