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Critique d'album

Deftones


Diamond Eyes


(04/05/2010 - Reprise - Metal alternatif - Genre : Hard / Métal)
Produit par Nick Raskulinecz

1- Diamond Eyes / 2- Royal / 3- CMND/CTRL / 4- You've Seen the Butcher / 5- Beauty School / 6- Prince / 7- Rocket Skates / 8- Sextape / 9- Risk / 10- 976-EVIL / 11- This Place Is Death
Note de 4.5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"La beauté et l'optimisme face à la tragédie"
Valentin, le 18/08/2025
( mots)

L’album qui libère les Deftones de leur période sombre et leur redonne une seconde jeunesse n’aurait jamais dû exister. Après le projet auto-nommé qui n’a convaincu ni le groupe ni le label Maverick, les difficultés se succèdent pendant la réalisation de Saturday Night Wrist : le producteur Bob Ezrin (Pink Floyd, Kiss, Alice Cooper) perd patience face au processus décousu des Californiens, Carpenter devient accro à un jeu de golf en ligne pendant l’écriture du disque au point de finir joueur n° 1 du continent, mais le pire reste le comportement désastreux de Chino Moreno pendant toute cette période. Le chanteur s’absente six mois en plein milieu de l’enregistrement pour jouer avec son side-project Team Sleep, contre l’avis des autres membres, alors qu’ils attendaient ses prises vocales pour achever l’album. Cette phase se révèle particulièrement exigeante pour Moreno, qui prend beaucoup de poids, se sépare de sa femme d’alors et frôle un point de non-retour dans sa dépendance aux drogues.


Après une désintoxication nécessaire, Chino retourne en studio et ses promesses sincères permettent finalement d'éclaircir les problèmes de communication du groupe et de s’accorder sur un fonctionnement interne plus instinctif que celui instauré depuis White Pony, dont la dépendance à Pro Tools avait peu à peu isolé les musiciens les uns des autres. Début 2007, la formation commence l’écriture d’un nouveau disque pour tourner la page du quasi-désastre de Saturday Night Wrist. L’ensemble du groupe communique donc un enthousiasme inédit à mesure qu’ils avancent sur ce nouveau projet, rapidement baptisé Eros. Musicalement, l’album serait très expérimental, déstructuré, mélancolique et reflétant mieux leurs intentions que les deux précédents opus. Les amitiés fondatrices de Deftones renaissent et se resserrent autour de longues séances cathartiques, mais le développement ralentit à cause de conflits persistants avec le label Maverick, d’une procédure de divorce chaotique pour Chi Cheng – la quatrième seulement pour le groupe depuis 2003 – et d’un Chino Moreno qui subit les conséquences du sien en se battant pour obtenir la garde de ses enfants. 


En novembre 2008, l’enregistrement encadré par leur fidèle producteur Terry Date n’est pas terminé, mais s’approche de la fin : c’est alors que le bassiste subit un violent accident de voiture, qui le laisse dans un coma gravissime. Sergio Vega (Quicksand), qui avait déjà remplacé Chi pour une tournée dix ans plus tôt, rejoint le groupe le temps de quelques concerts caritatifs. N’étant pas à l’aise avec l’idée de terminer Eros sans leur ami, le reste de Deftones interrompt les sessions en attendant le réveil de leur compagnon de longue date¹. Alors qu’ils se rejoignent huit mois plus tard pour discuter de leur avenir commun, chacun reprend naturellement son instrument et échange des idées, comme pour commencer une thérapie musicale collective. Lorsque des morceaux complets commencent à se former sous l'œil du producteur Nick Raskulinecz, Vega est invité à contribuer au projet. Au bout de deux jours, un morceau est écrit : "Royal". Au bout de deux mois, un album est terminé : Diamond Eyes.


