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Critique d'album

Paul McCartney and The Wings


Venus and Mars


(27/05/1975 - Capitol - - Genre : Pop Rock)
Produit par Paul McCartney

Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Les femmes viennent de Venus. Les hommes mangent des Mars."
Daniel, le 17/05/2025
( mots)

Secret d’alcôve rock

Théoriquement, les secrets de la Chapelle Sixteen ne doivent jamais franchir les murs du Vatican rock. Car c’est le mystère qui fait la religion.

J’ai écrit "Théoriquement".

Car, serait-ce vraiment trahir un secret que de révéler qu’un de nos vénérés rédacteurs en chef (je laisse le doute planer) pratique volontiers un humour du type "Blagues A Toto".

Je sais qu’en diffusant l’information au-delà des murs épais de la salle de rédaction, je prends le risque de compromettre mon âme et d’être excommunié.

Mais c’est dans l’intérêt du Rock.

Car, parmi les Blagues à Toto chères à notre homme, il y a celle-ci : "Paul McCartney est un has-been des sixties qui n’avait rien compris aux seventies." (1)

Sir Paul

La formule à Toto "… n’avait rien compris aux seventies" est probablement excessive mais, sous l’indéniable trait d’humour, elle contient une part de vérité qui permet de percer le mystère des dix premières années de la carrière solo de Paul McCartney : le bassiste gaucher ignorait complètement que les sixties étaient terminées et qu’il vivait alors dans une autre décennie.

Les modernes des early seventies voulaient d’une ère nouvelle, à leur mesure. Sans fleurs, sans gentillesse empruntée, sans tambourins, sans idioties psychédéliques. Et ils ont tourné / déchiré la dernière page du grand livre des sixties, celle où il était question du barnum débile de Woodstock et de son sinistre épilogue d’Altamont. Point final.

N’y revenez pas !

Isolé dans la lande écossaise où il soignait une dépression profonde et filait un amour inoxydable et végétarien avec sa chérie, son chien, ses brebis et son bélier, Paul McCartney n’a pas vu le temps filer et a repris son travail créatif comme si le calendrier s’était figé au lendemain du jour où il avait quitté tout à trac le sous-marin jaune, l’immeuble Appel et l’orchestre du Sergent Poivre.  

On sait que le temps qui passe rend confus les souvenirs. Ceux qui découvrent aujourd’hui l’œuvre personnelle de Sir Paul (2) l’écoutent en amalgamant les sixties et les seventies dans une grande et réjouissante macédoine musicale. Et ce n’est pas un hasard si les applaudissements du public saluent aujourd’hui avec une joie égale toute la set-list interprétée durant les concerts du maître alors que près de la moitié des titres sont des compositions post-Beatles.

Mais ce n’était pas le cas durant les seventies. Et, humainement, je me demande aujourd’hui encore comment Paul McCartney a pu supporter le procès populaire (indigne même d’un tribunal khmer rouge) dont il a été victime durant les dix premières années de sa carrière solo (avec ou sans Wings).

Les meilleurs critiques rock ne prenaient même pas le temps d’écouter les albums. Ils recopiaient des formules prédigérées où il était question de musicalités frivoles, de mélodies inconsistantes, de chansonnettes enamourées, d’œuvrettes éphémères, de populisme benêt, ...

Considéré comme has-been (et même comme étant mort) à l’aube de sa trentième année, le gaucher ne s’est jamais laissé démonter. Il a enquillé les disques les uns après les autres (27 en studio à ce jour). A sa guise. Selon ses humeurs. Contre vent debout et envers les marées d’équinoxe.

Il en fallait de la force mentale et une foi absolue en soi pour avoir finalement raison, seul contre une intelligentsia rock (et populaire) déchaînée (3).

Et il y a fort à parier que le couple inoxydable que Paul McCartney formait avec Linda Louise Eastman  depuis 1967 n’a pas été pour peu dans la survie musicale de notre homme.

Venus et Mars...

Wings

Selon la légende, les fameuses "ailes" ne sont pas celles d’un avion, ni d’un oiseau, ni d’Icare, ni un symbole de liberté post-Beatles. Ce sont celles d’un Ange bienveillant apparu dans les rêves du bassiste durant le délicat processus de naissance de sa fille Stella en 1971.

Gourmand, Paul McCartney entendait concilier deux existences : une carrière solo qui lui permettait d’exprimer en totale liberté ses sentiments personnels et, nostalgie oblige probablement, le rôle d’un  musicien au service d’un "vrai" groupe de rock taillé pour les tournées.

A ceci près que Wings n’a jamais été un groupe mais le ménage McCartney / Eastman accompagné de musiciens parfois fidèles (comme l’ex-Moody Blues Denny Laine),  parfois interchangeables (comme les autres).

Ceci dit, on peut comprendre que Paul McCartney avait très faim de scène, de foule et de liesse, lui qui avait connu six années de disette. Entre le 26 août 1966 (dernier concert de The Beatles) et le 09 février 1972 (premier concert de Wings), il n’avait vécu en live que quelques misérables minutes sur le toit d’un immeuble londonien...

Meanwhile...

