
Klone
Le Grand Voyage
Produit par Francis Castes
1- Yonder / 2- Breach / 3- Sealed / 4- Indelible / 5- Keystone / 6- Hidden Passenger / 7- The Great Oblivion / 8- Sad And Slow / 9- Silver Gate


Par leur parcours atypique qui les a vus passer du groove metal bourrin au rock progressif atmosphérique, on pourrait rapprocher les poitevins de Klone des liverpuldiens d’Anathema qui, eux aussi, ont petit à petit délaissé le doom de leurs débuts pour explorer des versants musicaux plus lumineux. Il n’est donc au final pas si étonnant que les deux formations finissent par partager le même label, Kscope en l’occurrence, à l’occasion de la sortie de ce sixième album qui, espérons-le, saura ancrer durablement le groupe de Guillaume Bernard dans ce milieu plus confidentiel - mais non moins exigeant - que celui du macrocosme métallique. Gageons par ailleurs que le Brexit ne remettra pas en cause cette belle distribution via l’un des fleurons britanniques des labels progs.
Sachant par ailleurs que Le Grand Voyage qui nous occupe ici ne constitue pas la première incartade du chef de file de la Klonosphère dans le domaine du rock progressif apaisé : déjà en 2015, Here Comes The Sun posait les bases de cet album-ci, confirmé par l’Unplugged de 2017 qui enfonçait le clou dans cette veine. Entre-temps, le batteur historique Laurent Thomas semble avoir pris ses distances avec Poitier, remplacé sur le disque par Martin Weill tandis que Yann Ligner demeure au chant, Jean-Étienne Maillard à la basse et Aldrick Guadagnino épaulant Bernard à la guitare, avec également la présence de Matthieu Metzger aux claviers. Un petit mot sur l’artwork : celui du Grand Voyage se révèle de toute beauté, avec cette double volute nébuleuse encadrant un soleil couchant nimbé de nuances bleu-indigo, une vraie plus-value pour un disque de très bonne tenue.
L’épure et le calme ne siéent pas toujours aux tenants de la religion métallique - même s’ils l’ont abjurée -, mais force est de constater que Klone magnifie ses atours dans cette gamme d’exposition, à l’image du single “Breach” qui se révèle en tous points parfaits, une merveille d’arpèges ouatés, de ligne de basse voluptueuse et de chant contenu qui explosent sur un refrain éclatant dans toute sa majesté, servi par des guitares qui savent s’alourdir quand il le faut. De même pour “Keystone” dans un registre peu ou prou identique, celui-là plus contemplatif et s’appuyant dans ses ultimes instants sur des arrangements symphoniques héroïques de bon aloi, ou le conclusif “Silver Gate”, du tout bon. Souvent inspiré, Le Grand Voyage nous offre de beaux moments de grâce, comme la balade “Sealed” qui jouit d’un traitement de réverb’ caressant absolument enivrant au service d’un air doux-amer que la voix habitée de Yann Ligier propulse dans les plus hautes sphères. Dernier arrivé dans l’équipe, Weill démontre de talents certains derrière les fûts, comme en témoigne sa performance assez remarquable sur “Indelible” qui s’évade en fin de piste dans des pérégrinations jazzy psychédéliques fort bien servies par sa frappe aussi véloce que précise.
Pour autant, lorsque le metal guttural refait surface par endroits, le résultat ne se montre pas toujours aussi inattaquable. Rien à redire sur le puissant “Hidden Passager” qui ne muscle que son refrain, ni finalement sur le morceau le plus cogné du lot, “The Great Oblivion”, avec sa disto abyssale et son petit côté Alice In Chains qui bascule sur une tétanisante seconde partie agrémentée de motifs répétés obnubilants bien mis en contraste par un chant en apesanteur. Ça fonctionne avec une certain bonheur, et surtout ce regain de force ne nuit pas à la cohésion de l’ensemble. Mais l’affaire se corse en fait dès le début des hostilités avec un “Yonder” qui constitue à mon sens le gros point noir du disque. Trop long, inutilement étiré, le titre souffre surtout d’arrangements métalliques trop basiques et stéréotypés qui, paradoxalement, desservent sa somptuosité et noient complètement d’autres instruments plus frêles (comme le piano, ici sous-exploité). Cela passe un peu mieux sur “Sad And Slow”, sans doute parce que les guitares électriques s’y font moins omniprésentes et agressives.
Il ne s’agit pas forcément de renier son ADN que de savoir délaisser l’une de ses forces originelles pour se mettre tout simplement au service de ses morceaux, de ses ambiances, et s’il y a un domaine dans lequel Klone peut encore progresser, c’est bien celui-là. Et on ne doute pas que progression il y aura, ce qui ne peut présager que du bon pour les années à venir. Klone ouvre pour Leprous d’ici quelques jours, un double rendez-vous à ne surtout pas manquer : les deux groupes joueront le 9 février à Strasbourg, le 10 à Grenoble, le 25 à Savigny et le 26 à Toulouse. À bon entendeur...