
Gazpacho
Soyuz
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1- Soyuz One / 2- Hypomania / 3- Exit Suite / 4- Emperor Bespoke / 5- Sky Burial / 6- Fleeting Things / 7- Soyuz Out / 8- Rappaccini


Le monde n'ayant finalement pas été englouti par le démon de Molok, Gazpacho se devait de s'atteler à une nouvelle livraison, s’attachant une nouvelle fois les services de Robert Johansen (déjà batteur de groupe entre 2004 et 2009) pour combler le départ de Lars-Erik Asp.
Si Molok présentait un fil conducteur touffu mêlant voyage dans le temps et références religieuses, le thème de ce nouvel album est plus vague puisque les différents titres ont en commun de s'intéresser aux moments volés par le passage du temps. S'articulant autour du récit des capsules spatiales soviétiques (au destin tragique, rappelons-le), le groupe y mêle des chants funéraires bouddhistes tibétains, les contes d'Andersen ou encore les plus anciens enregistrements de chants humains datant de 1860. Un programme ambitieux donc, qui n'empêche pas Soyuz d'être considéré comme l'un des moins bons albums rapporté à la discographie exemplaire des Norvégiens, qui restent d'ailleurs sur une série d'excellence depuis au moins trois albums.
Au centre des quelques critiques qui s'élèvent contre ce dixième album, on retrouve un thème principal retraçant l’épopée des fusées russes qui s'avère un peu moins épique qu'à l'accoutumée et semble souffrir d'une certaine lourdeur. L'introductif "Soyuz One" met ainsi un peu de temps à placer l'album sur la rampe de lancement avant que des arpèges lointains ne se transforment en déflagrations rageuses. Plus loin, la pièce centrale de l'album s'avère également moins intouchable que sur les précédents opus, avec un développement assez tortueux et une progression qui aurait pu être mieux amenée entre les différentes sections. C'est pourtant là que les Norvégiens brillent habituellement avec une réelle habileté à créer des atmosphères, à les enrober d'une tension mélodique savamment dosée et à les déconstruire avec fracas. Dommage.
Outre sa pièce principale – qui en dépit de ces quelques réserves reste hautement recommandable - Soyuz possède de sérieux arguments à faire valoir. Plus atmosphérique que ses prédécesseurs, malgré un "Hypomania" tubesque et détonant, l'album possède de réelles pièces enchanteresses. On citera notamment le contemplatif "Exit Suite" avec ses arrangements délicats à base de cordes sensibles et gouttes de piano en apesanteur ou encore le très émouvant "Sky Burial" qui relate l'enterrement d'un moine bouddhiste et nous transporte par le lyrisme de ses chants entremêlés. Le groupe maîtrise toujours l'art de susciter l'émotion sur des mélodies légères et plaintives qui gagnent progressivement en épaisseur à l'instar de la vibrante "Fleeting Things" ou de la conclusion funèbre "Rappaccini" inspirée d'une nouvelle fantastique de Nathaniel Hawthorne. Enfin, le morceau de bravoure "Emperor Bespoke" inspiré par un conte d'Andersen ravira tous les amoureux de Marillion avec son introduction médiévale et sa majesté révélée par le jaillissement de lignes de guitare souveraines.
Difficile de nier la qualité de ce dixième opus, certes un ton en dessous des livraisons précédentes, mais qui reste particulièrement recommandable. On mesure ainsi la place de ce groupe dans le paysage progressif actuel dès lors qu'on se rend compte qu'un Gazpacho moyen n'en reste pas moins un très bon album. Vous auriez donc tort de passer à côté.
