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Critique d'album

Frank Zappa


One Size Fits All


(25/06/1975 - DiscReet - Rock, jazz, avant-garde - Genre : Rock)
Produit par Frank Zappa

1- Inca Roads / 2- Can't Afford No Shoes / 3- Po-Jama People / 4- Florentine Pogen / 5- evelyn / 6- San Ber'dino / 7- Andy / 8- Sofa
Note de 4.5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"La dernière folie des Mothers of Invention"
Franck, le 03/05/2025
( mots)

En atteignant pour la première fois le Top 10 des charts américains avec son album solo Apostrophe (’), Frank Zappa aurait pu être tenté d’assagir sa formule afin de capitaliser sur ce succès inattendu. Mais c’était mal connaître le bonhomme : allergique à toute forme de conformisme artistique, Zappa choisit au contraire de reformer, une énième fois, les Mothers of Invention, dans une mouture* aujourd’hui considérée comme la plus fameuse (même si l’on pourra regretter la disparition progressive des cuivres au profit des synthétiseurs). Il faut dire qu’après quatorze albums, Zappa a su s’entourer des meilleurs, tout en s’essayant à une quantité impressionnante de registres. Au-delà de son côté récréatif et totalement débridé, One Size Fits All apparaît comme un aboutissement : la synthèse de plusieurs années d’expérimentations sonores, et un final à la hauteur de la folie créatrice des Mothers of Invention.


Si Zappa a souvent été associé – par défaut ou par méconnaissance – au courant du rock progressif, il devient évident à l’écoute de ce début d’album que cette affiliation n’a rien de légitime. Le guitariste moustachu semble prendre un malin plaisir à pasticher le genre alors en légère perte de vitesse, complexifiant à outrance certaines structures mélodiques et élevant l’absurde au rang de discipline artistique - certains textes n’ayant absolument aucun sens. "Inca Roads" en est la démonstration la plus flagrante : l’un des morceaux les plus complexes du répertoire de Zappa, qui pousse à son paroxysme le concept de la xénomorphie (le fait d’associer des sections mélodiques qui n’ont à la base rien en commun), renforçant l’impression d’improvisation permanente. Un paradoxe, puisque que le solo principal – certainement improvisé - provient en réalité d’un enregistrement live capté à Helsinki en 1974.


Aussi farfelue soit-elle, "Inca Roads" s’impose comme une œuvre majeure, captivante par sa capacité à transformer un chaos apparent en un ensemble étonnamment cohérent et revigorant. Au-delà de son caractère hors-norme, le morceau fait figure de référence (ou casse-tête, c’est selon) pour bien des guitaristes, tant par sa variété rythmique (plus d’une dizaine de signatures rythmiques allant du 3/4 jusqu’au 11/16), que par ses sonorités originales et sa technique novatrice, notamment le jeu de guitare en tapping. Zappa et les Mothers y enchaînent des mesures asymétriques avec une fluidité déconcertante, créant des ruptures inattendues tout en conservant une musicalité fluide et inventive.


Certains y verront un exercice de style un brin prétentieux. Pourtant, réduire One Size Fits All à cette seule dimension serait bien réducteur, tant l’album regorge de passages nettement plus accessibles. Plus rock, plus entraînant, un morceau comme "Can’t Afford No Shoes" aligne des riffs d’une redoutable efficacité, évoquant parfois les envolées glam de David Bowie. De son côté, "Sofa No.1" séduit par son élégance presque classique et la richesse de ses textures, portée par une Ruth Underwood toujours aussi inspirée à travers sa panoplie de percussions - marimba, vibraphone, et autres subtilités qui ajoutent une vraie profondeur d’écoute.


Le génie de Frank Zappa est clairement là, mais pas question pour autant de faire l’impasse sur la rigolade ! One Size Fits All prend ainsi des allures de grand récré zappaïenne, où les musiciens s’en donnent à cœur joie entre solos démesurés ("Po-Jama People"), joutes instrumentales effrénées et changements de rythmes improbables ("Florentine Pogen"). Les pitreries sont évidemment de la partie : chœurs aux intonations loufoques et théâtrales, provocation gratuite — comme ce chant en allemand volontairement caricatural sur "Sofa No.2" — ou encore ces petits instants captés sur le vif, à l’image de Zappa s’exclamant "On Ruth, on Ruth, that's Ruth!" après un solo fulgurant de marimba. Et puisque la fête est plus folle à plusieurs, quelques invités de marque viennent compléter cette troupe survoltée : Captain Beefheart, ami d’enfance de Zappa, glisse son harmonica sur "San Ber’dino", tandis que Johnny 'Guitar' Watson — l’un des guitaristes qui a le plus influencé Zappa — prête sa voix à plusieurs morceaux prodiguant un groove supplémentaire à l’ensemble.


Dernier album des Mothers of Invention, l’album au sofa conserve encore aujourd’hui une saveur particulière, tout en restant hautement considéré par les amateurs de Frank Zappa. C’est surtout un disque qui ne se fixe aucune limite, alliant virtuosité débridée, humour absurde et pastiche intelligent avec une précision d’exécution déconcertante et un savoir-faire mélodique indéniable.


 


 


* George Duke (claviers, synthé et chant), Napoleon Murphy Brock (fûte et saxophone ténor), Ruth Underwood (marimba, vibraphone, percussion), Chester Thompson (batterie), Tom Fowler (basse)


 


A écouter : "Inca Roads", "Po-Jama Peopple"

Commentaires
DanielAR, le 03/05/2025 à 21:24
Et la qualité de l'analyse donne envie de se replonger dans une œuvre complexe mais passionnante. Avec une mention particulière pour le boulot ahurissant de Chester Thompson ! Merci pour cet hommage à un grand album.
FrancoisAR, le 03/05/2025 à 09:37
Excellente chronique ! On sent la maîtrise de l’œuvre de Zappa ce qui n’est pas rien ! Et « Inca Roads » est en effet incontournable et bien analysé.