
Ekoué
Nord Sud Est Ouest 1er Episode
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1- Nord Sud Est Ouest / 2- Sous les pavés la rage / 3- Certains se reconnaissent / 4- Mon rap en quelques mots / 5- Aucune prime au mérite / 6- Tout le reste feat. Spécio et Le Bavar / 7- Jamais trop / 8- Du karcher au charter feat. Anfalsh / 9- Entre les mains de la rue / 10- 78.18.2008 (version censurée) feat. Le Bavar et Le Téléphone Arabe / 11- 335 Heures / 12- J'rap à l'ancienne feat. Kadaz et Al / 13- Silence... on est en France ! feat. Khalifrat / 14- Dans c'rap de cons feat. Le Bavar


Dix ans déjà que La Rumeur piétine vos plates-bandes, déchire vos amplis, déraye vos diques vinyles et percute vos consciences. Et vingt ans bientôt qu'Ekoué ravage les micros.
Dans cet été 2008, au climat crispant et venteux, la rappeur français administre son premier street album solo Nord Sud Est Ouest 1er épisode. Dès la vision de l'objet, les esprits s'accélèrent : Ekoué, les yeux dans l'ombre, arbore un tee-shirt Baise Skyrock Support, et l'ouvrage Les damnés de la terre de Frantz Fanon qui pose une philosophie révolutionnaire essentielle au vingtième siècle. De plus, la présence de douilles sur la pochette nous rappelle qu'Ekoué n'a toujours pas changé sa devise et son leitmotiv : "écrire à balles réelles". Vite, vite, le contenu...
"Pas d'soucis les mecs", comme dirait Casey, le contenu de l'album reste fidèle à un contre-pouvoir irréparable, une lutte contre l'ennui et l'injustice. Nord Sud Est Ouest impose d'entrée un flow lent et agressif, Ekoué rappe comme il parle et les messages sont directs et sans compromis. Comme dans les premiers instants de l'album où le Poison d'Avril lache le jeu de mots "talibanlieusards". Ekoué, bien décidé à décrocher le tilt dans toutes les consciences, joue d'une poésie moins sophistiquée qu'avec La Rumeur, mais tellement authentique et rageuse que l'auditeur est pris à la gorge à chaque parole, à chaque vers. Tout le monde en prend pour son grade, des animateurs de Skyrock à l'ancien ministre de l'intérieur, tragédie parfaitement résumée dans "335 Heures" et ses rimes en «eur».
Mais les textes ne forment pas la logique un thème-une chanson, car la spontanéité règne sur pratiquement tous les titres de cet enregistrement studio. C'est pourquoi Ekoué reprend certaines phrases que son vocabulaire avait déjà inventé tel "Qui vend autant de Mixtape que Tarek Ramadan" dans "Jamais trop". Ekoué fait ainsi part de tout son dégoût pour notre monde socio-politique, envenimé par des valeurs de mérite ("Aucune prime au mérite") qui maintiennent la rue au silence : "Silence...on est en France !" (avec la participation de Khalifrat). Parmi les autres participations, nous appréçions (évidemment) "Du karcher au charter", titre chanté par la clique d'Anfalsh avec, dans l'ordre d'apparition B. James, Prodige puis Casey. Mention spéciale à Mourad, Le Bavar de La Rumeur, qui prête mains fortes à son ami sur plusieurs morceaux, particulièrement réussis. "Tout le reste", également avec Spécio, mais aussi "78.18.2008 (version censurée)" où Le Téléphone Arabe s'empare du micro. Ces titres offrent leurs plus beaux couplets, bien travaillés et poétisés par Ekoué et Mourad avec un refrain simple et chantant. Et puis, l'énorme "Dans c'rap de cons", où Ekoué et Le Bavar, plus soudés et unis que jamais, délivrent des flows et des textes impressionnants, peint la touche finale à ce décor et cet "avenir sous une chappe de plomb".
La musique, essentiellement réalisée par P.A.T ajoute un caractère presque mélancolique, sans espoir, témoin "Sous les pavés la rage", brûlot d'une culture hip-hop sachant rester à sa place. Aucun message positif ne traîne comme parvenait à le faire (d'ailleurs très bien) Rockin' Squat et Assassin. Toujours est-il que les critiques et les insultes qui volent, poussent à des questionnements indispensables à la survie de notre humanité.