Barclay James Harvest

Alors qu’en 1974, le rock progressif connaissait son premier essoufflement, principalement du côté de ses grands noms, certains groupes cherchaient à renouveler le genre en proposant une pop progressive élaborée et plus adaptée à l’ère du temps que celle de la fin des 1960s – parmi ceux-là, on trouve Electric Light Orchestra, Supertramp et Barclay James Harvest qui peut enfin commencer à prendre sa revanche sur les Moody Blues.

Car depuis 1970, Barclay James Harvest poursuivait tranquillement sa carrière en multipliant les albums comme les petits pains, mais peinait à s’extraire de sa réputation de Moody Blues du pauvre. Il est vrai que ses cinq premiers albums n’étaient pas particulièrement inventifs, même si en 1974, Everyone Is Everybody Else avait montré les premiers signes d’une montée en puissance alors que le groupe venait de signer chez Polydor et que les radios britanniques lui ouvraient davantage leurs ondes.

En 1975 néanmoins, Barclay James Harvest décide d’opérer un tournant plus pop et moins progressif, à même selon eux de séduire un public plus large – la pochette, la première à être vraiment réussie, semble pourtant indiquer le contraire. Comme un signe de cette évolution, Time Honoured Ghosts est enregistré en Californie, nouveau royaume du soft-rock en plein essor.

Ainsi, l’excellent "In My Life" renvoie à ce soft rock américain qui n’hésite pourtant pas à mettre en avant une guitare mélodique et virevoltante (quasi sudiste) et pont empreint de religiosité qui lui donne une orientation progressive efficace. Barclay James Harvest ne se montre vraiment prog’ que lors du cinématographique "Beyond the Grave", une pièce de rock symphonique sans excès ni prétention.

Mais le ton général est bien celui de la ballade gorgée de guitares folks, de claviers et de parties vocales emphatiques, comme en témoignent le passable "Moongirl", "Song for You" et "Jonathan" dans un style symphonique plus marqué, le cantique "Sweet Jesus" (largement supérieur à l’insupportable "My Sweet Lord" de Qui-vous-savez) ou "Titles", un bel exercice de style dans lequel les paroles sont composées à partir d’une collection de titres des Beatles. Ce sont de jolies pièces mais il en ressort une forte homogénéité qui dessert un peu le propos général, bien que se détache le somptueux "Hymn for the Children" dont les mélodies exhalent le patchouli et rappellent que l’opus a été capturé à San Francisco. Le groupe s’y montre plus talentueux que dans sa tentative d’embrasser les atours de la soul ("One Night").

Malgré ses limites, Time Honoured Ghosts n’a pas à rougir en tant que premier volet d’une trilogie glorieuse (aux pochettes magnifiques), qui se prolongera avec le plus progressif Octoberon (1976) et le classique Gone to Earth (1977), et grâce à laquelle Barclay James Harvest est restée dans l’histoire du rock.

À écouter : "In My Life", "Hymn for the Children", "Beyond the Grave"