
Heartworms
Glutton for Punishment
Produit par Dan Carey
1- In The Beginning / 2- Just To Ask A Dance / 3- Jacked / 4- Mad Catch / 5- Extraordinary Wings / 6- Warplane / 7- Celebrate / 8- Smugglers Adventure / 9- Glutton For Punishment


Il y a ces albums qui vous piquent dès la première écoute, qui éveillent instantanément votre curiosité et attisent cette envie de reviens-y. Le premier album de Joséphine (Jojo pour les intimes) Orme - aka Heartworms - fait partie de ceux-là, posant une ambiance toute particulière et bien à part dans le paysage rock actuel.
Malgré une adolescence chahutée, livrée à elle-même depuis ses 16 ans, notre jeune Londonienne de 24 ans a su modeler ses galères de début de vie en une noirceur captivante, nourrissant un premier EP aux influences gothiques (A Comforting Notion publié en 2023). Produit par l’inestimable et très occupé Dan Carey, le duo n’aura tardé à remettre le couvert, sur long format cette fois, avec ce Glutton for Punishment élargissant considérablement la palette sonore de l’intéressée.
L’atmosphère fumeuse largement influencée par l’aviation militaire s’impose dès les premières secondes à la manière d’un générique d’ouverte, l'urgence des cordes de “Just Ask A Dance” nous plongeant instantanément dans ce nouvel univers miroitant les contrastes. On découvre ici une jeune femme qui véhicule avec aise ce ressenti doux-amer, n’hésitant pas à laisser libre cours à sa puissance vocale quand la tension s’y prête. En pleine démonstration sur les envolées de “Warplane” ou du génial “Smugglers Adventure”, on regrettera cependant un chant par moments un tantinet sur la réserve mais dont on imagine tout le potentiel pour la suite. Evoquant tout aussi bien la pop pétillante emmenée par Emily Haines chez Metric comme l’éloquence captivante de la prêtresse PJ Harvey, son timbre versatile permet également l'exploration d’un territoire plus cradingue, jonglant entre lyrisme et murmure angoissant (“Jacked”, qui reflète aisément le spectre de Billie Eilish).
Outre la prestance (et la présence) de notre intéressée, les compositions n’ont-elles, pas à pâlir et supportent à merveille un jeu facetté. Brodées autour de cet esthétisme délibérément cold wave (on pense plus d’une fois aux Cure mais Interpol se glisse aussi dans certaines mimiques de basse), les disgressions vers la pop gothique sont cependant nombreuses et tendent à rendre l’ensemble plus digeste, là où le premier EP se voyait bien plus hermétique. On retiendra tout particulièrement le menaçant “Jacked”, son beat poisseux laissant exploser cette ligne de guitare acide captivante, véritable ligne directrice du titre. Même ambiance avec “Mad Catch” qui le succède, Orme laissant délibérément baver ses fins de phrases, renouant avec cette enveloppe tourmentée des débuts, le côté pop en plus. Le mélange est séduisant.
L’altitude de croisière atteinte, Orme se permet tout de même quelques détours aériens, levant le voile sur un potentiel mélodique capiteux. Laissant planer ses angoisses, suspendues dans le temps, “Extraordinary Wings” et “Celebrate” dévoilent un versant bien plus fragile de la Londonienne et nous guide tranquillement vers la poignante conclusion éponyme. Bien que dénotant totalement avec le reste de l’album, ce titre bien plus lumineux laisse entrevoir une multitude de possibilités d’évolution et laisse miroiter un avenir radieux.
Sombre mais entêtante, inspirée et envoûtante, cette première création à l’esthétique soignée acte le potentiel de Heartworms entrevu il y a deux ans sur son premier EP et confirme la justesse du doigté de Dan Carey derrière sa console, qui semble transformer en or toute collaboration, plus particulièrement avec les groupes à l’aube de leur carrière (on vous parlait justement l'an dernier de Been Stellar...).
A écouter : “Jacked”, “Warplane”, “Smugglers Adventure”