
Ty Segall
Possession
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1- Shoplifter / 2- Possession / 3- Buildings / 4- Shining / 5- Skirts of Heaven / 6- Fantastic Tomb / 7- The Big Day / 8- Hotel / 9- Alive / 10- Another California Song


Depuis quinze ans, Ty Segall cherche constamment à réinventer son punk garage abrasif et déstructuré en empilant les projets au sein d’une discographie pléthorique assez inégale. Si son nom résonne surtout dans les oreilles des amateurs d’ambiances très noisy marquées par la violence de la distorsion, le prolifique californien s’est essayé à tous les styles : psyché, glam, noise, folk, hard-rock ou encore blues pour faire de toutes ces influences quelque chose d’unique et de très personnel. Résultat, Segall aime brouiller les pistes et perdre ses auditeurs avec des albums qui ont d’ailleurs la fâcheuse habitude de trainer en longueur. Difficile de savoir à quoi s’attendre donc à chaque nouvelle livraison.
A notre grande surprise, le natif de Laguna Beach réalise avec ce quinzième opus un joli coup, opérant un retour aux racines du glam rock seventies avec un son beaucoup plus direct et mélodieux, à l’opposé des structures un peu déglinguées et obscures de ses précédents œuvres. Possession c’est la bande-son d’un road-trip solaire qui dévoile une facette presque pop et où le trouble parfois ressenti à l’écoute de ses albums laisse la place à la gaieté et l’apaisement. En témoigne l’accueillant titre d’ouverture "Shoplifter", qui narre l’histoire d’une voleuse à l’étalage cherchant à se repentir sous les assauts acoustiques d’une mélodie légère et entrainante, à laquelle se greffent une cascade de cordes ainsi que des harmonies vocales toutes droit sorties d’un album des Beatles.
Si on retrouve toujours quelques parties de guitares harmonisées, en particulier sur le final rayonnant du morceau éponyme et sur "Shining" (ce petit motif de guitare acide qui imprime sa marque dans le cerveau de l’auditeur), Ty Segall prend ici le contrepied de ses précédentes réalisations. La voix noyée de réverbération, la superposition des lignes sonores et la saturation outrancière de la basse ne sont plus vraiment de mise. De la même manière les morceaux ne sont plus hachés par des changements rythmiques ou des expérimentations bruitistes et suivent des schémas de composition plus classiques portés par des arrangements inspirés. On retiendra le martèlement de cordes de la ballade psychédélique "Alive" ou les spirales de claviers sur le mid-tempo "Buildings" avant de se laisser séduire par la charge énergique du titre "Fantastic Tomb", chasse au trésor initiatique emportée par ses effluves de rock sudiste et les envolées du saxophoniste Mikal Cronin.
Bien entendu, les hommages appuyés aux grands noms du glam rock des années 1970 ne manquent pas : le riff de "The Big Day" est bien évidemment calqué sur celui de Ziggy Stardust tandis que l’introduction de "Hotel" évoque par sa mélodie une version plus aérienne du tube "Editions of You" de Roxy Music. Avec beaucoup d’auto-dérision, Segall se fend enfin également de plusieurs morceaux dans la plus pure tradition du rock californien à l’instar de de "Skirts of Heaven" et sa nonchalance saturée ou encore "Another California Song" qui rit de ses propres clichés (tout est dans le titre).
On aimera ou non ce revirement teinté de pop qui dénote dans la discographie de l’Américain. Les adeptes de la célèbre pédale Fuzz War (une cousine de la Big Muff) utilisée par Segall pour créer son fatras sonore resteront certainement un peu sur leur faim. Qu’ils soient prévenus.