
Liquid Bear
Second Life
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1- Farewell / 2- Second Life / 3- Headless / 4- I Lost My Crown / 5- All About You / 6- The More You Show / 7- Lightrunner / 8- Daddy Gets Dizzy / 9- It Will Never Happen Again


Les Français de Liquid Bear (le nom du groupe fait référence aux "oursons d’eau", considérés comme les organismes les plus résistants sur Terre) sont des habitués de la sélection Albumrock avec deux premiers EP très bien accueillis sur nos lignes. Pour son premier album, le groupe originaire de la région parisienne a condensé son propos (30 petites minutes seulement) pour affiner son savant mélange de prog’ estampillé 70’s au croisement des univers sombres et percutants du grunge et du metal. Composé d'Ilya Franciosi (guitares/chœurs), Gaspard Kremer (orgue/claviers), Adrien Rouyer (batterie/choeurs) et de Kostia Yordanoff (basse/chant), Liquid Bear se réclame avant tout de l’esprit avant-gardiste de King Krimson, habité par l’envie d’expérimenter et de sans cesse se renouveler dans ses sonorités. Si ce nouvel opus s’avère plus concis et plus direct que les précédents EP, Second Life conserve les éléments distinctifs du groupe : guitare fretless, coulées d’orgue Hammond, synthétiseurs et drum machines.
Si Heavy Grounds (deuxième EP) était essentiellement tourné vers le monde extérieur, Second Life est plus tourné vers l’intime, s’attachant à sonder notre rapport à nous même et à questionner les multiples embranchements qui contribuent à façonner notre existence et notre personnalité. C’est ainsi qu’il faut décrypter la pochette, avec ce personnage pensif et désagrégé, en construction permanente. Le titre introductif laisse d'ailleurs parfaitement planer ce sentiment d’introspection avec des arpèges rugueux qui se confondent avec le chant habité de Kostia Yordanoff et de belles harmonies vocales pour former une ouverture éthérée et mystérieuse.
Loin d’être révélateur de l’ensemble de l’album, cette mise en bouche laisse rapidement place à une collection de titres particulièrement énergiques emmené par l’imparable riff nerveux et chromatique du single "Headless", ses effets psychédéliques et ses saillies d’orgue hammond. Le groupe nous accroche ainsi sans aucun temps mort avec le toucher hendrixien de "The Lightrunner" (difficile de ne pas entendre la référence à "Foxey lady" sur son introduction saccadée) ou avec le tempérament sombre et heavy d’ "I Lost My Crown" qui nous bastonne avec ses séquences rythmiques musculeuses et son chant véhément pas loin du post hardcore. Les Français savent également jouer avec la nuance et alterner les rythmiques pour mieux s’effacer devant des refrains plus aériens et harmonieux, à l’image du très bon titre éponyme où les passages en apesanteur contrastent avec les lignes de guitares glaçantes et distordues. Alternance de tempi mais également de styles pour mieux dynamiser l’ensemble : si l’esprit seventies surnage avec les sonorités vintage (ce riff d’orgue hammond !) de "Daddy Gets Dizzy", les franciliens s’autorisent également une prise de risque surprenante et maitrisée avec une incursion dans le nu-metal sur "The More You Show" (avec le batteur Adrien Rouyer en chanteur principal).
Le groupe touche l’excellence sur "All About You" en duo avec Eva Hägen de Grandma’s Ashes, un morceau qui vous hantera longtemps avec ses notes de guitares en suspension servant un refrain à la mélancolie terriblement accrocheuse. Enfin, le titre conclusif s’avère particulièrement puissant et habilement construit avec ses différentes parties qui s’articulent en vagues instrumentales compactes avant un final libérateur.
Si on peut regretter une durée un peu famélique qui laisse un petit sentiment de frustration, les Français confirment avec ce premier album tous les espoirs placés en eux. Alors que les Polonais de Riverside avaient eux aussi abordé sur leur album baptisé Second Life Syndrome les thématiques de l’introspection et du cheminement intérieur à grand renfort d’orgue hammond et de riffs métalliques puissants, nous ne pouvons que souhaiter à nos Français la même longue carrière exemplaire.