Tandis que Wings enregistre son quatrième album, un certain John Lennon, en rupture de sa Yoko, promène son ennui à la remorque de May Fung Yee Pang, sa compagne de substitution. Sachant que Paul McCartney enregistre aux États-Unis (New Orleans et Los Angeles), le révolutionnaire de chambre à lunettes rondes imagine un instant une rencontre, une réconciliation et, pourquoi pas, quelques notes de guitare.

Un coup de fil de Yoko fera capoter le projet qui aurait tenu le monde en haleine. Exit Pang et exit Wings...

Venus et Mars

Ce n’est pas un hasard si l’album est protocolairement intitulé Venus And Mars. D’abord Venus. Puis Mars. Madame Eastman puis Monsieur McCartney. C’est beau l’amour. C’est beau la galanterie britannique...

Et que les autres planètes aillent se faire voir dans l’hyper-espace infini ! Voire même au-delà...

Sous une pochette au design assez neuneu (4), le successeur du génial Band On The Run est le quatrième des sept opus en studio qui seront crédités à Wings.

Précédé par un single vraiment brillant, "Listen To What The Man Said" ("The Man" étant Dieu), l’album, comme de coutume, ne convaincra pas la critique (5) mais gagnera rapidement ses galons de platine au Canada, au Royaume-Uni et aux USA.

Rock Show !

L’intro titulaire propose une ritournelle magique qui, sans heureusement embrayer sur une tentative d’album conceptuel, servira de thème directeur et ouvrira également la deuxième face du vinyle.

Paul McCartney s’emploie sans compter comme compositeur, en signant des titres (enchaînés les uns aux autres à l’exception du single précité), qui sont parfois taillés pour les stades et parfois subtilement intimistes.

A titre d’exemple, le bien nommé "Rock Show" explose la sono tandis que "Love In Song" est une délicate pépite pop qui démontre que son auteur, au même titre que son "rival" américain Brian Wilson (6), est un des plus merveilleux mélodistes de la petite histoire du rock.

"You Gave Me The Answer" est un hommage rendu à cette musique de papa (7) qui a également inspiré Freddie Mercury (sur, par exemple, "Seaside Rendez-Vous").

Le très bon "Magneto And Titanium Man" évoque avec malice cet anti-héros, aux pouvoirs biomagnétiques et au caractère torturé, imaginé au début des sixties par Stan Lee et Jack Kirby pour les Editions Marvel.

Au même titre que "Call Me Back Again", "Letting Go" peut sembler plus générique, même si la plage est rehaussée de riffs plaisants, soutenus ici par une puissante section de cuivres. Et "Treat Her Gently – Lonely Old People" est du McCartney pur jus.

Le chant de Denny Laine sur "Spirits Of Ancient Egypt" ou celui de Jimmy McCulloch sur le plus speedé "Medicine Jar" peinent  par contre à convaincre.  

Venus And Mars tire enfin sa révérence sur "Crossroads", un très bref instrumental qui reprend le thème générique d’un soap britannique gnangnan mais très populaire durant les sixties. Une façon comme une autre d’évoquer avec dérision ce "carrefour" où Venus et Mars finissent par se rencontrer.

To be continued...

Bisous d’amour en gros plan puis générique sur un travelling arrière tandis que le rideau rouge de notre cinéma rock descend pour pudiquement masquer l’écran...


(1) Notez que la blague vaut aussi pour The Who, The Kinks, The Rolling Stones, The Animals, The Doors, … C’est là que réside le merveilleux côté répétitif des Blagues à Toto, si chères à leur créateur Émile Durafour.

(2) L’œuvre est absolument magistrale puisque Paul McCartney n’a jamais sorti un mauvais album studio. Son seul désastre est le Liverpool Oratorio (1991). Tous les rockers nourrissent un jour ou l’autre un horrible complexe vis-à-vis de la musique classique. Ce n’est pas Damon Albarn qui va me contredire après sa prétentieuse revisite de Wolfgang Amadeus Mozart.

(3) Je fais mon malin mais j’ai longtemps fait partie de la bande des rieurs et des moqueurs. C’est seulement bien plus tard que j’ai écouté les disques...

(4) Les deux boules de billard ont été photographiées par Linda chérie. L’intérieur du gatefold et les goodies qui accompagnent l’opus sont l’œuvre du collectif Hipgnosis.

(5) Dans le magazine Rolling Stone du 3 mai 1975, Paul Nelson écrira fielleusement : "Les McCartney servent la soupe avec nonchalance, comme deux jet-setters qui présentent un nouveau plat préparé, qui transparaît à travers la douceur de leurs chansons insubstantielles et qui n’a que peu de liens avec la réalité." Et le journaliste conclura : "Tout ça n’est pas aussi cosmique que Paul et Linda l’imaginent : on peut aussi y voir l’expression d’un vide artistique."

(6) Brian Wilson était lui aussi bloqué dans les sixties...

(7) L’expression est à prendre au premier degré puisque cette ambiance music-hall plaisait beaucoup au père de Paul lequel, au passage, a dédié ce titre au délicieux Fred Astaire. 

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