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Critique d'album

The Mars Volta


Amputechture


(11/09/2006 - Gold Standard Laboratories - Rock progressif barré - Genre : Rock)
Produit par

1- Vicarious Atonement / 2- Tetragrammaton / 3- Vermicide / 4- Meccamputechture / 5- Asilos Magdalena / 6- Viscera Eyes / 7- Day of the Baphomets / 8- El Ciervo Vulnerado
Note de 5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Les martiens d'El Paso à leur sommet "
Quentin, le 19/03/2025
( mots)

Si les formulations verbeuses des titres comme "Tetragrammaton" ou "Meccamputechture" vous semblent déjà un peu tarabiscotées à la lecture, dites-vous bien que ce n’est rien en comparaison de ce qui vous attend à l’écoute. Le titre de l’album lui-même, a priori incompréhensible, est issu de la contraction des mots amputate, technology et architecture (tout un programme !) et constitue la formule magique pour entrer au royaume des céphalées.


Avec un troisième opus qui mêle des influences de rock psychédélique, progressif, jazz et musiques latines, la patte de The Mars Volta est reconnaissable entre mille. Pourtant, après un second album-concept dantesque qui avait su rallier à sa cause une solide base de fidèles dévoués, Amputechture apparait comme beaucoup plus clivant. Souvent considéré par les critiques comme un album boursouflé et prétentieux, se perdant dans des longueurs inutiles mal justifiées par des excentricités fatigantes et malvenues, Amputechture est pourtant un album exceptionnel en tout point, et la place occupée par la six-cordes y est pour beaucoup.


En effet, si le rôle prédominant du guitariste a toujours été un objet de tension au sein du groupe, ce troisième album propulse sans concession Omar Rodriguez-Lopez en tant que leader créatif du groupe, prenant seul les rênes de l’écriture et ne fixant comme obstacles à ses désirs d’expérimentation et d’émancipation musicales que ses propres limites techniques. C’est-à-dire en vérité pas grand-chose : avalanche de riffs asymétriques et alambiqués, soli aussi épileptiques que dissonants, textures sonores originales et déstabilisantes… le gaucher inonde tout l’espace sonore de son instrument sans lésiner sur le larsen ou la reverb’. Et ce n’est pas tout. Pour pouvoir se concentrer pleinement sur la composition, Omar Rodriguez-Lopez se donne les moyens de ses ambitions et confie à son camarade John Frusciante le soin de traduire dans son jeu exalté cette folie des grandeurs qui l’anime. La conjonction de ces deux talents inégalables fait d’Amputechure "l’album à guitares" de The Mars Volta et assurément l’un des sommets du genre.


Cette prédominance de la guitare ne tarde pas à s’imposer à l’auditeur. L’atmosphère planante de "Vicarious Atonment", sertie d’intenses effets de production, constitue ainsi un écrin psychédélique soulignant d’entrée de jeu la sensualité fiévreuse de la six-cordes, secondée par la complainte de Cedric Bixler Zavala qui double la ligne de guitare avec une mélodie à la torpeur lancinante. Cette sensation d’apesanteur contraste avec la densité asphyxiante des précédents efforts du groupe avec des titres qui s’allongent et qui prennent le temps de se déployer, à l’instar du titre conclusif "El Ciervo Vulnerado" et ses vibrations indiennes éthérées.


Sans dérouler cette fois une histoire à part entière (à laquelle on ne comprend de toute façon rien), Amputechture développe une approche narrative cryptique et éclatée qui s’attache à explorer la question du sacré et en particulier la crainte de Dieu. Les titres font ainsi référence à un imaginaire religieux qui nourrit un ouragan expérimental où l’auditeur non averti aura tôt fait de se perdre. Le monolithe de 16 minutes "Tetragrammaton", référence au nom hébreux du Messie, en laissera ainsi plus d’un sur le carreau, porté par son riff introductif colossal qui serpente sinueusement entre des sections exigeantes et parfois peu lisibles, comme un dédale de sons incontrôlés. La beauté mélodique de certains tableaux (les premiers couplets du morceau enrichis de chœurs sont sublimes) côtoie des passages déstructurés façon math-rock et des expérimentations plus psychédéliques. Peu de groupes sont capables de faire tenir ensemble des atmosphères si antinomiques avec une cohésion qui tient le plus souvent à un fil. Autre plat de résistance, "Meccamputechture" (référence à la Mecque), impose sa cadence infernale dans une folle hystérie électrique dominée par un refrain survolté, mené tambour battant par le chant intenable de Cedric Bixler Zavala. Dans le même esprit, le riff central de "Viscera Eyes", groovy à souhait, nous désarticule par vagues successives jusqu’à ce brusque changement de rythme en seconde partie recentré autour d’une ligne de basse sur laquelle viennent se fracasser des soli sous acide.


Si le talent immense de la paire de guitaristes surnage sur cet album, c’est qu’il dispose d’une palette de musiciens exceptionnels pour s’exprimer à sa guise. Le duo basse/batterie de Juan Alderete et Jon Theodore ne fait pas que consolider les fondations de l’album, il envoie des décharges rythmiques sidérantes sur "Day of the Baphomets" et son régiment de percussions et de cuivres qui tabasse fort et longtemps. Et comment ne pas s’attarder sur la voix si caractéristique de Cedric Bixler Zavala, ses aigus surnaturels transportant l’auditeur sur le refrain détonant de "Vermicide" tandis que l’émotion acoustique affleure sur la poignante ballade jouée en picking "Asilos Magdalenas" qui nous transporte avec sa sensibilité baignée aux effluves hispanisantes. Deux morceaux plus courts, plus mélodieux, structurés de façon plus binaire, qui dessinent déjà un visage plus raisonnable pour le groupe et qui prendra complétement forme deux albums plus loin sur Octahedron.


Pas toujours en odeur de sainteté malgré son thème orienté vers les représentations du divin, Amputechture est le fantasme créatif d’Omar Rodriguez-Lopez, qui a allégrement drainé tout l’espace laissé libre par ses compères. A tel point que le batteur originel, Jon Theodore quitte le groupe après l’enregistrement de l’album et qu’un rééquilibrage interne s’avère bien vite nécessaire. Reste que libéré de tout carcan, ce troisième album constitue peut-être le plus beau réceptacle de la folie des deux compères d’El Paso. Et si la religion est l’opium du peuple, Amputechture, c’est de la pure.

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