
Oddleaf
Where Ideal and Denial Collide
Produit par Artis Rouser
1- The Eternal Tree / 2- Life / 3- Ethereal Melodies / 4- Back in Time / 5- Prelude / 6- Coexistence - Part I


En tirant son épingle du jeu au milieu de l’imposant flux de nouveautés d’une plateforme comme Bandcamp, Oddleaf s’est imposé comme l’une des révélations inattendues de la fin d’année 2024. Au fil des mois, le groupe français a su s’attirer les éloges de nombreux amateurs de musiques progressives, séduits par la cohérence et la maturité d’écriture d’un premier album que personne n’avait vu venir ! De notre côté, Oddleaf s’est logiquement hissé parmi les lauréats (catégorie "Rock progressif") de nos désormais traditionnelles Contre-Victoires de la Musique.
Concrètement, Oddleaf n’invente rien (qui peut encore s’en targuer en 2025 ?), mais le fait admirablement bien. Le groupe reprend les codes du rock progressif des seventies et les enrichit d’influences diverses, parfaitement maîtrisées. Parmi elles, une approche orchestrale confère à l’ensemble une dimension cinématographique, à l’image d’une introduction évoquant, le temps d’un instant, le fameux "Tubular Bells" de Mike Oldfield. S’ajoutent également quelques touches médiévales, héritées des travaux passés de ses membres fondateurs, Carina Taurer (claviers) et Mathieu Rossi (flûte), qui teintent ce premier album, Where Ideal and Denial Collide, d’une atmosphère résolument fantasy – une esthétique renforcée par une très jolie pochette.
Le groupe joue ainsi sur la confrontation entre des sonorités résolument vintage (Mellotron, orgue Hammond…) et une production plus moderne, exploitant à merveille les différentes contributions de ses musiciens. Parmi elles, les sections inspirées de e-flûte proposées par Mathieu Rossi, apportent une véritable identité à l’ensemble. Le choix d’une voix féminine – et quelle voix ! – en la personne d’Adeline Gurtner s’avère particulièrement judicieux, offrant une alternative nuancée à un héritage musical parfois difficile à assumer, constitué d’influences telles que Camel, Genesis ou encore Yes.
Si l’ensemble de l’album s’avère riche en références, difficile de ne pas s’incliner devant le travail accompli et la cohérence artistique du projet. Le rock progressif peut parfois sombrer dans l’auto-complaisance, rendant l’écoute d’autant plus insipide et dénuée d’émotions. Rien de tout ça chez Oddleaf, qui évite admirablement les écueils du genre grâce à une alchimie de chaque instant. Une cohésion qui se ressent aussi bien dans les chœurs et harmonies vocales qui ponctuent l’album que dans des compositions équilibrées, dont l’exécution ne tombe jamais dans la surenchère. L’habileté technique des musiciens est exploitée à son plein potentiel : en témoigne un solo de flûte sur "Back in Time", rappelant inévitablement les grandes heures de Jethro Tull, ou encore une embardée endiablée d’orgue sur l’excellent "Life" ; le tout porté par la polyvalence d’Olivier Orlando (guitare, basse, chœurs) et le panache d’une section rythmique menée par Clément Cureaudau (batterie), qui se hisse à la hauteur des exigences du genre.
Si le groupe français parvient à rendre ses mélodies relativement accessibles – à l’image de la ballade bucolique "Ethereal Melodies" et de son refrain instantanément marquant, ou encore du break audacieux et étonnamment dansant de "Back in Time" -, il ne lésine pas pour autant sur les moyens d’en mettre plein les oreilles aux mélomanes avides de compositions à tiroirs et de morceaux évolutifs à l’intensité variable (souvent étirés sur plus de dix minutes). Un titre comme "Life" met ainsi tout le monde d’accord : richesse d’écriture, subtiles variations de rythmes, lignes mélodiques multiples convergeant avec une fluidité naturelle, sans oublier des breaks instrumentaux aux partitions enflammées. Ceux qui en redemandent pourront se délecter de l’ambitieux final "Coexistence – Part I", dont le côté rétrofuturiste évoquera le dernier Crown Lands, autre représentant talentueux d’une scène 'revival' en pleine effervescence.
Cinquante ans après l’émergence des fleurons du rock progressif français - Ange, Magma, Mona Lisa, Atoll, pour ne citer qu’eux -, Oddleaf se présente comme un digne successeur, tout en se plaçant dans le sillage de ses contemporains européens (Wobbler, Jordsjø, Arabs in Aspic) grâce à son message humaniste et écologique et son approche nettement plus internationale. A la fois accessible, immersif et foisonnant d’idées, Where Ideal an Denial Collide, se présente comme une véritable invitation au voyage.
A écouter : "Life", "Ethereal Melodies"