L’existence de ce disque tient donc à peu de choses, et s’avère pourtant cruciale pour Deftones. Nick Raskulinecz réussit là où Bob Ezrin a échoué en ce qu’il parvient à canaliser le groupe lors des répétitions, et à guider le songwriting pour ne pas laisser filer les idées dans l’impulsion du moment. Ce sixième opus partage avec Around The Fur une immédiateté que le groupe n’avait plus connue depuis plus de dix ans, avec des compositions courtes, puissantes, structurées à l’instinct. Le ton s’éloigne toutefois de la colère brute et pressante de leurs débuts : Diamond Eyes s’impose comme une démonstration de force, souvent portée par la beauté et l’optimisme. La musique elle-même console, en préférant l’ardeur à la fureur et en évoquant un univers sonore familier. Les compositions n’évoquent jamais frontalement la situation de Chi Cheng puisque la réalisation de cet album constitue l’échappatoire nécessaire d’un groupe émotionnellement fragilisé. "Royal", le premier titre composé, incarne pleinement ce besoin urgent de se relever après une tragédie qui pèse sur leurs épaules chaque jour, culminant dans un final ferme et déterminé. 


À travers ses contrastes nets et assumés, l’album retrouve la fantaisie de White Pony, mais allégée de ses excès et de ses tourments. Le titre éponyme introduit parfaitement cette nouvelle identité, avec ses ambiguïtés, ses textures aspirantes et le riff précis de Carpenter, qui respire le calme et la confiance sans pour autant renier la lourdeur caractéristique du guitariste. Le disque contient par ailleurs certaines de ses idées les plus incisives : "Rocket Skates", véritable tempête sonore qui oblige la section rythmique à se réinventer sans cesse, ou "You’ve Seen the Butcher", avec son groove sadique et ses silences chargés de menace. Lorsque la voix de Moreno se pose intuitivement sur ces titres, on découvre un groupe qui cultive à nouveau le goût de ses contradictions naturelles, entre charme et violence. Ce dernier, libéré de toute consommation de drogues, apparaît métamorphosé, tant physiquement que vocalement. Le registre plaintif, désenchanté de Deftones ou Saturday Night Wrist disparaît au profit d’une variété de motifs mélodiques très expressifs, allant de l’espièglerie de "CMND/CTRL" à l’assurance de "Risk". 


Malgré sa forme épurée et sa quête de confort, Diamond Eyes n’hésite pas à s’offrir quelques boulversements assumés. Le metal disparaît parfois pour laisser place à une dream pop riche et caressante, à l’image de l’éblouissant "Sextape" où les arpèges – d’abord incertains, puis scintillants – se fondent peu à peu dans de somptueuses textures liquides. Plus loin, "Beauty School" séduit par la candeur de ses mélodies et l’ampleur de ses guitares shoegaze. Singulier dans la discographie du groupe, le morceau voit Abe Cunningham souligner la sensualité du chant par un rythme disco inattendu sur les couplets, avant de créer un vertige saisissant à la rupture du refrain. La qualité sonore de ces deux morceaux impressionne mais ne se maintient malheureusement pas toujours sur le reste de l’album. Les titres les plus bruyants subissent par exemple une compression maladroite : sur "CMND/CTRL", le son de guitare mécanique écrase la dynamique et asphyxie son élan de liberté.


Ce sixième opus rassure sans peine les fans qui ne s’étaient pas vraiment retrouvés dans les hésitations de la décennie précédente. Sans être leur œuvre la plus intense, la plus aventureuse ou la plus aboutie techniquement, elle condense avec clarté l’identité sonore du groupe, dans une forme aujourd'hui plus accessible que leurs débuts. Sa concision lui évite tout temps mort, à l’exception, peut-être, des deux derniers morceaux, qui offrent malgré tout une respiration bienvenue avec leurs allures contemplatives. Mais Diamond Eyes rappelle aussi au groupe qu’il peut encore savourer le plaisir d’écrire ensemble, spontanément, sans s’enliser des mois – voire des années – en studio à poursuivre une vision sonore indéterminée. Il leur permet de porter ces morceaux sur scène avec une énergie neuve et inattendue, ravivant leur goût du live et, plus largement, leur carrière. Pour de nombreux fans qui n’avaient pas connu leur première heure de gloire, cet album sera la porte d’entrée. Et surtout, Diamond Eyes prouve aux Californiens qu’ils peuvent relever la tête après la plus grande tragédie de leur histoire – et que, malgré les années de conflits et d’incertitudes, Deftones est loin d’avoir dit son dernier mot.


