
Aerosmith
Night in the Ruts
Produit par Aerosmith, Gary Lyons
1- No Surprize / 2- Chiquita / 3- Remember (Walking in the Sand) / 4- Cheese Cake / 5- Three Mile Smile / 6- Reefer Head Woman / 7- Bone to Bone (Coney Island White Fish Boy) / 8- Think About It / 9- Mia


Si Draw The Line (1977) est encore un album apprécié des foules malgré la baisse de qualité évidente de l’écriture du groupe, Night in the Ruts est presque unanimement considéré comme un mauvais disque – en dehors peut-être de la contrepèterie qui lui sert de titre ("Right in the Nuts").
Le contexte explique bien des choses, tant il est vrai qu’Aerosmith est, à ce moment-là, un groupe sous pression : il faut impérativement composer un nouveau chef-d’œuvre et s’inscrire dans une suite dorée de cinq albums, alors même que Draw the Line avait déjà marqué le pas en termes de ventes et d’inspiration. Et celle-ci n’est pas revenue quand vient le temps d’enregistrer ce nouvel opus, d’autant plus que certains membres du groupe n’ont plus les capacités physiques de s’investir dans un tel projet. En effet, Steven Tyler est considérablement affaibli par les drogues dont il abuse et ses addictions produisent des tensions avec Joe Perry, par ailleurs en désaccord avec la direction artistique, tandis que les dépenses somptuaires exigées par le combo fragilisent le projet. Ainsi, Perry finit par quitter le groupe au milieu des phases d’enregistrement, après un ultime concert lors des World Series of Rock de Cleveland (Ohio).
Le manque d’inspiration est assez criant au regard des trois reprises présentes sur l’album, soit un tiers de celui-ci : si "Reefer Head Woman" est très fidèle au blues oldschool des années 1940 de Jazz Gillum, "Think About It" revisite bien The Yardbirds à la sauce Aerosmith (avec un excellent solo) et, "Remember (Walking in the Sand)" de The Shangri-Las est un choix étonnant mais intelligemment réinterprété, qui se permet même un écho aux chœurx féminins de l'original.
Certaines compositions sont également assez faibles, comme "Three Mile Smile", au son typique du groupe mais au résultat anecdotique, ou "Chiquita" qui, après une introduction AC/DC-ienne, témoigne d’une volonté Heavy indéniable hélas gâchée par un riff étouffé, par un chant mal maitrisé et par orchestrations superfétatoires. Quant au slow final, "Mia", il est très loin d’atteindre le niveau des exercices précédents, bien qu’il soit honorable voire touchant, surtout dans ses dernières mesures.
La postérité a pourtant été sévère avec Night in the Ruts, sur lequel le groupe prouve qu’il est encore capable de proposer de très bons titres : "No Surprize", un digne représentant du hard-boogie-rock bluesy typique des 70s, "Cheese Cake", un midtempo sensuel riche en guitare slide, "Bone to Bone (Coney Island White Fish Boy)", un titre survolté qui n’aurait pas dépareillé sur Rocks.
Il va sans dire que Night in the Ruts illustre les tiraillements produits par la phase de transition entre la fin de la décennie et le début de la suivante, durant laquelle s’expriment les hésitations d’un groupe fragilisé. Néanmoins, nombreuses sont les formations qui ont vécu cette période avec difficulté et Aerosmith est loin d’être celle qui s’en est le plus mal sortie, tant cet album, finalement assez fidèle à leur esthétique, s’avère plutôt plaisant.
À écouter : "No Surprize", "Cheese Cake", "Bone to Bone (Coney Island White Fish Boy)"