
Novalis
Sommerabend
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En 1975, Novalis avait décidé d’intituler son deuxième album du nom du groupe, signe d’un nouveau départ ou tout du moins, d’une volonté de marquer le paysage progressif allemand pour s’y installer en tant que référence. De l’avis de tous, Novalis était une pièce remarquable, mais c’est son successeur Sommerabend qui allait permettre d’assouvir les ambitions du combo, tant cet album est unanimement considéré comme leur chef-d’œuvre.
Rien n’était gagné pourtant, car Novalis aurait pu souffrir du départ de l’excellent Carlo Karges, à la fois claviériste et guitariste, auquel l’opus précédent devait beaucoup : il n’est pas remplacé, ce qui empêche toute superposition (de type twin-guitars par exemple) avec les autres musiciens en poste aux deux mêmes instruments, et il ira trouver le succès ailleurs (l’obtenant finalement avec Nena en 1983 – grâce à "99 Luftballons"). Pourtant, le groupe parvient à tirer le meilleur de cette situation et redouble d’inspiration pour produire un album remarquable.
Au comble de son ambition, Novalis propose la suite "Sommerabend" et se gonfle d’orgueil tout au long de ses dix-huit minutes découpées en cinq mouvements. Le titre s’inscrit dans les pas de Pink Floyd, avec des claviers planants et des lignes de guitare intenses et cristallines, mais certaines sonorités et le côté très mélodique en font presque une pièce néo-progressive avant l’heure. Il faut insister sur la subtilité dans la composition qui s’illustre à plusieurs reprises : l’arrivée progressive des accords puis des arpèges de guitare (qui offrent des aspérités folk au titre), le chant (en allemand) totalement maîtrisé, les mélodies qui parachèvent une pièce mémorable (notamment à la guitare). Malgré la transition énergique après 12 minutes et quelques passages entreprenants (et souvent magnifiques) vers la musique cosmique dans la dernière partie, "Sommerabend" est d’une homogénéité rarement atteinte sur des morceaux aussi longs.
Cette homogénéité enrobe en réalité l’ensemble de l’album, car quoique plus grandiloquent et virtuose, "Wunderschätze" nage dans les mêmes eaux pour mettre en musique les paroles du poète Novalis (écho à "Es Färbte Sich Die Wiese Grün" sur l’album précédent). De même, l’aquatique "Aufbruch", aussi symphonique qu’électrique, articule bien ses variations internes, à la fois lumineuses et inquiétantes, planantes et agressives, tout en maintenant la régularité des thèmes et des ambiances.
Tout aussi excellent que Dawn d’Eloy, sorti la même année, Sommerabend brille parmi les plus belles créations du rock progressif symphonique allemand. On y entend même un double héritage, peut-être involontaire, du côté de la future scène néo-progressive d’une part, mais aussi d’autre part, du côté de la scène scandinave retro-prog-folk apparue dans les années 1990 et toujours active de nos jours.
À écouter : "Sommerabend", "Aufbruch"