
Blue Öyster Cult
Club Ninja
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Les nombreux albums live enregistrés au Japon auraient pu laisser supposer des transferts culturels plus profonds entre des groupes occidentaux et un public local très engagé dans sa passion pour la saturation. Pourtant, le Japon n’a jamais été un thème très courant dans les illustrations de pochettes d’albums : il n’apparaît qu’épisodiquement et toujours de façon très caricaturale, preuve d’une connaissance superficielle du pays nourrie de clichés extraits de la pop-culture – soit des ninjas, des samurais, et éventuellement une bombe atomique.
Dans les années 1960, l’Inde était l’horizon oriental des groupes psychédéliques, même si Jade Warrior avait associé son image à celle du Pays de soleil levant. Passons vite sur le kimono de Paul Rodgers sur Burnin’ Sky (1977), pour parcourir les années 1980, quand la New Wave of British Heavy Metal apprivoisait les samurais - Tokyo Blade, Samurai, Grand Prix - alors que, de l’autre côté de l’Atlantique, Blue Öyster Cult faisait paraître Club Ninja en 1985.
Pour le combo newyorkais, il s’agissait de rebondir sur l’échec du très moyen The Revölution by Night (1983), première difficulté à laquelle s’ajouta le départ d’Allen Lanier au cours de l’enregistrement, remplacé de justesse par Tommy Zvoncheck aux claviers. Le musicien ne goutait guère à l’évolution du groupe qui s’engageait de plus en plus franchement dans les écueils commerciaux et synthétiques des années 1980, après avoir magistralement négocié le virage de la décennie avec les immenses Cultösaurus Erectus (1980) et Fire of Unknown Origin (1981).
Le groupe a bel et bien perdu sa boussole, au point d’être difficilement défendable sur la longueur. Ainsi, "Make Rock, Not War" plonge dans le hard FM sans même prendre son souffle, comme si son titre ne suffisait pas à le rendre ridicule, et la faiblesse de la composition se fait douloureusement sentir sur "Spy in the House of the Night", ou sur les caricaturaux "Beat 'Em Up" et "Shadow Warrior" (n’est pas Def Leppard qui le veut !).
Pour autant, ce n’est pas la catastrophe annoncée, et l’album conserve ma sympathie pour quelques raisons, dont l’imparable "Dancin' in the Ruins", qui vaut bien "Burnin for You", le voluptueux "Perfect Water", véritable chef-d’œuvre oublié du groupe, et même "White Flags" qui comporte de bonnes mélodies, une énergie quasi priest-ienne et des variations bien réalisées. Les élans synthético-progressifs, toute proportion gardée, n’atteignent pas la majesté de Fire of Unknown Origin, mais ne sont pas non plus honteux ("When the War Comes", "Madness to the Method"). Bien sûr, les plus intransigeants argueront qu’un soupçon de trahison plane aussi sur ces titres, mais il faut savoir apprécier ce que le contexte pouvait offrir de mieux.
Malgré tout, ces évolutions stylistiques et la baisse de popularité du groupe continuent d’entamer l’harmonie interne au point d’entraîner le départ du bassiste Joe Bouchard et d’ouvrir une seconde moitié de décennie critique et instable pour la secte.
À écouter : "Dancin' in the Ruins", "Perfect Water", "White Flags"