
Deep Purple
Stormbringer
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1- Stormbringer / 2- Love Don't Mean a Thing / 3- Holy Man / 4- Hold On / 5- Lady Double Dealer / 6- You Can't Do It Right / 7- High Ball Shooter / 8- The Gypsy / 9- Soldier of Fortune


Pégase chevauchant une tornade et Stormbringer comme titre : le second volet du Mark III de Deep Purple promettait d’être un cyclone musical emportant tout sur son passage. Le morceau d’ouverture, l’éponyme "Stormbringer", semblait confirmer cette première analyse. Chef-d’œuvre du hard-rock, le morceau s’embrase par un riff énergique et des claviers aux sonorités aventureuses, pour déployer une puissance si sombre qu’on pourrait croire que Deep Purple avait rencontré Blue Öyster Cult.
Or, la place de plus en plus importante qu’occupent Coverdale et Hughes dans le dispositif, en toute légitimité soit dit en passant, confère une tournure très US à cet opus. Cela s’entend dès "Love Don’t Mean a Thing" ou "Holy Man", deux titres soft-rock qui empruntent à la funk pour le premier et à l’Americana pour le second, un peu dans la veine de ce que faisait Bad Company à la même époque (une comparaison particulièrement perceptible dans le solo de claviers).
Et c’est là que la dimension subjective de tout jugement esthétique pèse de tout son poids : Stormbringer n’est pas intrinsèquement mauvais, mais je dois avouer être assez peu réceptif à cette orientation musicale – pour ne pas dire qu’elle me déplait. Trop de soul (donc de mièvrerie) sur "Hold On", trop de funk et de chœurs envahissants sur "You Can’t Do It Right (With the One You Love)", qui se dirige parfois même à la limite du disco, et trop de gimmicks empruntés au slow langoureux sur "Soldier of Fortune".
Heureusement, les qualités de l’album ne se limitent pas au morceau titre et "Lady Double Dealer" impose un rock’n’roll pré-Rainbow de qualité, comme "High Ball Shooter" s’apparente à du Deep Purple des plus classiques (quoiqu’un peu aseptisé). Enfin, "The Gypsy" est l’exemple même de la power-ballad épique au riff solide et à la mélodie indélébile, qui préfigure également Rainbow dans ses plus hauts faits d'armes. Cela fait tout de même plusieurs moments de grâce dont l’opus peut se prévaloir.
C’est donc par son ambivalence que Stormbringer brille autant qu’il déçoit : œuvre de l’entre-deux et du clair-obscur, à l’image du cheval ailé domptant la tempête, il innove autant qu’il entre dans le rang, il renouvèle le hard-rock autant qu’il s’empêtre dans le soft-rock qui singe les US – alors que c’est justement quand les Britanniques s’émancipent de l’Oncle Sam qu’ils impressionnent. Un peu de jingoïsme, by Jove !
À écouter : "Stormbringer", "Love Don’t Mean a Thing", "The Gypsy"