
Jefferson Starship
Red Octopus
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1- Fast Buck Freddie / 2- Miracles / 3- Git Fiddler / 4- Ai Garimasu / 5- Sweeter Than Honey / 6- Play on Love / 7- Tumblin' / 8- I Want to See Another World / 9- Sandalphon / 10- There Will Be Love


Tout comme "octopus" de l’album de Gentle Giant (1972) portant ce nom, ne renvoyait non pas au céphalopode mais aux huit titres le composant, le terme renvoie ici aux huit membres de Jefferson Starship. Dans les deux cas pourtant, l’animal trouve sa place sur la pochette et dans le cas de Red Octopus, il est inimaginable que le combo n’ait pas pensé à sa charge symbolique liée aux affiches de propagande qui l’utilisent depuis le XIXème siècle (contre l’Église ou les juifs d’abord, puis contre les capitalistes ou les communistes ensuite – c’est selon votre bloc). Associée à la couleur rouge, la pieuvre évoque évidemment le paradis des camarades mais ne vous méprenez pas, cet hommage à la Chine ne vaut pas pour autant profession de foi maoïste et témoigne avant tout d’une forme d’(extrême) orientalisme cultivé depuis plusieurs années.
Observé avec la froideur des faits, Red Octopus est un énorme succès. Il permet au groupe de s’asseoir au sein de la scène bientôt dite AOR qui s’installe aux États-Unis, celle du soft-rock FM qui trouve ici ses lettres de noblesses dans une ballade bien longue, "Miracles". Un tube s’il en est, que le "petit rocker" du vingt-et-unième siècle aura néanmoins le bon goût de bouder pour sa mièvrerie et ses facilités difficilement acceptables. Il n’en est pas du rock comme de la démocratie : la quantité de suffrages obtenus ne saurait être un critère de sélection pertinent. On déplorera aussi le kitsch d’"Ai Garimas? (There Is Love)" (pour ses orchestrations, notamment), ou de "Tumblin'" également, mais on s’autorisera à considérer que "There Will Be Love", bien qu’aussi FM, aurait mérité une meilleure exposition pour la complexité de sa construction.
Malgré cette orientation soft-rock de plus en plus marquée, il reste cependant un peu de Jefferson Airplane dans leur musique, sur "Fast Buck Freddie" aux aspérités country, sur l’électrique "Sweeter than Honey" et, dans une moindre mesure, sur "Play on Love". En étant plus rock, Jefferson Starphip se montre capable de proposer de belles compositions, avec en premier lieu "I Want to See Another World", qui est le seul titre vraiment mémorable à mon sens. Le groupe a enfin le bon goût d'offrir deux solides instrumentaux : "Git Fiddler", qui est l’occasion d’un dialogue virtuose entre Papa John Creach au violon et Kevin Moore à la guitare, "Sandalphon", qui renoue avec les légères touches progressives de Dragon Fly (1974).
Finalement, ce second album n’est qu’une addition supplémentaire permettant de documenter le prix du succès : si l’on s’y conforme, l’esprit du temps s’avère parfois être le pire ami des artistes.
À écouter : "I Want to See Another World", "Fast Buck Freddie", "There Will Be Love"