
Nine Skies
5.20
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En 2021, le rock progressif hexagonal se la joue unplugged, acoustique. Fleuron national au-delà de nos frontières, Lazuli a revisité son répertoire en mars sur Dénudé ; de son côté, Nine Skies propose un 5.20 acoustique (mais pas entièrement dénué d’électrification) au mois de juin.
La très belle pochette semble évoquer les affres des épidémies (on retrouve les médecins-becs de la peste) même si cette nouvelle face plus intime du groupe de néo-progressif niçois précède la réclusion du confinement (si l'on en croit l'interview donnée à BigBang). Ainsi, alors que Nine Skies développe habituellement une musique très électrique, riche en claviers synthétiques et régulièrement proche du Metal-progressif, il compte surprendre l’auditoire en explorant d’autres univers esthétiques.
Terminons la présentation de l’identité musicale du groupe en rappelant que la forte influence britannique qui irrigue les deux premiers opus de Nine Skies s’illustre également dans le choix de la langue anglaise pour le chant, qu’il soit féminin ou masculin, à l’inverse de nombreuses formations françaises qui demeurent francophones. Un choix qui peut permettre à l’avenir (on le leur souhaite) d’obtenir une aura internationale … Quoique celle-ci semble déjà assez affirmée si bien qu'elle s’exprime ici dans une forme inattendue. Comment ne pas remarquer la présence d’invités de marque, dont Steve Hackett à la guitare (inutile de le présenter), John Hackett à la flûte (le frère du précédent), ou Damian Wilson (un chanteur gyrovague du rock progressif) ? Bref, le gratin du genre est invité à participer à l'aboutissement de ce très bon 5.20.
En effet, le pari est réellement réussi, le groupe ne se perd pas dans un entre-deux bancale et suit avec minutie le sentier qu’il s’était tracé. Ainsi, le rendu, servi par une belle production, est très organique ; on remarquera les notes de guitare cameliennes sur "Colourblind" qui s’écoulent comme des perles de rosée, la flûte aérienne d’Hackett sur "The Old Man in the Snow" (titre très andersonien période solo par ailleurs). Projet acoustique oblige, Nine Skies se tourne vers des influences piochées au sein des musiques traditionnelles et s’approche parfois des musiques du monde. "Golden Drops" est enrobé d’ambiances orientales (rien qu’aux percussions) et médiévales avec un sublime passage de violoncelle envoûtant, alors qu’on perçoit des côtés balkaniques sur "Godless Land".
Autre écueil de l'acoustique qui est merveilleusement évité, celui d’aboutir à un album un peu léthargique : tout au contraire, Nine Skies déploie ici un sens de l'énergie et du contraste qui rend le voyage aussi immersif qu'enthousiasmant. Les variations sont nombreuses au sein des morceaux qui possèdent des constructions progressives, comme "Colourblind" entre ses lignes acoustiques avec des trilles qui évoquent Opeth, ses moments jazzy, son côté néo-prog’ dans le chant. Il en va de même au sein de l’album qui change d’ambiance au fil du récit. La fougue et les nombreuses touches jazzy de "Wilderrness" (le pont avant le très beau solo d’Hackett) tranchent ainsi avec des pièces plus calmes comme "Beauty of Decay" (un instrumental entre Andalousie et Renaissance) ou "Dear Mind" dans le même registre. Cela est permis par l’inscription renouvelée dans le courant progressif cher au groupe, parfois plus exacerbée comme sur "Above the Tide", titre construit sur une montée en puissance qui traduit bien la marée et semblant être inspiré par Marillion période Hogarth. Un bémol peut-être pour la fin plus tamisée où le piano domine entre "Achristas", "Porcelain Hill" et "Smiling Stars" sur lequel on notera tout de même un passage exaltant au saxophone.
Tout renouvellement esthétique un peu risqué atteint son objectif lorsqu’il est réalisé avec honnêteté, savoir-faire musical et inspiration. En l’occurrence, Nine Skies franchit la barre du troisième album avec un tournant surprenant mais abouti, qui laisse pourtant entendre l’identité du groupe. Une nouvelle réussite à ranger au rayon du rock progressif français.