The Wizards

L’Espagne n’est pas forcément le premier pays européen qui vient à l’esprit quand on imagine la géographie du rock, pourtant l’État péninsulaire exprime un goût prononcé pour les musiques saturées et en particulier pour les groupes issus de la vague retro-revival des 70’s ou 80’s : suivez la route des tournées et vous verrez qu’elles passent davantage par Madrid, Barcelone ou Valence que par n’importe quelle commune française de la même taille. De plus, une scène locale s’est développée avec nombre de formations qui méritent d’être connues et, par là-même reconnues : l’an dernier, Saturna nous a gratifié d’un très bon cinquième opus et cette année, The Wizards met au monde son chef-d’œuvre qui figure déjà parmi les albums de l’année - The Exit Garden.

Le combo de Bilbao s’inscrit dans le sillon Heavy retro, à cheval entre les années 1970 et 1980, au profit d’une musique saturée subtile, parfois même progressive quand il s’agit d’affirmer son penchant ésotérique : le morceau titre, "The Exit Garden", est ainsi introduit par des guitares jumelles très mélodiques à la Wishbone Ash, les orgues analogiques en plus (on pense alors à Hällas et Tarot), puis déroule un riff cavalier plus classique et des refrains incantatoires en accord avec leur nom ensorceleur. La pochette, assez sublime, nous entraîne propose une errance inquiétante dans les allées fantasmagoriques d’un jardin aux allures de cimetière.

Car cet éden metallique cache des sentiers heurtés, des titres martiaux comme "Oniros", dont les refrains puissants mais mélancoliques évoquent Spell (principalement pour les effets à la guitare), et des mid-tempo plus lents et lourds comme le sabbathien "Full Moon in Scorpio", aux refrains plus emphatiques dignes d’un culte lumineux ou le long "Crawling Knights", tout aussi recommandable. Bien que très rigoriste, leur interprétation du Heavy Metal peut avoir des atours plus modernes (l’introduction magistrale de l’enthousiasmant "Holy Mountain Mind", une nouvelle réussite de l’album), mais même leurs compositions inscrites dans un registre plus attendu parviennent à griser l’auditeur ("Equinox of Fire" ou "Questions", un titre très Maiden-ien dans sa construction puisque il commence comme une ballade pour ensuite accélérer le mouvement et muscler le propos avec des dialogues virtuoses à la guitare). Enfin, The Wizards s’autorisent à conclure sur une note de rock alternatif désabusé à la Madrugada : à "Day of Another Life" d’interrompre notre chevauchée par les plaintes des sorciers-troubadours.

Alors que 2024 semble s’avancer sur le podium des millésimes rock/Metal de la décennie, l’Espagne peut se réjouir de participer à l’excellence grâce à The Wizards qui signent ici un coup de maître.

À écouter : "The Exit Garden", "Oniros", "Day of Another Life"