
Kwoon
Odyssey
Produit par Sandy Lavallart
1- Leviathan / 2- King of Sea / 3- White Angels / 4- Life / 5- Blackstar / 6- Last Paradise / 7- Jayne / 8- Wolves / 9- Youth / 10- Fisherman / 11- Nestadio / 12- Keep on Dreaming


Il y a des groupes que le temps semble épargner, et dont la musique continue de résonner longtemps après leur passage. Le premier album de Kwoon, Tales and Dreams (2006), avait ce petit supplément d’âme qui faisait toute la différence, au point de forcer la comparaison avec des formations telles que Sigur Rós, Mogwai ou Explosions in the Sky. Après un second opus et une belle tournée à travers l’Europe, le groupe mené par Sandy Lavallart annonçait en 2015, contre toute attente, une pause à durée indéterminée. Fort heureusement, cette longue absence n’a jamais vraiment sonné comme un adieu : dès 2022, le groupe amorçait son retour avec la publication du single "King of Sea", promesse d’un nouveau voyage musical, entre brumes, merveilles et horizons lointains. Il aura finalement fallu attendre 2025 pour voir cette promesse se concrétiser avec Odyssey, un album illustré par une somptueuse pochette où ciel et océan semblent ne faire plus qu’un.
N'ayez aucun doute sur la marchandise : le combo français nous livre ici une véritable expérience sonore, aussi immersive qu’introspective. Dès l’introduction ("Leviathan"), l’auditeur est invité à contempler des paysages infinis, encore voilés par la brume — esquissés par un air lancinant perché dans les hauteurs, enrichi d’une multitude de sonorités superposées et d’un souffle cinématographique propice à l’évasion. Le fameux single "King of Sea" nous fait prendre le large avec une approche à la fois apaisée et mélancolique, confrontant des sentiments parfois équivoques — entre le désir irrépressible d’explorer l’inconnu et le chagrin de ce que l’on laisse derrière soi. Très atmosphérique avec ses sons de rivage, le morceau gagne en intensité à mesure que s’élèvent les nappes de synthés et les chœurs, dont la portée épique et solennelle — portée notamment par la participation de Babet, du groupe Dionysos — évoque autant la beauté que les dangers de l’océan. On ressent également par moment quelques influences à aller chercher du côté de Hans Zimmer. Et pour cause, Sandy Lavallart n'a jamais caché son admiration pour l'illustre compositeur et s'était même adonné à une très bonne reprise d'un des plus incontournables thèmes musicaux du film Interstellar (à écouter par ici).
Si le caractère contemplatif de l’album appelle évidemment une écoute attentive — et suppose d’être dans les bonnes dispositions émotionnelles —, certains morceaux se révèlent étonnamment accessibles dans leur approche mélodique, à l’image du diptyque "White Angels" et "Life". Minimaliste dans sa forme, le premier déploie une richesse émotionnelle remarquable, avec une orchestration subtile et un final suspendu qui projette l’auditeur dans une quiétude enivrante. Plus lumineux dans sa thématique, le second nous emporte dans un tourbillon de sérénité, laissant entrevoir un avenir radieux, porté par de nouveaux chœurs d’une beauté étincelante
Au fil des années, les musiciens de Kwoon semblent s’être nourris de leur multiples expériences — et cela transparaît dans la musique du groupe, désormais aussi à l’aise dans les envolées instrumentales ("Wolves", d’une beauté renversante), les ballades mélancoliques teintées de post-rock ("Jayne"), que dans des registres plus folk et accrocheurs ("Fisherman").
On pourra certes reprocher à Odyssey une durée un peu excessive (54 minutes au total, dont quelques longueurs à l’image du titre "Nestadio"), surtout pour un album qui exige un véritable lâcher-prise, presque méditatif. D’autant que les ressorts de composition finissent, à la longue, par se répéter : un couplet d’ouverture intimiste — voire minimaliste —, quelques arpèges et nappes de synthés en soutien, un refrain qui gagne en ampleur, puis un final où se superposent les différentes strates mélodiques. Mais après dix ans d’absence, difficile d’en tenir rigueur au groupe français, qui signe ici l’un des plus beaux come-backs de cette année 2025.
Si la scène française ne manque pas de formations de grande qualité, l’absence prolongée de Kwoon avait clairement laissé un vide qu’il aurait été bien difficile de combler. Rares sont en effet les formations capables de manier l’émotion de manière aussi raffinée et sincère, tout en transportant l’auditeur loin, très loin, du tumulte ambient et des affres du quotidien. Chacun appréhendera la musique de Kwoon à sa manière. Quoiqu’il arrive, celle-ci restera hautement recommandable : une musique au pouvoir évocateur indéniable, qui parle d’elle-même et qui n’a sans doute pas encore livré tous ses secrets.
A écouter : "White Angels", "Life", "Wolves"