
Status Quo
Ma Kelly's Greasy Spoon
Produit par John Shroeder
1- Spinning Wheel Blues / 2- Daughter / 3- Everything / 4- Shy Fly / 5- (April) Spring, Summer And Wednesdays / 6- Junior's Wailing / 7- Lakky Lady / 8- Need Your Love / 9- Lazy Poker Blues / 10- Is It Really Me / Gotta Go Home / 11- Is It Really Me / Gotta Go Home / 12- Daughter / 13- Down The Dustpipe / 14- In My Chair / 15- Gerdundula / 16- Down The Dustpipe / 17- Junior's Wailing / 18- Spinning Wheel Blues / 19- Need Your Love / 20- In My Chair


Quand on apprécie Status Quo, on se rend compte que tout le monde connait le groupe sans vraiment les connaître. Toutes les oreilles sont marquées par leurs riffs cavaliers fondateurs du boogie rock, et, pour des raisons plus ou moins honorables, "In the Army Now" reste un morceau très populaire qui rend le groupe célèbre auprès du grand nombre … Une postérité bien limitée, quand bien même le groupe possède plus de trente albums studios : ce n’est qu’en surface qu’il existe. La remarque est peut-être un peu trop pessimiste pour Status Quo : n’en est-il pas ainsi de la réception de tous les grands groupes de rock au-delà du cercle des amateurs ?
Au Royaume-Uni, par contre, Status Quo est une institution tellement importante que la méconnaissance qu’on peut regretter ailleurs se transforme en patrimoine intergénérationnel du rock national. Dans les maisons en briques de la perfide Albion, on sait que la formation a produit une œuvre riche et dense, dont la période la plus faste s’ouvre avec Ma Kelly’s Greasy Spoon, troisième album, qui marque la transition depuis la pop-psychédélique vers le son caractéristique de Status Quo. L’ère du boogie-rock et de l’alignement des guitaristes qui donnent des coups d’épaule d’avant en arrière telles des pendules est née.
Accélérer le blues avec des riffs de boogie-rock, saturer le rock’n’roll avec des grosses guitares, ils ne sont pas les premiers à le faire. Le patronage de Steamhammer, revendiqué par la très bonne reprise du tubesque "Junior’s Wailing" (gros succès en Allemagne), en est la preuve. D’ailleurs, le groupe n’est pas toujours à la pointe de l’’innovation : "Spinning Wheel Blues" est assez convenu, du solo d’harmonica au jeu de piano, idem pour la dansant et efficace "Daughter". Par contre, "Shy Fly" mêle hard-rock et blues rock pour un résultat capable de faire swinguer la reine mère, et "Need Your Love" fait preuve d’un modernisme étonnant dans ses riffs orientalisant que ne renieraient pas certaines formations Metal actuelles. Le tout transpire la classe qu’on retrouve dans le manifeste rock qu’est "(April), Spring, Summer and Wednesdays", les nouvelles Quatre saisons qui baignent dans les riffs doux mais saturés. Un pied-de-nez à Vivaldi que d’autres (Curved Air) voulaient intégrer au rang des inspirateurs du rock progressif.
Puisqu’on en parle, il y a bien des velléités progressives qui témoignent d’un esprit du temps dans lequel nage le groupe. "Is It Really Me/Gotta Go Home" est a priori un titre qui se limite au hard-rock, ce qui n’en fait pas un défaut d’autant que le riff est parfaitement trouvé. Mais il dévoile une architecture plus complexe : une seconde partie bien plus énergique (où le chorus pourra distribuer ses notes) et rapide construite sur le duo guitare/clavier, puis une dernière partie plus éthérée et expérimentale (le "Blue Rondo à la turque" de Brubeck y fait une apparition) fait durer le plaisir et déroule un mantra répétitif.
Ma Kelly’s Greasy Spoon n’est pas le meilleur album de la décennie pour Status Quo et il sera rapidement surpassé – bien qu’il possède de très bons moments. Néanmoins, il est fondateur dans l’histoire du groupe car c’est celui par lequel son identité musicale voit le jour. Il serait dommage de passer à côté.