À écouter : "Diamond Eyes", "You've Seen The Butcher", "Beauty School", "Sextape"


___________


¹ Malgré quelques petits signes d’amélioration partagés au fil des années par le groupe et sa famille, Chi Cheng décède finalement d’un arrêt cardiaque le 13 Avril 2013. Sa vie et son parcours artistique sont unanimement célébrés par ses pairs. Eros ne voit jamais le jour en dehors d’un single nommé "Smile", publié par Chino dans le dos de Warner Records au premier anniversaire de la mort de son ami.

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Commentaires
ValentinAR, le 18/08/2025 à 13:03
Oui quand je parle d'accident pour SNW, c'est surtout du point de vue du groupe, comme ils ont détesté le faire et que ça a failli être leur dernier. Chino en particulier a fini par coller des bouts de morceaux entre eux pour en faire quelque chose de cohérent puisque les autres membres ne voulaient pas vraiment y retoucher. Mais je pense que ça reste un très bon album, peut-être un de mes préférés du groupe d'ailleurs. Le processus chaotique se ressent à l'écoute mais rarement dans le mauvais sens. Pour la prod, ça reste une question de gout, mais je trouve que le rendu sonore des quelques titres agressifs de Koi No Yokan est bien au dessus de celui de Diamond Eyes alors que c'est le même producteur.
jojo, le 18/08/2025 à 11:12
Tiens, une critique de cet album que j'adore :) J'avais oublié le contexte tumultueux du groupe entre White Pony et cet album (mais pourtant j'aime autant l'éponyme et le supposé accident SNW, pourtant à mon sens réussi). Sur Diamond Eyes, j'adore le morceau titre, à la fois brutal et sensuel, et porté par un rythme très légèrement décalé (le chant semble un chouïa désaxé sur le refrain aux premières écoutes, avant que cela s'impose comme une évidence). Royal est parfaite également. CMND/CTRL est d'une grande brutalité (pas d'accord sur la prod, ça marche très bien sur ce type de morceau). You've seen the butcher possède ce riff énigmatique incroyable, même si je trouve que la chanson se termine un peu trop tôt. Beauty School a mis du temps à se révéler à moi, mais est bel et bien une superbe chanson dans un registre plus "calme". Prince a aussi un riff tortueux excitant, même si je ne pense pas forcément à ce titre en premier lieu quand je pense à cet album. Rocket Skates est un autre morceau de bravoure de l'album, imparable. Sextape prend tout le monde par les tripes, son côté sensuel et éthéré est superbe. Après, elle fait peut-être partie de ces chansons "trop bien" dont l'impact s'amenuise légèrement après plusieurs écoutes, la faute peut-être à une structure trop "attendue" (léger défaut). Risk m'a toujours paru très bonne, bien que classique en comparaison du reste de l'album. Mais je l'écoute malgré tout avec un grand plaisir. 976 Evil est pour moi la chanson la plus sous-cotée de l'album. Je la trouve superbe avec son refrain décalé, c'est typiquement un grower, surtout si on aime les expérimentations rythmiques (même si ça reste surtout cantonné au refrain). This Place is Death conclue admirablement l'album, sorte de montée en puissance tout le long du titre. ------ A mon sens, ils feront un peu mieux avec Koi No Yokan, qui reprend l'esprit de cet album, avec un son légèrement plus chaud et des compos imparables de bout en bout (malgré peut-être cette tendance à composer des morceaux très efficaces, mais qui peuvent moins marquer sur la durée) (d'ailleurs, Gore et Ohms semblent eux plus expérimentaux, moins efficaces d'emblée, mais peut-être plus puissants sur la durée ; même si Gore est malheureusement sous-estimé)