
Grandma's Ashes
Bruxism
Produit par
1- Saints Kiss / 2- Empty House / 3- Sufferer / 4- Nightwalk / 5- Flesh Cage / 6- Neutral Life Neutral Death / 7- Cold Sun Again / 8- Calix / 9- Duality / 10- Dormant


Si le trio français issu de la scène alternative parisienne s’amuse depuis son premier E.P à bouleverser les classifications établies avec un savant mélange de rock, de stoner et de metal, les franciliennes passent avec ce second album un cap majeur, bien au-delà des espérances que le précédent opus avait pu nourrir.
Evoquant ce reflexe inconscient de serrer les dents souvent provoqué par l’anxiété, Eva Hägen (basse / chant), Myriam El Moumni (guitare) et Edith Séguier (batterie) dressent le portrait d’une génération en proie au mal-être face à un contexte social troublé et inquiétant (sexisme, dépression, éco-anxiété). Pensé comme un exutoire visant à canaliser toutes ces émotions négatives, les Françaises livrent ainsi un album à l’expression plus brute et viscérale, les passages en growl participant de ce point de vue d’une évolution assez marquante et parfaitement maitrisée vers le registre metal.
A l’instar des précédents opus, la musique déployée par le trio repose une nouvelle fois sur des contrastes saisissants entre une voix cristalline et lyrique qui porte des mélodies envoutantes et une instrumentation beaucoup plus lourde et saturée. Les Françaises ne forcent ainsi pas leur talent pour composer des titres immédiatement assimilables, à l’énergie brute imparable comme ce "Sufferer" marqué par son riff tranchant et très accrocheur. Le grain des riffs de guitare évoque le rock alternatif des années 1990 et les multiples changements de rythmes (sacré travail à la batterie) laissent toujours présager d’une tension sourde sous-jacente, à l'instar du sentiment d’urgence qui habille "Empty House" et sa guitare affolée jusqu’à un refrain particulièrement frondeur. Les titres "Saints" ou "Duality" sont également révélateurs de cette écriture à la fois pop et brutale née du décalage entre un riff central fracassant, quelques sonorités dissonantes et l’approche mélodieuse et aérienne du chant.
Plus encore que sur l’album précédent, Eva Hägen franchit de ce point de vue un nouveau palier, en pleine maitrise de ses capacités vocales lorsqu’il faut aller chercher la note de tête sur le refrain aussi entêtant que ravageur de "Cold Sun Again", ouvrir une parenthèse onirique et enivrante sur "Nightwalk" ou suggérer une sensualité trouble sur "Calix". Chaque inflexion des cordes vocales est habitée et fait régner une intensité dramatique saisissante même lorsque des effets de vocoder viennent envelopper la mélodie tourmentée de "Neutral Life Neutral Death" d’un effet brumeux.
Mais le sommet de l’album est atteint sur les deux titres les plus ambitieux de l’opus, le troublant "Flesh Cage" qui allie désespoir, fureur et mélancolie, jusqu’à ce que le growl conclusif vienne libérer toute la charge émotionnelle emprisonnée. Enfin, "Dormant" offre une conclusion somptueuse à l’album, d’abord avec la beauté souveraine de sa première partie acoustique puis avec la déflagration métallique qui suit, portée par un chant guttural désarmant, la cadence infernale de la batterie et le tremolo picking oppressant, le tout entrainant l’auditeur vers un abîme glacial et suffocant.
Le deuxième album du trio parisien est une véritable réussite et l’un des meilleurs albums français de l’année 2025. Aussi puissant émotionnellement qu’instrumentalement, il représente l’aboutissement d’un choix payant avec un virage osé vers le metal dont les attributs permettent encore davantage au groupe de lâcher la bride et de prendre son envol. Pas de quoi grincer des dents donc, mais un cœur serré par l'émotion qui s’exprime à travers la dureté d'une mâchoire d’acier et qui force définitivement le respect.


















